Le projet de fusion entre PSA et Fiat Chrysler prend de court les organisations syndicales

Le projet de fusion entre PSA et Fiat Chrysler prend de court les organisations syndicales

04.11.2019

Représentants du personnel

Jusqu'alors plongées dans la renégociation de l'accord compétitivité du groupe et occupées à intégrer Opel dans le comité d'entreprise européen, les organisations syndicales de PSA se retrouvent confrontées au projet de fusion avec Fiat-Chrysler. La plupart estiment qu'il peut s'agir d'une opportunité, à condition que l'emploi ne soit pas sacrifié à l'autel des 3,7 milliards d'euros de synergies promises aux actionnaires...

Après l'échec du projet de fusion entre Renault et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) sur fond de scandale Carlos Ghosn et de tensions entre France et Japon, voici le projet de fusion entre...PSA et Fiat Chrysler Automobiles ! Révélé le 30 octobre par le Wall Street Journal, ce projet de fusion à 50/50 a été confirmé par les deux groupes dans un communiqué publié le 31 octobre à 7h45. Soit 5 minutes avant que les organisations syndicales mondiales de PSA n'en soient officiellement informées, lors d'un comité de liaison, une émanation du comité de groupe.

"Nous avons appris que le comité de groupe européen sera consulté d'ici quelques semaines. Il est important que cela se fasse vite afin que nous ayons des informations précises sur le sujet", réagit Thomas Baudoin, DSC CGT. "Il faudra aussi réunir rapidement le comité social et économique central français pour avoir des précisions sur le projet", renchérit N'Guyen Anh Quan, DSC CFE-CGC.

PSA et Fiat Chrysler réunis  : le 4e constructeur mondial

Onze membres composeraient le conseil d'administration du futur groupe qui serait présidé par John Elkrann, l'actuel patron de FCA, Carlos Tavares, l'actuel patron de PSA, étant le directeur général. Le projet paraît, cette fois, clairement soutenu par l'Etat français alors que ce sont les hésitations de ce dernier, actionnaire à 15% de Renault, qui avaient fait reculer Fiat dans le projet de fusion avec Renault. "Bruno Le Maire accueille favorablement l'entrée en négociation des groupes PSA et FCA en vue de créer un leader mondial de l'automobile et des mobilités", a réagi le ministère de l'Economie jeudi 31 octobre.

Le gouvernement se dit toutefois "vigilant sur la préservation de l'empreinte industrielle en France, la localisation des centres de décision et la confirmation de l'engagement du nouveau groupe sur la création d'une filière industrielle européenne de batteries électriques". Le groupe ainsi créé représenterait le 4ème constructeur automobile mondial avec 8,7 millions de véhicules vendus, 170 milliards de chiffre d'affaires pour 11 milliards de résultat courant et 400 000 salariés.

Il est préférable de produire 9 millions de véhicules plutôt que 4

 

Surpris par l'annonce, le premier syndicat de PSA, FO, a réagi positivement. "Compte-tenu des mutations profondes du secteur automobile, notamment les conséquences de la transition énergétique, il est préférable pour un groupe de produire 9 millions de véhicules par an plutôt que 4", estime Olivier Lefebvre, délégué syndical central FO. Le syndicat assure néanmoins être "particulièrement vigilant sur l'impact social de ce projet et de ses conséquences pour tous les salariés", "la qualité du climat et du dialogue social" étant "un facteur clé pour permettre au groupe PSA de mener sereinement les discussions avec FCA". FO revendique s'être engagée dans les accords compétitivité qui ont permis le redressement de l'entreprise, et observe que le rachat par PSA d'Opel a permis au groupe "de vendre 3,88 millions de véhicules l'an dernier, soit 6,8% de plus qu'en 2017". Mais le syndicat reconnaît que se posent de multiples questions, pour l'heure sans réponse, et qui peuvent avoir des conséquences sur l'emploi des 16 sites industriels des 20 établissements français de PSA, sans parler de la situation italienne, qui compte 60 000 salariés sur 27 sites.

La CGT s'inquiète pour l'outil industriel français

La CGT, elle, se montre très prudente. Elle voit déjà comme un mauvais signe que l'Etat français, qui possède via Bpifrance 12% du capital de PSA, ne trouve rien à redire à la future localisation du siège du nouveau groupe aux Pays-Bas, où est déjà basée la holding de la famille Agnelli, qui contrôle 29% du capital de Fiat Chrysler. Le communiqué annonçant l'opération paraît en outre au syndicat moins clair que lors du projet de rachat d'Opel, notamment sur le devenir de Faurecia, l'équipementier historique de PSA qui possède 46% du capital du sous-traitant (*).

Le syndicat redoute également que les actionnaires n'effectuent une chasse aux doublons dans l'outil industriel européen des deux groupes, y compris pour les fournisseurs qui pourraient payer "un lourd tribut" dans cette opération. La CGT note que depuis l'accession de Carlos Tavares aux commandes de PSA, l'entreprise a perdu 30 000 emplois en France (son effectif tourne autour de 48 000 aujourd'hui, hors PSA Retail), et qu'en Allemagne, de nombreux emplois ont été supprimés après la reprise d'Opel en 2017, via des départs volontaires et congés seniors non remplacés.

