Le Conseil constitutionnel "valide" le passe sanitaire mais censure la rupture anticipée des CDD
29.07.2021
Représentants du personnel

Comme il l'avait programmé, le Conseil constitutionnel a rendu mercredi 5 août sa décision sur la loi relative à la gestion de la crise sanitaire votée le 25 juillet dernier après un accord entre sénateurs et députés au sein de la commission mixte paritaire (lire notre article et voir notre vidéo). En l'état des connaissances, souligne le Conseil, l'appréciation du législateur selon laquelle existe un risque important de propagation de l'épidémie pour la période allant d'août au 15 novembre 2021, n'est pas "manifestement (...) inadéquate au regard de la situation présente". Les mesures prévues par la loi, et qui ont été précisées voire réécrites par la commission mixte paritaire, apparaissent donc aux Sages suffisamment limitées dans le temps (jusqu'au 15 novembre) et comme opérant "une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées", à savoir la préservation des libertés d'un côté, et, de l'autre; la nécessité pour l'exécutif de prévenir un risque de santé majeur au regard de son rôle constitutionnel de protecteur de la santé.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Les Sages "valident" donc la plupart des mesures contenues dans cette loi et notamment l'extension du passe sanitaire. Toutefois, le Conseil censure deux dispositions importantes pouvant concerner entreprises et salariés. Est tout d'abord censurée la mesure de placement en isolement applicable de plein droit aux personnes faisant l'objet d'un test de dépistage positif à la Covid-19, un isolement de 10 jours. "L'objectif poursuivi par les dispositions contestées n'est pas de nature à justifier qu'une telle mesure privative de liberté s'applique sans décision individuelle fondée sur une appréciation de l'autorité administrative ou judiciaire. Dès lors, bien que la personne placée en isolement puisse solliciter a posteriori un aménagement des conditions de son placement en isolement auprès du représentant de l'État dans le département ou solliciter sa mainlevée devant le juge des libertés et de la détention, les dispositions contestées ne garantissent pas que la mesure privative de liberté qu'elles instituent soit nécessaire, adaptée et proportionnée", décide le Conseil constitutionnel.
Deuxième point censuré : la disposition permettant à un employeur de rompre le contrat à durée déterminée (CDD) ou le contrat d'intérim de manière anticipée dès lors que le salarié n'est pas en mesure de présenter un passe sanitaire dans les établissements concernés où ce passe s'impose, rappelons-le pour les salariés, à partir du 30 août (cafés, restaurants, cinémas, musées, centres commerciaux, etc). Ce passe consiste en un certificat de vaccination, ou un certificat de rétablissement après une Covid-19 ou un test négatif à la Covid-19.
Selon le Conseil constitutionnel, "en prévoyant que le défaut de présentation d'un « passe sanitaire » constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi". En effet, le gouvernement qui avait un temps envisagé que l'absence d'un passe sanitaire entraîne le licenciement sui generis des salariés concernés, est revenu sur sa décision en instituant la seule suspension du contrat de travail sans rémunération.
En revanche, au regard de l'objectif constitutionnel de "protection de la santé" et de la période limitée d'application du passe sanitaire, le Conseil se satisfait des étapes et garanties prévues par le législateur pour le salarié sans passe sanitaire (utilisation de jours de congé, entretien en vue d'un reclassement interne) qui risque donc une suspension du contrat du travail, et bien que garanties ne constituent pas un caractère obligatoire pour l'employeur.
Pour le salarié en CDD comme en CDI, le contrat sera donc "seulement" suspendu. Rappelons aussi que concernant les personnels soignants qui sont tenus d'une obligation vaccinale, lorsque leur contrat à durée déterminée ou de mission est suspendu pour défaut de présentation des justificatifs nécessaires, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension.
FO a pris acte de cette décision favorable aux salariés précaires mais le syndicat estime que la suspension du contrat du travail "validée par le Conseil constitutionnel", qui se traduit par une suspension de la rémunération, "demeure une sanction lourde pour les salariés qui pourraient être concernés, sachant que les possibilités de reclassement ne sont pas égales" selon le type d'entreprise et le secteur.
La CGT de son coté soutient qu'en ne censurant que la partie relative à la rupture anticipée de certains contrats de travail, alors qu'ils auraient été "bien inspirés de censurer l'ensemble des dispositions disciplinaires", "les Sages portent un nouveau coup aux droits des salariés" puisque les salariés ne pouvant présenter un passe sanitaire "se retrouveront sine die sans revenus". La CGT estime que cette suspension représente "une sanction totalement inédite et disproportionnée qui va être désormais intégrée dans le code du travail".
Enfin, la CPME de Paris-Ile-de-France parle de "la décision équilibrée du Conseil constitutionnel" . L'organisation patronale se félicite du maintien du passe sanitaire ("tout sauf un nouveau confinement ou couvre-feu qui serait un véritable économicide", dit le président de la CPME de Paris) et "prend acte" de la censure au sujet de la rupture anticipée des CDD, "une disposition qui était créatrice d'inquiétudes juridiques et porteuse de conflits potentiels supplémentaires au sein de l'entreprise".
► La loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a été publiée au Journal officiel du 6 août 2021.
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