L'avant-projet de loi qui reprend les accords sur le CSE et les seniors

L'avant-projet de loi qui reprend les accords sur le CSE et les seniors

25.03.2025

Représentants du personnel

Le gouvernement a transmis au Conseil d'Etat l'avant-projet de loi qui transpose les accords conclus en novembre dernier par les partenaires sociaux sur l'emploi des seniors et la non-limitation à trois mandats successifs au CSE.

Le 14 novembre dernier, les organisations syndicales et patronales ont conclu trois accords nationaux interprofessionnels, dont une nouvelle convention d'assurance chômage déjà agréée par le gouvernement (*). Les deux autres accords concernent le CSE et les seniors. Pour le CSE, le texte met fin à la limitation à trois du nombre mandats successifs au comité social et économique, un texte qui a rallié toutes les organisations sauf la CPME, opposée à toute remise en cause des ordonnances de 2017. L'autre concerne l'emploi des seniors, avec des dispositions, notamment, sur la retraite progressive, la négociation dans l'entreprise et un nouveau CDI pour les seniors d'au moins 60 ans, un accord signé par toutes les organisations sauf la CGT (voir notre infographie).

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Mais certaines des dispositions de ces accords, pour s'appliquer, supposent qu'elles soient transposées dans la loi. C'est l'objet de l'avant-projet de loi préparé par le gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux. Le texte, actuellement soumis au Conseil d’État, pourrait être examiné par le Parlement à partir d'avril pour une adoption en juin.

Limitation du nombre de mandats successifs au CSE : la disposition du code sera supprimée

L'actuelle règle limitant à trois le nombre de mandats successifs a été introduite à l'occasion de la création du comité social et économique, en 2017. Les organisations syndicales ont de longue date réclamé son abolition car cette mesure fragilise à leurs yeux la transmission des compétences entre élus et donc les collectifs des IRP. Ajoutons que l'accord évoque la négociation en 2025 de nouvelles dispositions pour valoriser les parcours syndicaux, mais ces discussions n'ont pas commencé.

Dans son article 8, l'avant-projet de loi du gouvernement reprend l'accord en supprimant du code du travail la limitation à trois mandats. L'article L. 2314-33 du code du travail serait réécrit ainsi : "Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique sont élus pour quatre ans. Les fonctions de ces membres prennent fin par le décès, la démission, la rupture du contrat de travail, la perte des conditions requises pour être éligible. Ils conservent leur mandat en cas de changement de catégorie professionnelle". 

Rappelons que cette règle limitant les mandats ne s'applique déjà pas aux entreprises de moins de 50 salariés, et qu'elle peut aussi être écartée expressément dans le protocole électoral des entreprises de moins de 300 salariés. 

Seniors : les dispositions des partenaires sociaux sont reprises

L'accord sur les seniors comportait des dispositions sur la négociation collective et les droits des salariés.

Le texte du gouvernement reprend ses dispositions en créant :

  • une nouvelle négociation spécifique sur l'emploi des seniors dans la branche et l'entreprise, donc distincte de la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) ; 
  • de nouveaux rendez-vous de mi-carrière et de fin de carrière pour les salariés ;
  • un nouveau CDI pour les demandeurs d'emploi d'au moins 60 ans ;
  • un financement du temps partiel de fin de carrière via l'indemnité de départ à la retraite ;
  • un accès à 60 ans de la retraite progressive et une précision des motifs de refus par l'employeur.

La nouvelle négociation seniors

► Dans les branches. Tous les 3 ans, les branches sont invitées à négocier, après "établissement d'un diagnostic", sur "l'emploi et le travail des salariés expérimentés". La négociation porte obligatoirement sur : 

  • le recrutement des salariés expérimentés ;
  • leur maintien dans l'emploi et l'aménagement des fins de carrière, et notamment les modalités de la retraite progressive et du temps partiel ;
  • la transmission des savoirs et compétences des seniors (missions de mentora, tutorat et mécénat de compétences).

Un décret précisera "les informations nécessaires à la négociation".

Cette négociation peut aussi aborder, de façon facultative :

  • le développement des compétences et l'accès à la formation ;
  • les impacts des transformations technologiques et environnementales sur les métiers ;
  • les pratiques managériales mobilisables ;
  • les modalités d'écoute des salariés concernant l'exercice de leurs missions ;
  • la santé au travail et la prévention des risques professionnels (via la mobilisation du Fonds national de prévention des accidents, le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle, etc.) ;
  • l'organisation et les conditions de travail ;
  • les relations sociales. 

