Le PLFSS pour 2024 reconfigure la réparation des AT/MP

Le PLFSS pour 2024 reconfigure la réparation des AT/MP

11.10.2023

Gestion du personnel

Clarifier la nature de la rente versée aux victimes d’AT/MP : voilà l’objectif de l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, qui remet en cause une jurisprudence récente de la Cour de cassation, et soulève la contestation des associations de victimes.

Présenté le 27 septembre dernier en Conseil des ministres, le projet de financement de la sécurité sociale pour 2024 réaffirme dans son article 39 la nature duale de la rente versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Une mesure qui entend transposer la demande formulée par les partenaires sociaux dans leur accord national interprofessionnel adopté en mai dernier, et revient sans tarder sur des arrêts rendus en janvier par la Cour de cassation. Mais associations de victimes et syndicats signataires de l’accord sur lequel s’appuie l’exécutif, sont vent debout.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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La Cour de cassation recadrée

Le 20 janvier dernier, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation rendait deux décisions appelées à rénover la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les juges ont décidé que la rente forfaitaire versée à la victime subissant une incapacité permanente ne réparait que les incidences professionnelles de sa situation, à l’exclusion du "déficit fonctionnel permanent" (les souffrances physiques et morales endurées dans la vie quotidienne). Une ligne qui avait pour effet de drastiquement modifier les perspectives d’indemnisation en cas de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur.

Concrètement, en présence d’une telle faute, outre une rente majorée, le salarié peut en effet agir contre l’employeur pour faire réparer à titre complémentaire le préjudice causé notamment par ses "souffrances physiques et morales" (article L.452-3 du code de la sécurité sociale). Mais, puisqu’il est proscrit d’indemniser deux fois le même préjudice l’indemnisation ne peut être obtenue que si ces souffrances sont distinctes de celles réparées par la rente. Tant que le déficit fonctionnel permanent était compris dans la rente, il faisait obstacle ; une fois évacué de la rente par la Cour de cassation, la perspective d’une indemnisation intégrale était rouverte.

L’article 39 du PLFSS apparaît en réaction à ces décisions, et répond à une demande formulée par l’accord national interprofessionnel sur la branche AT/MP conclu en mai dernier. Les signataires pointaient le risque que faisait peser la décision de la Cour de cassation sur le "compromis historique" qui fonde le régime des AT/MP : l’indemnisation est forfaitaire, mais facilitée puisque le lien de causalité n’a pas à être prouvé par la victime. Les partenaires sociaux unanimes avaient appelé le législateur à agir pour réaffirmer le caractère dual de la rente. D’où cette initiative gouvernementale, qui détaille le contenu de la rente forfaitaire AT/MP : elle comprendrait une part professionnelle, qui correspond à l’ancienne définition, toujours fonction du salaire de référence de la victime ; et une part fonctionnelle. La rente couvrirait donc de nouveau un spectre large, susceptible de mieux indemniser les AT/MP de droit commun. Mais le consensus sur le sujet s’arrête là.

Une interprétation de l’ANI contestée par les syndicats

Premier irritant côté syndical : la rente duale nouvelle formule reste soumise à des modalités de calcul fixées par l’exécutif, par décret pour la part professionnelle (toujours fonction du salaire de référence) et par arrêté pour la nouvelle part fonctionnelle. L’article 39 prévoit déjà que cette dernière sera fonction du taux d’incapacité et de l’âge de la victime, deux variables elles-aussi contestées par les syndicats. Jocelyne Cabanal, secrétaire national de la CFDT, rappelle que l’ANI prévoit pourtant la mise en place d’une "commission des garanties", chargée justement de la définition du niveau des rentes AT/MP.

Mais le gouvernement va plus loin. Aux termes de l’article 39, la perspective d’une indemnisation intégrale des souffrances endurées par les victimes dans leur vie quotidienne au titre de la faute inexcusable de l’employeur se trouverait réduite. D’abord car il deviendrait plus compliqué d’établir qu’elles n’ont pas déjà été indemnisées par la rente. Ensuite car la majoration de la part fonctionnelle, versée en cas de faute inexcusable, serait plafonnée. Enfin, car l’indemnisation complémentaire intégrale ne concernerait plus que les souffrances vécues "avant consolidation" (stabilisation de l’état de santé de la personne), contrairement à la pratique antérieure.

Jocelyne Cabanal considère qu’il aurait été possible d’articuler la réaffirmation de la dualité de la rente, sans pour autant brider les perspectives d’indemnisation en cas de faute inexcusable comme choisit de le faire l’exécutif. Force Ouvrière, par la voix d’Éric Gautron, entend de son côté "livrer bataille", dénonçant une "véritable trahison envers l’ANI, les organisations syndicales et les travailleurs", estimant que l’accord "n’a jamais traité de la faute inexcusable de l’employeur" [celle-ci figure à une reprise dans le texte].

Autre conséquence des mesures envisagées : le report du coût financier des employeurs vers le régime, évoqué notamment dans un communiqué de presse de la CGT. Car l’exposé des motifs de l’article 39 ne cache pas le fait qu’en cas de faute inexcusable "l’employeur ne sera pas seul à supporter la charge financière d’un préjudice fonctionnel déjà en partie couvert par la rente AT/MP". La CFDT y voit une faculté pour les employeurs de "s’assurer contre leur propre faute inexcusable", jugée d’autant plus inacceptable que l’ANI vise à favoriser la prévention.

Avec ce premier point de blocage et des associations de victimes très remontées (comme l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante - Andeva - ou la Fédération nationale des accidentés du travail ou des handicapés - FNATH), la transposition de l’ANI sur la branche AT/MP s’annonce donc houleuse. Au regard des objectifs fixés par l’accord, à savoir une "prévention ambitieuse" et une "réparation améliorée", c’est peu dire qu’un climat de vigilance s’installe en attendant de savoir comment l’exécutif abordera la suite des évolutions demandées par les signataires.

Pierre Francoual
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