Jacques Toubon publie un avis sur les maltraitances "institutionnelles", subies par les enfants ou les personnes dépendantes en établissements médico-sociaux. Ainsi remet-il à jour cette notion, en l’étendant notamment aux enfants handicapés sans solution, ou encore aux mineurs non accompagnés.
Encore un engagement public contre les « violences institutionnelles » dans les Ehpad ou les foyers de l’enfance... Jacques Toubon en convient, plusieurs dispositifs ont déjà été élaborés, ces dernières années, afin de les contrer ; hélas « ils paraissent encore insuffisants et insuffisamment pris en compte par les acteurs concernés », souligne d'abord le Défenseur des droits, dans cet avis daté du 11 octobre, qu’il a adressé aux parlementaires.
Ce thème de la lutte contre les maltraitances, à vrai dire, avait d’abord été choisi par le député Brahim Hammouche (Modem), pour examiner les crédits dédiés à la mission « solidarité, insertion et égalité des chances », dans le projet de loi de finances pour 2019. Et ce rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales a notamment fait appel à Jacques Toubon, pour venir analyser sous cet angle ce volet du budget, à l’Assemblée nationale, le 10 octobre.
Mise en lumière dès 1982
Mais c’est le Défenseur des droits qui aura décidé de se concentrer sur la violence « institutionnelle ». Celle-ci « n’est pas seulement la résultante d’un acte », rappelle-t-il d’emblée. Elle « peut également trouver son origine dans la non-action, la non-réponse et donc la non-prise en considération des besoins de la personne concernée ». La notion n’a donc rien de neuf, puisqu’elle a été mise en lumière dès 1982 dans le secteur de l’enfance par Stanislaw Tomkiewicz et Pascal Vivet, comme le rappelle Jacques Toubon lui-même. Mais cet avis a le mérite de mettre à jour le concept.
Des MNA aux sans-solution
L’aggiornamento peut d’abord se faire dans la protection de l’enfance. Car selon le Défenseur des droits, de « réelles violences institutionnelles » peuvent être aujourd’hui identifiées dans les « conditions de prise en charge » des mineurs non accompagnés (MNA). Ses services sont en effet saisis de nombreuses situations dans lesquelles « les services de la protection de l’enfance n’assurent pas le respect de leurs droits fondamentaux », que ce soit à l’hébergement ou à l’éducation.
De même le Défenseur des droits est régulièrement sollicité pour des « exclusions, absences de places et mises à l’écart » subies par des enfants handicapés ou présentant des troubles du comportement - notamment par manque de place dans les établissements spécialisés. Voilà qui représente, « pour les enfants concernés, des violences institutionnelles tant elles sont pour certains récurrentes et conduisent à des situations individuelles dramatiques », écrit encore Jacques Toubon.
Recommandations
Enfin, sans y décrire des « violences institutionnelles » à proprement parler, le Défenseur des droits a pu se saisir, ces dernières années, de plusieurs « cas de défaillances des services dans des situations de maltraitances graves ». L’affaire Marina, par exemple, l’avait conduit à prôner un référentiel national pour évaluer les informations préoccupantes.
Jacques Toubon présente donc plusieurs recommandations nouvelles pour ce secteur. Il appelle ainsi à un « renforcement des fonds » alloués à la prévention spécialisée et à la protection de l’enfance. Il préconise également une amélioration « de la coordination entre les institutions ». Et selon lui, « la sensibilisation des professionnels aux violences institutionnelles doit être une priorité ».
Tabou dans les Ehpad
Mais les maltraitances menacent également les personnes dépendantes accueillies dans les établissements médico-sociaux. Le Défenseur des droits constate ainsi « une augmentation de la fréquence et de la gravité des saisines » à leur sujet – tout particulièrement dans les Ehpad. Bien sûr, les mauvais traitements peuvent y être considérés comme isolés, dès lors que « l’institution réagit rapidement ». Malheureusement, « bien souvent la maltraitance peut être qualifiée d’institutionnelle dans la mesure où l’institution laisse les faits perdurer ou se reproduire sans réagir ».
Et pour cause : selon Jacques Toubon, les structures « ont encore des difficultés à accepter l’idée de leurs propres défaillances ». En définitive, « la maltraitance institutionnelle peine à être reconnue et dénoncée tant elle apparaît pour les professionnels comme gravement contraire à la déontologie ». Du reste, pour le Défenseur des droits, l’inadaptation des structures proposées, par exemple à des malades d’Alzheimer ou à de jeunes adultes handicapés, et le manque de moyens humains et financiers, participent, également, de la maltraitance institutionnelle.
Liberté d'aller et venir
Pour ce secteur également, Jacques Toubon fait donc ses recommandations. Il invite ainsi à concrétiser, enfin, les « organes de médiation dans les établissements », à commencer par les personnes qualifiées. Il appelle en outre à « améliorer la connaissance du phénomène », à organiser « un retour d’expérience » à chaque cas de maltraitance signalé, ou encore à instituer des « observatoires régionaux » pour mieux y parer. Le Défenseur des droits propose aussi de promouvoir la liberté d’aller et venir comme « un objectif de prise en charge et d’accompagnement ». Une autre de ses recommandations devrait sans doute faire l’unanimité chez les professionnels : développer les moyens des Ehpad.