L'accord de branche pourra comporter un "plan d'action type pour les entreprises de moins de 300 salariés". Ce plan d'action pourra être mis en œuvre, après information et consultation du CSE, par ces entreprises. 

 ► Dans les entreprises d'au moins 300 salariés. Tous les 3 ans au moins, l'employeur devra engager une négociation sur "l'emploi, le travail et l'amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés". Précédée d'un diagnostic, cette négociation portera sur les mêmes thèmes que la négociation de branche. Les informations à donner lors de cette négociation seront aussi précisées par décret. 

Cette nouvelle obligation a une conséquence : la négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) prévue à l'art. L. 2242-20 pour les entreprises d'au moins 300 salariés ne traitera plus de cette question de l'emploi des salariés âgés et de la transmission des savoirs.

​​Un rendez-vous de mi-carrière et de fin de carrière

► L'avant-projet de loi prévoit une visite de mi-carrière pour le salarié durant l'année de son 45e anniversaire. Cette visite médicale vise à vérifier l'adéquation entre le poste de travail et l'état de santé du travailleur, évaluer les risques de désinsertion professionnelle, sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement.

Cette visite a lieu 2 mois avant l'entretien professionnel. Ce dernier devra donc évoquer les préconisations éventuelles du médecin du travail. "Cet entretien permet, le cas échéant, l'adaptation ou l'aménagement des missions et du poste du travail, la prévention de situations d'usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilités ou de reconversion professionnelle", énonce le texte. Le salarié sortira de cet entretien avec un bilan de sa santé, de ses compétences, de ses qualifications, de sa formation et de ses souhaits de mobilité, avec copie au service de santé au travail.

► Un entretien professionnel est organisé dans les 2 ans précèdant le 60e anniversaire du salarié. Cet entretien doit aborder les conditions de maintien dans l'emploi et les possiblités d'aménagement de fin de carrière, comme la retraite progressive. 

Un nouveau CDI à partir de 60 ans

► Ce nouveau contrat expérimental, lancé pour 5 ans, est destiné aux demandeurs d'emploi d'au moins 60 ans. Par rapport à l'impossibilité de mise à la retraite d'office d'un salarié avant 70 ans, ce contrat dit "de valorisation de l'expérience" présente pour l'employeur un avantage : il pourra mettre fin à ce CDI lorsque le salarié atteint l'âge de départ pour une retraite à taux plein tout en étant exonéré de la contribution patronale spécifique de 30% sur le montant de l'indemnité.

Pour cela, le salarié devra remettre à l'employeur un document mentionnant la date prévisionnelle d'obtention des droits à liquidation de retraite à taux plein.

► Une branche pourra décider d'adapter ce CDI seniors pour qu'il s'applique dès 57 ans. 

Financement du temps partiel de fin de carrière

► Lorsqu'un salarié en fin de carrière passe à temps partiel temps réduit, un accord d'entreprise ou de branche pourra prévoir d'affecter l'indemnité de départ à la retraite qu'aurait dû percevoir le salarié à son départ au financement du maintien total ou partiel de son salaire pendant son temps partiel. 

► L'accord devra préciser les modalités de versement au salarié du reliquat éventuel de l'indemnité au moment de son départ à la retraite. 

Accès à la retraite progressive

► La retraite progressive permet à un salarié de travailler à temps partiel donc de continuer à cotiser pour sa retraite, tout en percevant une partie de sa pension de retraite. Les nouveautés apportées par le texte (art. L. 161-22-1-5 du code de la sécurité sociale) sont les suivantes : 

  • accès à partir de 60 ans avec au moins 150 trimestres (l'avant-projet de loi renvoie ces modalités à un décret, mais ce sont celles qui figurent dans l'accord des partenaires sociaux) ;
  • précision sur la motivation du refus de l'employeur d'accepter une retraite progressive : "Cette justification tient compte de l'impact de cette durée de travail sur la continuité d'activité de l'entreprise ou du service dans lequel exerce le salrié ayant fait la demande et des tensions de recrutement objectives sur le poste concerné". 
  • Le texte ne précise pas, comme le faisait l'Ani, que le salarié peut saisir le CSE en cas de refus. 

(*) Certaines des dispositions de cette convention ne s'appliquent qu'à partir du 1er avril 2025. Voir notre article.

Bernard Domergue
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