Le recours à l’intelligence artificielle dans le monde du travail : de nouveaux défis RH

Le recours à l’intelligence artificielle dans le monde du travail : de nouveaux défis RH

08.04.2024

Gestion du personnel

Dans cette chronique, Elissaveta Petkova, avocate directrice du département en droit social au sein du cabinet Lexymore, pointe les différents enjeux du développement de l'intelligence artificielle pour les professionnels RH : formation des salariés, risques d'inégalités dans les conditions de travail, sensibilisation aux risques inhérents à l'IA.

Les salariés ont de plus en plus recours à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans leur vie quotidienne et sont tentés d’en faire de même dans le monde professionnel pour gagner du temps et écarter certaines tâches chronophages ou ennuyantes. Un rapport vient d’être rendu par la Commission de l’intelligence artificielle. Il précise que pour préparer les métiers de demain, il est nécessaire de permettre l’utilisation de l’IA dans les métiers d’aujourd’hui.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Quels sont les points de vigilance pour les employeurs face à ce changement de paradigme ?

Le salarié doit-il informer son employeur qu’il utilise l’intelligence artificielle pour effectuer ses tâches professionnelles ?

Les exemples concrets et pratiques qui permettent aux salariés de gagner du temps sont multiples :

  • rédaction automatique de comptes rendus de réunions ;
  • préparation de présentations ; 
  • synthèse de documents volumineux.

De nombreux salariés utilisent déjà des outils d’intelligence artificielle pour être plus efficaces sur leur poste de travail.

Le fait de ne pas le déclarer à son employeur, de ne pas lui demander l’autorisation et de ne même pas l’informer est-il problématique ?

Selon les cas d’utilisation et les données traitées dans ce cadre, les risques peuvent être multiples.

Ainsi l’utilisation non maîtrisée de l’intelligence artificielle peut soulever des problèmes de confidentialité, de fuite de données, de faille en matière de sécurité informatique et également des questionnements sur la protection des rapports ou documents ainsi établis au titre de la propriété intellectuelle.

Si l’entreprise n’a pas mis en place des règles claires sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, face à un salarié l’utilisant à son insu, elle pourrait toujours essayer d’invoquer une violation de l’obligation de loyauté.

Cependant dans ce cas elle devrait démontrer la prise de risque par le salarié contraire aux intérêts de l’entreprise.

Ces situations n’étant pas clairement traitées dans une charte informatique ou règlement intérieur opposables aux salariés, il serait difficile de lui reprocher sans aucun doute la violation de règles qui n’auraient pas été préétablies.

L’entreprise a donc tout intérêt à indiquer dans la charte informatique les nouvelles limites éventuelles à l’utilisation de l’intelligence artificielle.

A tout le moins, il serait nécessaire que soit imposée une obligation préalable d’information de l’entreprise sur le recours à l’intelligence artificielle.

En cas de violation des règles clairement posées, l’employeur pourra envisager une sanction disciplinaire.

L’employeur a tout intérêt à promouvoir une transparence sur l’utilisation de l’intelligence artificielle au sein de l’entreprise.

Outre l’encadrement général des règles d’utilisation au titre de la sécurité informatique et du respect des règles de confidentialité, il peut être opportun que chaque fiche de poste précise le cas échant pour les emplois qui pourraient être concernés, l’utilisation imposée, autorisée ou interdite de l’intelligence artificielle.

En effet, pour éviter des contentieux concernant l’évaluation des salariés et leur égalité de traitement, il est essentiel de pouvoir mesurer quel est le recours potentiel et réel à l’intelligence artificielle pour chacun des salariés concernés qui pourraient se trouver dans des situations comparables.

Ainsi, il faudrait éviter qu’un salarié ne se voit reprocher sa prétendue lenteur en comparaison à ses collègues alors que ces derniers utiliseraient l’intelligence artificielle et pas lui. Ou qu’un autre salarié se plaigne d’une inégalité de rémunération variable en fonction d’objectif, alors que la meilleure performance de ses collègues serait due au recours à l’intelligence artificielle.

L’employeur a-t-il une obligation de former les salariés à l’utilisation de l’intelligence artificielle ?

L’employeur est soumis à une obligation de formation.

Il doit à la fois assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller à leur employabilité à l’extérieur de l’entreprise (article L.6321-1 du code du travail).

C’est à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a loyalement exécuté son obligation de formation et d’adaptation (arrêt du 13 juin 2019).

Face au développement rapide des outils d’intelligence artificielle qui pourront de plus en plus recevoir des applications pratiques dans le monde professionnel et impacter un grand nombre de fonctions, l’employeur ne pourrait-il pas se voir reprocher son inaction sur le sujet ?

Certains emplois seront menacés à court ou moyen terme en raison de l’introduction de l’intelligence artificielle.

Or, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement s’avère impossible (article L.1233-4 du code du travail)

L’employeur devra alors démontrer qu’il a tout mis en œuvre pour éviter ce licenciement pour motif économique, et notamment en termes de formation, pour adapter le poste du salarié à l’évolution d’une nouvelle technologie.

Par ailleurs, selon les appétences de chacun, certains salariés pourraient se former dans le cadre privé sur des outils d’intelligence artificielle. Est-ce qu’il n’incombe pas à l’employeur la responsabilité de proposer une formation collective à ses salariés pour que l’évolution des compétences de chacun soit bien assurée ?

Enfin un salarié qui se plaindrait d’une surcharge de travail alors que l’utilisation de l’intelligence artificielle pourrait lui permettre un gain de temps et de retrouver un bien-être au travail ne pourrait-il pas non plus reprocher l’absence de proposition de l’employeur de la matière ?

Le rapport de la Commission de l’intelligence artificielle retient clairement dans ses recommandations un plan de sensibilisation et de formation massif de la Nation.

L’entreprise a tout intérêt à être proactive sur le sujet avant de voir émerger les premiers contentieux ou demandes de salarié à se former ou à contester les inégalités de fait qui se seraient créées.

Elissaveta Petkova
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