Le syndicat des travailleurs corses peut se présenter au scrutin TPE

Le syndicat des travailleurs corses peut se présenter au scrutin TPE

13.12.2016

Représentants du personnel

Le scrutin des élections TPE a été reporté par le ministère du Travail suite au pourvoi formé par la CGT dans le but d'interdire au syndicat des travailleurs corses (STC) de concourir à cette élection. La Cour de cassation vient de trancher l'affaire : elle déboute la CGT tout en affirmant qu'un syndicat ne peut prôner de distinctions selon l'origine des salariés.

Dans un arrêt rendu hier, le 12 décembre 2016, jour prévu de la fin du scrutin des TPE à l'origine, la Cour de cassation met un terme au feuilleton lié à la contestation de la candidature aux élections des très petites entreprises (TPE) du syndicat des travailleurs corses (STC) : elle déboute la CGT de sa demande de voir annulée la candidature du STC. C'est le pourvoi introduit par la CGT suite à la décision du TGI de Paris du 4 novembre (qui statuait déjà sur renvoi de cassation) qui avait entraîné la décision du ministère du Travail de repousser la date du scrutin, initialement prévu du 28 novembre au 12 décembre, et désormais fixé du 30 décembre au 13 janvier.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
Un syndicat ne peut pas prôner de distinctions selon l'origine des salariés

La chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît pourtant que le tribunal d'instance n'aurait pas dû méconnaître qu'un syndicat qui prône des discriminations directes ou indirectes méconnaît les valeurs républicaines. La Cour de cassation souligne elle-même dans un communiqué qu'elle donne pour la première fois "un élément de définition de la notion de respect des valeurs républicaines en décidant, dans la ligne des arrêts de la chambre mixte (Nldr : voir l'arrêt du 10 avril 1998) mais aussi de la Position commune des partenaires sociaux du 9 avril 2008, que le refus des discriminations selon l'origine des salariés est une composante du respect des valeurs républicaines". Le respect de ces valeurs, rappelons-le, est une des conditions posées par la loi pour qu'un syndicat prétende être représentatif, avec l'indépendance, la transparence financière, l'ancienneté (2 ans) et des statuts lui donnant compétence sur le champ géographique concerné par le vote.

Autrement dit, la Cour de cassation pose ici le principe que pour se voir reconnaître le doit d'exercer les prérogatives reconnues à un syndicat (négocier un protocole préélectoral, déposer des listes de candidats aux élections professionnelles, constituer une section syndicale, être déclaré représentatif), un syndicat ne peut pas prôner de distinctions selon l'origine des salariés.

Des éléments insuffisants pour démontrer un non respect du critère républicain

Pourquoi dès lors la Cour de cassation valide-t-elle la candidature du STC dont les statuts combattent "la domination de type colonial subie par la Corse" et prévoient "la priorité, à qualification égale, à l'embauche locale"; un syndicat qui a également déclenché une grève le 2 février 2016 contre le recrutement de trois salariés venus du continent par une filiale corse de GDF et qui prône la "corsisation" des emplois  ? Parce que les éléments produits par la CGT et par FO, considère la Cour de cassation, étaient insuffisants pour permettre au TGI de considérer que la preuve était apportée que "l'action syndicale du STC dans les entreprises prônait des distinctions fondées sur l'origine". La preuve que le STC prônait des discriminations selon l'origine des salariés à l'occasion de son action en faveur de l'emploi local ne paraît donc pas suffisamment rapportée à la Cour de cassation, d'où sa décision.

On peut retenir de cet arrêt deux enseignements. Le premier est qu'il ne suffit pas qu'un syndicat inscrive dans ses statuts un objet contraire aux valeurs républicaines pour que les juges décident que le syndicat ne respecte pas ces mêmes valeurs républicaines : un syndicat qui en conteste un autre doit apporter la preuve que son action au quotidien est en rupture avec ces valeurs. La Cour de cassation en avait déjà décidé ainsi en 2010 avec la CNT, dont les statuts prônent "l'abolition de l'Etat" : on ne peut déduire des seuls statuts de la confédération nationale du travail que la CNT ne respecte pas les valeurs républicaines (notre article). Deuxième enseignement : les juges font ici montre d'une grande prudence quand il s'agit de caractériser le non respect de ces valeurs républicaines. Les faits invoqués par la CGT, quoique précis, ne suffisent pas à disqualifier le STC.

Rappelons que le vote aux élections dans les entreprises de moins de 11 salariés contribue à mesurer la représentativité des syndicats au niveau national, à désigner les salariés qui siégeront à partir du 1er juillet 2017 dans les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRIA) et à désigner les conseillers prud'hommes.

Dans un communiqué publié hier soir, la ministre du Travail a pris acte des deux arrêts rendus par la Cour de cassation, l'un concernant le STC (que nous traitons ci-dessus) et l'autre l'union syndicale Langile Abertzaleen Batzordeak (LAB), ce dernier arrêt n'étant pas encore publié hier soir. "Ces arrêts, qui présentent un caractère définitif", ouvrent la voie à la tenue des élections professionnelles" dans les TPE, se félicite Myriam El Khomri. Au contraire, la CGT fustige "une décision qui ne semble répondre qu'à des considérants politiques". Le syndicat estime "surprenant et dangereux pour la démocratie qu'on estime qu'une organisation qui prône la discrimination ne contrevient pas aux règles républicaines".

Bernard Domergue
Vous aimerez aussi