Le plan numérique à l’état d’abandon

Le plan numérique à l’état d’abandon

03.02.2017

Action sociale

Désintérêt des acteurs, absence de pilotage national : le plan numérique pour le travail social, issu des états généraux du travail social, a du plomb dans l’aile. Aucune date n’est plus évoquée. Pour autant, des chantiers ont néanmoins été ouverts. Etat des lieux de la situation.

Parmi les 26 mesures du plan d’action en faveur du travail social et du développement social, adopté en conseil des ministres, en octobre 2015, à la suite des états généraux du travail social, l’une consistait à sortir les intervenants sociaux du flou face au numérique (1). Pour cela, le gouvernement actait la nécessité d’élaborer « un plan numérique pour le travail social », dont le réalisation était confiée à l’agence du numérique, en lien avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et le Haut conseil du travail social (HCTS).

Y-a-t-il un pilote ?

Problème : le plan en question a toutes les chances de rester inconnu. Alors qu’il était annoncé pour septembre 2016, ni l’agence du numérique ni le HCTS ne semblent s’en être emparés, ainsi qu’a pu le constater tsa. Sollicitée, la DGCS ne cache pas son embarras. « Le pilotage envisagé par l’agence du numérique ne se mettra finalement pas en place. Cette incertitude sur le pilotage ne permet d’ailleurs pas à ce stade de communiquer une date à laquelle le plan numérique pour le travail social sera formalisé », indique David Soubrié, sous-directeur des professions sociales, de l'emploi et des territoires à la DGCS.

Exit la stratégie numérique attendu depuis des années ? Pas tout à fait. D’après la DGCS, plusieurs mesures plus générales du plan d’action en faveur du travail social et du développement social, toujours en cours d’élaboration, comportent un volet technologique qui pourrait ultérieurement alimenter un plan numérique... À cela s’ajoutent les quelques chantiers ouverts à la suite des états généraux du travail social.

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L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Du mouvement dans la formation

C’est le cas dans le domaine de la formation. Les travaux de réingénierie des diplômes de niveau 3 ont débuté en novembre 2016, avec l’idée d’aboutir avant l’été à de nouveaux diplômes qui rentreront en vigueur pour la rentrée 2018 (lire l'interview de Ségolène Neuville). « Ces nouveaux diplômes intégreront notamment la question de la formation des étudiants à l’usage du numérique », promet la DGCS.

De même, la concertation qui s’est ouverte fin janvier entre les employeurs, les partenaires sociaux et les financeurs de la formation professionnelle, devrait aboutir avant l’été à un document précisant les priorités de la formation continue pour les travailleurs sociaux. « La question de l’usage du numérique devrait ressortir comme un thème de formation, même s’il convient évidemment d’attendre le résultat de la concertation », anticipe David Soubrié

Loi santé du 26 janvier 2016

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Un simulateur pour ouvrir ses droits

Le plan interministériel d’octobre 2015 évoquait également l’importance d’un « simulateur des droits », comme une première marche vers un dossier social unique. Un tel simulateur existe déjà. Il s’agit du site mes-aides.gouv.fr, lancé en octobre 2014 par le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) pour lutter contre le non recours aux droits. Celui-ci permet de simuler depuis une interface simplifiée l’ensemble des aides auxquelles une personne peut prétendre, après avoir renseigné sa situation (familiale, logement, ressources). À l’issu de la simulation, l’usager est convié à entamer les démarches nécessaires. Il peut pré-remplir directement le formulaire de demande, l’imprimer, et connaître les pièces justificatives à joindre.

Pour l’heure, la simulation ne porte que sur les aides sociales d’État (2), ainsi que sur les bourses du collège et du lycée. Mais le site est destiné à s’ouvrir à d’autres prestations, y compris locales. Ainsi, la ville de Paris commence à intégrer quelques-unes de ses 30 aides sociales pour les utilisateurs parisiens, et le département de Seine-Saint-Denis propose à ses habitants âgés une estimation du montant de l’allocation départementale personnalisée d’autonomie

Un coffre-fort numérique pour protéger ses droits

Dans le cadre de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, ainsi que du plan d’action issu des états généraux du travail social, l’Unccas s’est associée à la DGCS pour conduire une expérimentation sur le « coffre-fort numérique », entre septembre 2016 et septembre 2017. Portée par les réseaux associatifs depuis plusieurs années (3), l’idée d’un coffre-fort numérique brille par son évidence : permettre à des personnes en grande précarité ou en errance de stocker et partager, via un cloud sécurisé, les pièces justificatives qui peuvent leur être demandées par les administrations.