Une opportunité pour faire face aux défis technologiques ?

"Ni défavorable ni favorable" au projet, N'Guyen Anh Quan, DSC CFE-CGC, note que cette opération "peut représenter une opportunité dans un secteur dont seulement quelques grands acteurs vont pouvoir faire face aux nombreux défis technologiques qui s'annoncent". Le délégué central du syndicat des cadres s'interroge sur la façon de réaliser les 3,7 milliards d'euros de synergies promis aux actionnaires par les dirigeants des deux groupes avec cette fusion : "Qui dit synergies dit réduction du nombre d'unités. Nous voulons en savoir plus sur le sujet. Car Fiat est aussi gros que nous". Le communiqué des deux groupes explique que ces synergies seront réalisées via "une affectation plus efficiente des investissements dans les plateformes de véhicules, les chaînes de traction, les technologies et une capacité d'achat plus importante", et que ces estimations "ne sont pas basées sur des fermetures d'usine".

 Nous ignorons quel est le plan de charge des usines italiennes

 

Pour Frédéric Lemayitch, DSC suppléant CFTC, les équipes digèrent à peine le rachat d'Opel, et il va falloir maintenant regarder de près les chiffres de l'activité industrielle des deux groupes, alors que les contacts avec les syndicats italiens n'ont pas encore été noués : "Quel sera le projet industriel ? J'ignore quel est le taux de charge des usines italiennes, il y a peut-être des synergies à trouver comme avec Opel. A Poissy, l'activité du site sera soutenue en 2021 grâce à la fabrication d'un modèle d'Opel". A des ouvriers de PSA inquiets de la pérennité des sites du fait de la transition énergétique, le délégué CFTC pense que la réponse apportée par la création d'un plus grand groupe mondial capable de faire face à ces investissements peut avoir du sens : "Chez PSA, nous revenons quand même de loin, et maintenant, nous occupons le haut de l'affiche". A ses yeux, un tel mariage permettrait au groupe français, "encore très centré sur l'Europe", de s'implanter en Amérique du Nord et du Sud.

La CFDT veut qu'un expert accompagne rapidement les OS

Du côté de la CFDT, le discours va également dans le sens d'un "nous ne sommes pas fermées à cette opportunité". Le syndicat prend acte de l'assurance donnée par la direction du groupe PSA de ne procéder à aucune fermeture d'usine à l'occasion de ce projet. Mais il voudrait en savoir plus sur les économies envisagées.

 L'emploi doit être au coeur des discussions, pas seulement les aspects financiers

 

"S'ils sont capables d'estimer à 3,7 milliards le montant des synergies attendues avec la fusion, ils doivent être capables de nous détailler ce chiffre, en précisant ce qui relève des plateformes et de l'outil industriel, de la R&D, des achats, et en indiquant les conséquences pour l'emploi", demande d'ores-et-déjà Christine Virassamy, DSC CFDT. Cette dernière souhaite aussi que PSA accède à sa demande d'un accompagnement des organisations syndicales par un cabinet d'expertise, et ce en amont même de l'information consultation devant le comité de groupe européen ou du CSE central de PSA.  "Il faut que les négociations entre les deux groupes en vue de la fusion ne soient pas que des discussions purement financières, mais qu'elles intègrent la question des conséquences sur l'emploi dans l'ensemble des sites et des pays", ajoute la déléguée syndicale.

(*) Le communiqué commun des deux groupes indique que Peugeot SA distribuera à ses actionnaires ses 46% de parts dans Faurecia.

 

La fusion annoncée bouleverse
la négociation compétitivité et l'évolution du CE européen

Dans le groupe PSA, le dernier cycle électoral a vu quelques modifications concernant le poids des différents syndicats, le changement le plus important étant la perte de la représentativité pour le SIA. FO reste en tête, avec 19% des voix, devant la CFE-CGC (18%), la CGT (17%) et la CFTC (17%) et la CFDT (15%). Pas de quoi cependant modifier radicalement la donne pour la négociation d'accords majoritaires. Depuis fin septembre et jusqu'à la fin de l'année en principe, les syndicats représentatifs discutent avec la direction, dans des groupes de travail, du renouvellement de l'accord compétitivité. Sauf que l'annonce du projet de fusion change radicalement la donne aux yeux de Christine Virassamy, la DSC CFDT : "Nous nous interrogeons : est-il pertinent de poursuivre cette discussion ? Puisque notre périmètre est promis à évoluer, la question des performances ne peut plus s'appréhender de la même façon". C'est également l'avis d'Olivier Lefebvre, DSC FO : "Le DRH France nous dit que cela n'a rien à voir, qu'il faut continuer à discuter. On lui a répondu non, cela change la donne !"

Ce n'est pas le seul dossier bouleversé par le projet de fusion. L'organisation des instances représentatives du personnel au niveau international est également directement impactée. "Nous étions juste en train de modifier le comité d'entreprise européen pour intégrer le rachat d'Opel, rapporte Olivier Lefebvre. Avec le projet de fusion, comment gérer les IRP en tenant compte des implantations en Italie et aux Etats-Unis ?"

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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