Laurent Berger (CFDT) : "Le premier sujet sur la table, c’est le pouvoir d’achat"

Laurent Berger (CFDT) : "Le premier sujet sur la table, c’est le pouvoir d’achat"

08.06.2022

Représentants du personnel

Le secrétaire général de la CFDT s’est entretenu hier avec la presse lors d’une rencontre organisée par l’Association des journalistes de l’information sociale. Une heure trente de questions-réponses qui dessinent les positions du premier syndicat français dans les mois à venir. En parallèle, Laurent Berger prépare le prochain congrès de sa confédération qui se tiendra la semaine prochaine à Lyon.

Hasard du calendrier, le congrès de la CFDT se tiendra pile entre les deux tours des élections législatives. "Mais on ne le savait pas quand on l’a organisé !", précise d’emblée Laurent Berger qui tient à ne pas prendre parti dans ces élections, réservant à son syndicat le rôle de "porter la voix des travailleurs, de ceux que l’on n’entend pas toujours". Sa seule limite restera donc de se montrer "incompatible avec l’extrême droite". Quant aux annonces du nouveau gouvernement, Laurent Berger entend bien donner de la voix face aux prochaines réformes : "Sur certains sujets on veut peser, sur d’autres on veut combattre", distingue-t-il, traçant ainsi la répartition de ses priorités. En un mot, la question des retraites peut attendre. Il place l’urgence sur le pouvoir d’achat.

Pouvoir d’achat : "Des mesures à cibler"

Chèque alimentation, indexation des retraites, carburants… le gouvernement se positionne ces derniers jours sur le pouvoir d’achat (lire notre brève dans cette même édition).  Une priorité que partage Laurent Berger mais sous un prisme plus large que les seules aides directes de l’État. Aides qui selon lui devraient être ciblées : "Les aides au carburant pour tous, c’est arroser du sable. Ça n’a pas le même sens selon qu’on se rend tous les jours au travail en voiture ou qu’on part en weekend entre amis". Il en va de même du chèque alimentation : "Il doit arriver plus vite et être ciblé", martèle Laurent Berger.

Salaires : "Mettre le patronat dos au mur"

La question du pouvoir d’achat englobe celle des salaires pour le leader de la CFDT qui appelle le patronat à prendre ses responsabilités : "Dans les branches, il faut contraindre à une revalorisation au niveau du Smic. 143 branches aujourd’hui se situent sous ce montant, avec des effets de tassement. Et ce qui me remonte le plus, c’est le cas de gens qui travaillent depuis quatre, cinq ou six ans et sont toujours payés au Smic. Il faut mettre le patronal dos au mur", a-t-il insisté. Une revalorisation qui selon lui doit concerner aussi les minimas sociaux, rappelant que "le RSA n’a pas augmenté depuis longtemps". Sur ce sujet, le syndicaliste se montre inquiet : "La spirale négative des ménages qui se trouvent dans la pauvreté me fait vraiment flipper".

Partage de la valeur ajoutée : "Il y a un vrai boulot à faire"

Autre chantier à aborder dans les prochains mois, le partage de la valeur ajoutée qui réclame "un vrai boulot". Encore une fois, le secrétaire général de la CFDT vise le patronat qui selon lui reste "rétif" à ce sujet, notamment sur l’extension du partage aux entreprises sous-traitantes. S’il reconnaît que l’idée du dividende salarié promis par Emmanuel Macron a le mérite de faire émerger le sujet, encore faut-il selon lui le mettre en miroir avec le dividende perçu par les actionnaires. "Et là, souligne Laurent Berger, tout est question de calcul". Ajoutant que le dividende salarié revient à l’intéressement, il prévient que l’idée "ne marchera pas si c’est pour que les salariés touchent 10 là où les actionnaires touchent 100". Mais considérant que "la CFDT n’est pas que le syndicat de la fiche de paye, elle s’occupe aussi du reste", il compte bien jouer son rôle dans les prochaines réformes de la protection sociale.