L’expérimentation, conduite auprès de 16 centres communaux d’action sociale, a pour objectif d’évaluer l’utilité de ce dispositif dans l’accès aux droits des personnes, sur leurs besoins d’accompagnement dans l’autonomie d’usage de l’outil, comme sur les besoins de formation des travailleurs sociaux. Le public visé a volontairement été élargi aux personnes domiciliés afin de déboucher sur des recommandations les plus universelles possibles. À terme, le "coffre-fort numérique" pourrait favoriser la mise en place d'un dossier unique de demande de prestations pour les populations fragiles.

Pas d'outil en ligne pour le premier accueil social inconditionnel

L’absence de pilotage du chantier numérique conduit néanmoins à des impasses. C’est le cas dans la mise en place d’un premier accueil social inconditionnel de proximité, autre proposition du plan interministériel d’octobre 2015. Constitué d’une première ligne d’intervenants sociaux coordonnés, ce premier accueil social inconditionnel vise à poser un état des lieux de la situation avec la personne, de la renseigner sur ses droits, de la guider sur les démarches à entreprendre ou les personnes à rencontrer dans le dispositif social et médico-social local. Pour cela, le plan mentionne le déploiement d’« outils en ligne de géolocalisation du premier accueil de proximité et de l’offre d’accompagnement social » – du type guide interactif – susceptibles d’indiquer à tout moment les solutions disponibles sur le territoire. Là encore, le chantier est au point mort. Faute d’incitations nationales, les collectivités continuent de fonctionner avec des annuaires papier recensant les structures locales. Au mieux, ce document est accessible sur un site internet, sans mise à jour dynamique de l’offre de service.

Blois met en ligne un guide des solidarités interactif

Parmi les rares collectivités à avoir franchi le pas, le centre intercommunal d’action sociale du Blaisois, qui couvre le territoire de la communauté d’agglomération de Blois-Agglopolys (43 communes, 110 000 habitants), a mis en ligne sur son site internet, depuis 2012, un guide des solidarités numérique. Se présentant comme un moteur de recherche, celui-ci donne accès à quelque 350 fiches renseignées sur les associations, les institutions et autres partenaires du Cias. Chaque structure y présente ses activités, ses modalités d’intervention, les conditions préalables à son intervention. L’utilisateur bénéficie également d’informations pratiques : contacts utiles, géolocalisation, numéros verts ou sites associés. La pertinence de l’outil, rappelle toutefois le Cias, est conditionnée par « l’impérieuse nécessité que l’ensemble des acteurs jouent le jeu et communiquent tout nouvel élément en leur possession ».

Dossier social unique : le grand perdant

Point d’orgue de ces différents apports du numérique, la relance du chantier du dossier social unique, elle aussi annoncé par le plan interministériel d’octobre 2015, promettait une simplification du travail des professionnels. L’idée : les informations remplies à un guichet, quel qu’il soit, s’imposent aux autres administrations ou services sociaux, rendant ainsi possible le recueil en une seule fois des principales informations requises pour l’ouverture des droits ou le suivi des personnes.

Faute de mot d’ordre national, le travail complexe d’harmonisation entre administrations et services sociaux, tant au niveau des systèmes d’information que des justificatifs demandés aux usagers, ne se fera qu’au cas par cas. À l’image des procédures de simplification des échanges de données, actuellement entreprises entre les CAF et les services sociaux des départements. En attendant une prochaine occasion ?

 

(1) Sur ce thème, lire notre Grand angle de décembre 2016 : "Les professionnels sur leurs gardes"

(2) RSA, allocations logement, allocations familiales, couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), aide pour une complémentaire santé (ACS), allocation de solidarité spécifique (ASS), allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

(3) Le groupe SOS a ainsi lancé une initiative dans ce sens (lire notre article).

Marc-Michel Faure
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