Suite à la publication du cas pratique "Ehpad : comment recourir à la contention d’un usager ?" dans TSA magazine de février 2016, un directeur d’établissement de santé, Thierry de Montgolfier, souhaite apporter sa contribution. Il lui paraît déraisonnable d’appliquer les recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) à la lettre en ESMS. Et nous explique pourquoi.
Mon activité professionnelle m’a conduit dans des établissements MCO, SSR, psychiatriques et médico-sociaux. La question de la contention se pose dans tous ces secteurs mais de façon différente.
La prévention de la contention doit reposer sur l’attention à ne pas glisser dans la maltraitance. Ce risque est majeur et le sera de plus en plus. L’effet croisé de l’accroissement de la dépendance et de la contraction des moyens conduit à une pression forte sur les personnels. Dans un souci de protéger l’usager déambulant ou chuteur, notamment, les soignants pourraient, à défaut de temps, être tentés de recourir à la contention.
Des recommandations non adaptées
La HAS a arrêté des recommandations qui comportent notamment la réévaluation quotidienne et pluridisciplinaire de la contention. Ces recommandations ont un sens dans des prises en charge aiguës accompagnées de situations de crise suivies et précédées de répits. L’objectif est de ne pas appliquer une contention quand la situation du patient ne le justifie pas. De plus, les permanences médicales et infirmières, voire psychologiques, devraient permettre cette réévaluation journalière.
Qu’en est-il dans les structures médico-sociales et notamment les Ehpad ?
La permanence médicale n’est pas assurée en continue et très rares sont les médecins réalisant une consultation journalière leur permettant de réévaluer la contention (avec l’équipe pluridisciplinaire) et de la prescrire. D’ailleurs, quel Ehpad pourrait financer une consultation journalière pour la seule prescription du maintien de la contention ? De plus, les effectifs soignants ne permettent pas d’organiser quotidiennement des réunions d’évaluation des contentions. Enfin, ces contentions sont très majoritairement la conséquence d’une progressive détérioration des capacités cognitives des résidents sans espoir d’amélioration. Il ne s’agit donc pas, habituellement, d’évènements ponctuels.
Prévoir un délai de révision plus long mais rééllement contrôlé et évalué
De toute évidence, donc, le contexte qui justifie les recommandations de la HAS n’est pas celui du médico-social et particulièrement des Ehpad. Il convient donc d’adapter ce protocole en n’exigeant pas une réévaluation aussi rapprochée mais à des dates arrêtées à chaque évaluation pluridisciplinaire en fonction de la situation et de l’évolution de l’état du résident. Certains contextes pourront justifier une réévaluation tous les deux ou trois jours, d’autres par quinzaine comme certains mensuellement par exemple.
La réelle question est qu’en exigeant une application trop stricte, l’évaluation pluridisciplinaire se transformera en une évaluation de simple apparence, sans prise en compte du résident, de ses proches, voire de l’équipe. Elle aboutira donc à un risque accru de maltraitance tout en maintenant un formalisme d’apparence.
Ne faisons pas peser sur les équipes des exigences qu’elles ne pourront tenir mais qui, en cas de problèmes, leur seront opposées.
Le cas pratique "Ehpad : comment recourir à la contention d’un usager ?", publié dans TSA magazine, n° 69, de février 2016, est disponible ici.
|