Retraites : "Il est hors de question d’en traiter cet été"

Suivant la logique de sa priorité donnée au pouvoir d’achat, Laurent Berger a été très clair sur la réforme des retraites. Sur le fond, c’est-à-dire le recul de l’âge légal de départ à 64 ou 65 ans, "c’est ‘no way’ pour la CFDT", a-t-il tranché. D’une part parce que selon lui une telle mesure pénaliserait ceux qui ont commencé à travailler jeunes, et d’autre part parce qu’il fustige l’idée de financer la dépendance des personnes âgées sur le budget des retraites : "Ce ne sera pas possible. Pour financer l’autonomie, la santé ou encore l’éducation, il faut d’autres choix fiscaux qu’aujourd’hui", à savoir un impôt plus progressif, sur les plus riches et une taxation du patrimoine.

Laurent Berger réclame aussi une réforme de la gouvernance de l’assurance chômage, épinglant la lettre de cadrage de l’État et le risque de perte de contrôle des partenaires sociaux. "La lettre fût un cran supplémentaire franchi par l’État sous le dernier quinquennat (…) qui contraint les négociations. Je ne veux pas faire mine de jouer un rôle", a-t-il insisté.

Des relations intersyndicales au beau fixe ?

Interrogé sur l’élection de Frédéric Souillot en remplacement d’Yves Veyrier (lire notre article), Laurent berger a indiqué avoir déjà eu des échanges avec lui et l’avoir félicité. Il a ajouté que "les attaques ad hominem, ça n’existe plus. On se parle, on échange, on se rencontre. Il y a des accords et des désaccords mais on s’est unis sur le report de l’âge légal". Si Frédéric Souillot a montré son accord sur ce point en qualifiant la réforme des retraites de "mère des batailles" (lire notre brève), Laurent Berger temporise : "Il peut y avoir des enjeux internes dans cette déclaration". Il relève cependant la volonté des syndicats "d’agir ensemble".

Le congrès de la CFDT en ligne de mire

Au sujet de sa propre succession, Laurent Berger a confirmé qu’il n’assurerait pas l’entièreté de son mandat. Si par ailleurs il reconnaît que "la parité est dans la logique des choses", il ne s’est pas spécialement prononcé pour qu’une femme prenne sa place, au contraire de Philippe Martinez qui tente de positionner Marie Buisson à la tête de la CGT après son départ (lire notre brève).

Enfin, à notre demande, le secrétaire général a esquissé les contours du congrès de la CFDT qui aura lieu la semaine prochaine à Lyon. Il ne sera pas question de commenter l’actualité, mais de "valider l’activité et de se projeter sur des repères pour les quatre prochaines années". Les trois premiers jours seront consacrés à "entériner notre positionnement après quatre ans très difficiles sur la base du rapport d’activité". Ensuite, le syndicat abordera les résolutions et leurs amendements dans la perspective de "mettre la CFDT en capacité de faire face aux défis, car c’est une organisation solide (…) mais pas toujours assez agile". La fin du congrès verra aussi "des moments forts autour de camarades d’autres pays comme l’Afghanistan et l’Ukraine". Laurent Berger a conclu en affirmant vouloir "montrer que la CFDT sait où elle va et qu’on est crédibles".

 

Conseil national de la refondation : "On fera surtout attention à ce que ça ne soit pas cosmétique"

 

Laurent Berger s’interroge sur le Conseil national de la refondation annoncé par Emmanuel Macron dans la presse régionale comme une nouvelle instance de gouvernement permettant de remplir les objectifs fixés pendant sa campagne présidentielle (lire l’interview dans le quotidien Ouest France). Ce nouveau CNR, référence au Conseil national de la Résistance, impliquerait selon le Président de la République "les forces politiques, économiques, sociales, associatives, des élus des territoires et de citoyens tirés au sort". Tout comme Frédéric Souillot sur RTL lundi 6 juin, Laurent Berger se demande quelle serait la différence entre le CNR et le CESE (conseil économique social et environnemental). "On va demander vendredi de quoi il en retourne", a-t-il affirmé. En effet, Emmanuel Macron aurait invité à déjeuner les principaux leaders syndicaux afin d’évoquer le sujet. Le leader de la CFDT reste cependant lucide : "On peut appeler CNR ou pas, tout dépend de la démarche mais pour l’instant on ne sait pas ce que c’est. On fera surtout attention à ce que ça ne soit pas cosmétique". Philippe Martinez (CGT) a quant à lui déjà décidé de ne pas se rendre à ce déjeuner (lire notre brève dans cette même édition).

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Marie-Aude Grimont
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