La prévention de l’usure professionnelle : un outil pour le maintien dans l’emploi des salariés en deuxième partie de carrière

La prévention de l’usure professionnelle : un outil pour le maintien dans l’emploi des salariés en deuxième partie de carrière

17.12.2023

Gestion du personnel

Dans cette chronique, Sébastien Vernède, associé dans l’équipe ressources humaines et transformation de Sia Partners, un cabinet spécialisé dans l’accompagnement RH, analyse les facteurs de risques et livre quatre leviers d'actions concrets pour prévenir l'usure professionnelle. Un enjeu clef pour les DRH à l'heure de la réforme des retraites.

Un point important de la négociation à venir sur l’emploi des seniors va porter sur la lutte contre l’usure professionnelle, terme qui vient s’ajouter à des concepts largement encadrés : la pénibilité, dont les six facteurs de risques (travail de nuit, port de charge, bruit…) doivent être mesurés et faire l’objet d’une démarche de prévention ; et la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT), devant faire l’objet d’une négociation obligatoire a minima tous les quatre ans.

Pourtant, beaucoup de travailleurs se sentent usés, et pas uniquement ceux exposés aux facteurs de pénibilité. Un récent sondage OpinionWay pour Sia Partners pointait en effet que le recul de deux ans de l’âge de départ en retraite aura, pour les deux tiers des Français, un impact négatif sur leur rapport au travail. L’enjeu est donc de taille et appelle à s’interroger sur les moyens concrets à mobiliser pour maintenir dans l'emploi, et en bonne santé, les salariés tout au long de leur carrière.

L’usure professionnelle est définie par l’Anact comme "un processus d'altération de la santé des agents dans une ou plusieurs de ses dimensions : physique, psychologique et psychique, sociale", définition plus large que celle de la pénibilité. Elle permet d’appréhender l’usure au travail au travers de dimensions jusque-là non couvertes avec, en premier lieu, la notion de santé psychologique, physique et sociale, prégnante pour les cadres, dont le taux d’absentéisme explose.

Penser l’usure professionnelle comme un "processus" permet également d’intégrer la question des parcours de carrière et des reconversions comme outil de prévention, à toutes les étapes de la vie professionnelle et pas uniquement dans les années qui précèdent le départ en retraite. Mais aussi d’introduire dans l’analyse le ressenti des salariés sur les tâches qu’ils considèrent comme usantes et ce alors que l’effort perçu est souvent décorrélé de critères objectivables. Par exemple, les relations avec le public (tension, incivilités, agressions) sont absentes des approches de prévention de la pénibilité alors qu’elles sont une cause croissante d’arrêts de travail et d’usure professionnelle.

Le document d’orientation du ministère du travail en vue de la négociation sur le "nouveau pacte de la vie au travail" est pour le moins succinct sur la déclinaison concrète de la prévention professionnelle avec la création d’un Fonds d’investissement de la prévention de l’usure professionnelle (FIPU) et l’injonction à ce que "la mobilisation des branches et des entreprises soit amplifiée dans cette démarche de prévention […] plutôt qu’une intervention uniquement en réparation une fois que l’exposition a eu lieu".

Pour autant, les entreprises ne partent toutefois pas de rien pour prévenir l’usure professionnelle de leurs salariés. Sia Partners, qui anime depuis six mois un groupe de travail sur le sujet avec près de 20 grandes entreprises et organisations françaises, a ainsi identité une trentaine de mesures (aménagement des postes et des temps de travail, adaptation des parcours de carrière, dispositifs de suivi médical…) duplicables assez aisément que l’on peut regrouper en quatre idées fortes.

1/ Renforcer le rôle de l’entreprise dans la santé des collaborateurs, au-delà de l’aptitude au poste de travail

Afin de maintenir dans l’emploi, en bonne santé, engagés et motivés, les salariés dans des vies professionnelles plus longues, plusieurs entreprises ont renforcé leur rôle dans la santé de leurs collaborateurs, via des mesures de prévention sur le sommeil, l’alimentation, le sport ou par des bilans de santé complets à 40 ou 45 ans (souvent en partenariat avec la complémentaire santé). Une enquête Ipsos de mars 2023 indiquait que 80 % des salariés seraient intéressés par un bilan de santé proposé par leur employeur.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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2/ Accompagner les reconversions professionnelles à toutes les étapes de la carrière 

L’usure professionnelle est souvent liée à une lassitude ou une perte de sens de l’emploi occupé. Un des enjeux des prochaines décennies va être de développer la fluidité des évolutions professionnelles d’entreprises à entreprises, au sein d’un bassin d’emploi, dans le cadre de reconversions croisées. De même, la possibilité de prendre des "congés respiration" (chez Orange) est un dispositif efficace pour prendre de la distance par rapport à un excès d’engagement ou une lassitude dans le travail.

3/ Repenser les horaires de travail des salariés non éligibles au télétravail

L’explosion du télétravail a contribué à renforcer l’écart de conditions de travail entre les travailleurs éligibles ou non. Pour y remédier, plusieurs entreprises tentent d’aménager les horaires de travail des employés ne pouvant pas travailler à distance, en réfléchissant à la semaine de quatre jours (RATP), des horaires flexibles (OuiCare), ou des horaires participatifs (Leroy Merlin)…

4/ Prendre à bras le corps l’usure professionnelle en lien avec les rapports avec le public

La dégradation des relations avec le public apparait comme un sujet de plus en plus prégnant en matière de prévention et d’usure professionnelle. Ainsi, une étude de France Stratégie démontre que les métiers dans lesquels on a le plus de mal à se projeter jusqu’à la retraite sont, non pas les plus durs mais ceux où l’on est au contact du public (caissiers, professionnels de l’action sociale, employés de l’hôtellerie / restauration). Les entreprises les plus sensibilisées à la question, comme par exemple la SNCF, ont développé des approches préventives (formation, mise en situation, sécurisation des lieux de relation avec le public, alarme discrète, caméra embarquée…) mais aussi curatives (soutien psychologique, dépôt de plainte systématique) mais sans avoir trouvé la martingale.

Au final, on remarque que toutes les mesures mises en œuvre pour prévenir l’usure professionnelle ne sont pas destinées uniquement aux salariés en deuxième partie ou fin de carrière mais répondent à des attentes de tous les collaborateurs, y compris les plus jeunes. Dans le contexte de tension sur le marché du travail et de pénurie de l’emploi notamment dans les métiers jugés difficiles (BTP, hôtellerie-restauration…), agir sur l’usure professionnelle à tous les niveaux devient de plus en plus un vecteur de marque employeur en ce sens que cela permet de favoriser l’emploi des seniors mais également de renforcer l’attractivité de métiers qui peinent à recruter.

SEBASTIEN VERNEDE
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