Le gouvernement envisage de réduire à 8 jours le délai de consultation du CSE

Le gouvernement envisage de réduire à 8 jours le délai de consultation du CSE

23.04.2020

Représentants du personnel

L'ordonnance adoptée hier en conseil des ministres permet au gouvernement de réduire par décret les délais dont dispose le comité social et économique pour son information-consultation et ses expertises lorsque les décisions soumises à consultation sont liées aux "conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19".

Afin de faciliter la tenue des réunions du comité social et économique (CSE) pendant la crise sanitaire, le gouvernement a déjà assoupli par ordonnance et par décret le recours à la visioconférence et autorisé l'usage de l'audioconférence et de la messagerie instantanée. Toujours au nom de l'urgence sanitaire, sociale et économique, l'exécutif a aussi écorné le principe de consultation préalable du CSE avant toute décision de l'entreprise : il a rendu possible, pour l'activité partielle, une consultation postérieure à la demande de l'entreprise auprès de l'administration (lire notre article), sachant que la nouvelle disposition sur "l'individualisation" de l'activité partielle nécessitera en revanche un accord collectif ou l'avis conforme du CSE ou du conseil d'entreprise (lire notre article dans cette édition). Le gouvernement a également, sans réunir préalablement la commission consultative nationale, raccourci certains délais liés à l'extension des accords de branche (lire notre article).

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Les délais de consultation et d'expertise vont être raccourcis par décret

Cette fois, l'article 9 de l'ordonnance adoptée hier en conseil des ministres permet au gouvernement de raccourcir fortement, durant cette crise sanitaire, les délais d'information, de consultation du CSE, mais aussi les délais de réalisation des expertises lancées par le comité, des délais déjà strictement encadrés depuis la loi Rebsamen. Actuellement, en l'absence d'accord collectif, le comité social et économique (CSE) dispose, pour rendre son avis, d'un délai d'un mois, ce délai étant porté à deux mois si le comité recourt à une expertise, et à trois mois lorsque plusieurs expertises concernent à la fois le niveau central (comité social et économique central) et un ou plusieurs établissements.

Le texte de l'ordonnance renvoie à un décret, qui est annoncé par le ministère du Travail pour la semaine prochaine, la définition du nouveau délai de consultation et des expertises, ainsi que leurs modalités. Ce décret pourra donc modifier les délais légaux du CSE y compris de façon rétroactive : l'ordonnance indique que les nouvelles limites pourront s'appliquer "aux délais qui commencent à courir avant une date fixée par décret". Cela pose la question des consultations et expertises déjà lancées au moment du décret : ne risquent-elles pas d'être hors délais ?

Un délai ramené à 8 jours ?

Par ailleurs, la rédaction juridique de l'article de l'ordonnance ne vise pas tel ou tel type de consultation ou d'expertise mais de façon plus large "les décisions de l'employeur". En effet, l'article évoque les consultations et informations du CSE "sur les décisions de l'employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19" ainsi que "le déroulement des expertises réalisées à la demande du CSE" lorsque celui-ci est consulté sur des décisions liées à l'épidémie.

Ces délais pourront donc concerner les consultations du CSE liées à la reprise d'activité dans les entreprises, un sujet sensible car les CSE pourraient lancer des expertises, y compris pour risque grave, pour s'assurer que les conditions de sécurité sont réunies pour le personnel. Visiblement, le ministère du Travail, qui appelle les employeurs qui le peuvent à privilégier le télétravail, souhaite que les entreprises puissent reprendre rapidement le travail. "Une entreprise ne peut pas attendre plusieurs mois avant de reprendre l'activité", justifie l'entourage de la ministre du Travail. Mais tout un ensemble d'autres consultations, y compris les conséquences économiques et sociales de la crise, avec par exemple un plan de sauvegarde de l'emploi, pourraient être visés par ces accords, craint Karen Gournay, secrétaire confédérale FO en charge de la négociation collective.

Consultés mardi 21 avril par le ministère du Travail, les partenaires sociaux ont entendu évoquer un délai de 8 jours pour la consultation du CSE. Ce délai a priori très court, non confirmé par le ministère qui ne communiquera que la semaine prochaine à ce sujet, ne gène pas outre mesure Cyril Chabanier, le président de la CFTC. "L'idée est d'être très réactif par rapport à la situation actuelle, il faut éviter trop de formalisme. Mais ces règles ne doivent être que temporaires", réagit-il. Karen Gournay, pour FO, est pour sa part hostile à un tel délai : "Comment faire une expertise dans un délai aussi court et sur un sujet aussi important que la santé des salariés ?"

Reste à savoir si la donne autour de ce futur délai peut évoluer d'ici la semaine prochaine. Autrement dit, ces 8 jours ont-ils été évoqués avec les partenaires sociaux afin de faire accepter un délai un peu moins contraint ? A suivre...

Dans cette même édition, retrouvez nos autres articles sur les points traités par cette nouvelle ordonnance : l'activité partielle, les accidents du travail et les maladies professionnelles (notre article), la prime de pouvoir d'achat et les accords d'intéressement (notre brève), les titres de séjour (notre brève).

 

Bernard Domergue
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