Le développement international des « maisons digitales pour l’insertion professionnelle des femmes », entamé par la fondation Orange, souligne que les besoins des femmes précaires sont les mêmes d’un bout à l’autre de la planète. Après l’Afrique, 25 de ces dispositifs vont voir le jour en France.
Un programme d’éducation numérique s’implantant en France après avoir été rodé en Afrique ? L’idée pourrait surprendre tant le décalage culturel semble grand. Sauf à évoquer le public visé : les femmes sans qualification ni emploi. En Afrique, la plupart sont confinées aux travaux des champs. En France, elles vivent dans la précarité et l’exclusion.
Un projet initié en Afrique
Tel est le projet de la fondation Orange, qui s’est engagée depuis octobre 2015 dans l’essaimage, en Europe et en Afrique, de « maisons digitales pour l’insertion professionnelle des femmes ». L’objectif : donner ou redonner une autonomie à des femmes en situation de précarité à travers l’apprentissage du numérique. Initié en Côte d’Ivoire, Cameroun, Madagascar et Tunisie, avec la mise en place d’une vingtaine de maisons digitales, le programme est développé avec le concours des associations ou des ONG œuvrant déjà sur le terrain. Ces dernières ouvrent un lieu de formation et reçoivent en retour un soutien logistique : dotation en matériel informatique (voir encadré), contenus pédagogiques (supports de cours, vidéos, quizz, etc) et accompagnement de bénévoles d’Orange.
Réponses sur mesure
« Chaque maison digitale a un peu sa spécificité », explique Brigitte Audy, secrétaire générale de la fondation Orange. Selon le territoire, rural ou urbain, certaines développent des modules d’alphabétisation sur tablette en parallèle à la transmission des bases de la bureautique : prise en main d’un ordinateur, d’une tablette, initiation à des logiciels et à l’internet. D’autres s’orientent davantage sur le soutien et la reconversion professionnelle des participantes. De manière générale, les formations sont axées autour du micro entrepreneuriat, pour permettre aux femmes de créer une activité génératrice de revenus. « En Afrique, les rares d’entre elles qui ont une activité économique, telle que vendre leurs produits au marché, n’ont aucune notion de gestion comptable. En 6 mois, elles apprennent à faire un budget et reçoivent quelques éléments de marketing, comme fixer un prix ou se différencier par rapport à la concurrence. C’est très émouvant de voir comment ces femmes, qui ont une vie difficile, se motivent à l’idée d’acquérir enfin une autonomie financière », commente Brigitte Audy.
Des besoins assez similaires en France
Après ces premiers pas sur le continent africain, une extension du programme vient de s’engager en France et à l’international (Espagne, Mali, République démocratique du Congo, Egypte et Inde). D’ici la fin 2016, 75 nouvelles maisons digitales devraient voir le jour, dont 25 sur le sol français. Le succès de l’appel à projet lancé à cette fin en France en dit long des besoins non couverts dans l’hexagone, avec plus de 70 dossiers de candidature parvenus à la fondation. Point commun des postulants : tous interviennent sur un public féminin en rupture avec le numérique, sans avoir jamais pu mettre en place une réponse, faute de moyens. « Contrairement à ce qu’on pouvait penser, les associations françaises sont sous-équipées en outils informatiques. C’est saisissant ! », s’étonne Mary Lisa Durban, directrice du mécénat Europe et Moyen-Orient de la fondation Orange.
Surtout en direction des mères seules
Parmi les projets retenus en France, plusieurs émanent de centres d’information sur les droits des femmes et de la famille (CIDFF), touchés eux aussi par les restrictions budgétaires en dépit de leur mission de service public. Nicole Charles, présidente du CIDFF de Haute-Saône, un département très rural, résume la situation : « Nous réfléchissons depuis longtemps à l’accès à internet des femmes les plus fragilisées. Cet appel à projet va permettre de démarrer l’action et de montrer aux pouvoirs publics la résonance que cela peut avoir en termes d’emploi et de rupture de l’isolement. » Un repérage des femmes potentiellement intéressées – « des mères seules pour la plupart » – sera organisé sur le département afin de leur proposer un module de formation. « Notre ambition est de les amener à un certificat d’aptitude à l’utilisation de l’outil informatique. C’est important, car cela leur permettra de se rendre compte qu’elles ont des capacités, voire, pour certaines, de continuer sur des formations qualifiantes », espère Nicole Charles.
Vers une nouvelle extension
Si aucun bilan global n’est encore possible, l’expérience des pays pilotes atteste l’universalité des besoins en compétences numériques. Là où elles s’implantent, les maisons digitales génèrent systématiquement une liste d’attente, assure May Lisa Durban. L’apprentissage sur tablette est lui aussi plébiscité : « Les responsables des associations remarquent que le contact avec ces objets très modernes encourage l’assiduité des personnes. »
Avec désormais 95 maisons digitales réparties sur plusieurs continents, la fondation du géant de la téléphonie compte poursuivre l’extension de son réseau. En 2017, un nouvel appel à projet sera lancé en France et à l’étranger. De quoi consolider encore l’image internationale du groupe, qui revendique déjà près de 8 000 salariés engagés, dans le monde entier, dans des actions de solidarité en bénévolat ou en mécénat de compétences.
Un kit numérique
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Chaque maison digitale est dotée d’un kit numérique. En milieu urbain, celui-ci peut aller jusqu’à 5 ordinateurs, 10 tablettes, un vidéo-projecteur, une imprimante, un mini serveur, une clé USB par participante. Un bénévole Orange est affecté à chaque maison digitale.
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Retrouvez nos précédents articles sur le défi des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communation) dans le travail social :
Tous les articles de cette série sont rassemblés ici (lien à retrouver sur le site de tsa, dans la colonne de droite, rubrique "Dossiers").