[Législatives] A la Défense, parle-t-on politique au travail ?
04.07.2024
Représentants du personnel

Trois jours avant le second tour des législatives, nous avons demandé aux salariés et cadres, croisés le 4 juillet au pied des tours de la Défense, le quartier d'affaires parisien, s’ils parlaient politique au travail. Voici leurs réponses et réactions.
Ces cadres d’une société de services financiers, qui s’apprêtent à rejoindre les bureaux de leur tour après la pause déjeuner, l’avouent sans détours : "Si nous parlons politique entre nous ? On a passé notre déjeuner à ça ! On a parlé de la qualité des candidats, en France comme aux Etats-Unis d'ailleurs, et de la remontée des actes racistes, ça nous inquiète". Dans cette entreprise ouverte à l’international et où l’impact d’une instabilité politique est analysée comme un risque de remontée des taux de crédits, la couleur politique, surtout côté RN, n’est guère affichée. "Mais nous ne sommes pas très représentatifs de la population française", nuance un jeune homme. Son voisin le coupe : "Moi, ce qui m’inquiète, c’est pas la remontée des taux, c’est la légitimation des discriminations, la fin de l’Etat de droit…"

Plus loin, un autre groupe d’employés, toujours du secteur bancaire, fait une pause cigarettes avant la reprise. Venu de Belgique, l'un d'eux s’étonne du climat électoral français, et il vanne quelque peu ses collègues, sourire aux lèvres : "Vous êtes dans une drôle de situation ! Chez nous, le vote est obligatoire et se fait selon le scrutin proportionnel. Cela oblige les partis politiques à s’entendre dans une coalition".
Deux cadres d’une entreprise de l’énergie que nous abordons peu après déclinent notre invitation à échanger sur le sujet : "Vous savez, quand on vient au bureau, c’est pas pour parler politique, on maximalise notre temps". Un refus partagé par ces deux salariées d’une société d’assurances : "Non, nous n’en parlons pas, nous ne nous intéressons pas à la politique".
En revanche, toutes deux employées d’une firme de la chimie, Nadège et Christine témoignent que le sujet politique n’est pas tabou dans leur entreprise "où il y a beaucoup de mixité et de binationaux". Toutes deux ne comprennent toujours pas la décision du président de la République de dissoudre, "à quelques semaines des Jeux Olympiques à Paris". D’autant que ces conséquences, selon ces salariés d’une société multinationale, pourraient avoir des effets sur l’activité économique et les échanges internationaux.

Quelques dizaines de mètres plus loin, trois hommes échangent. Parmi eux, Marc-Elie, le directeur d’une société de services financiers, n’esquive pas la question : "J’imagine que 40% de mes clients ont voté RN, calcule-t-il. Mais j’estime que ce n’est pas mon rôle de faire de la politique et de donner une consigne de vote".
Olivier, son voisin, qui travaille dans le digital, opine du chef. Il ne parle pas non plus politique avec ses relations professionnelles : pas question à ses yeux de mélanger business et opinions. Comme nous l’invitons à le faire, il nous répond cependant de façon cash : "J’estime que nous avons le meilleur président de la République depuis longtemps, il a quand même fait baisser fortement le chômage". Croit-il, en l’absence de majorité absolue au soir du second tour, à une forme de coalition de la gauche à la droite en passant par le centre pour gouverner le pays ? "Si c’est pour ne rien faire, oui, c’est possible !" grince-t-il.

De l’autre côté de l’esplanade de la Défense, quelques salariés d’un constructeur automobile sont venus faire une petite démonstration avec un véhicule électrique. Noé, un jeune venu de Poissy et qui a commencé à travailler voici 5 ans, confie qu’il sent une dégradation des relations sociales au travail dès que la politique vient sur le tapis : "J’ai des collègues qui votent RN et qui ont tendance à rapidement traiter les autres de « gauchistes » ou de « LFIstes », ou d’autres commentaires désagréables. Les gens sont désinhibés".
Le quartier d'affaires parisien qu'est la Défense, c’est aussi le BTP, avec ses tours en construction, comme le chantier du futur siège de Total, sous lequel passe Lucie. Cette jeune contrôleuse de travaux est davantage en contact avec des cadres pour son travail, mais elle nous dit choisir avec soin ses interlocuteurs pour oser aborder des questions politiques : "La situation politique, j'en parle avec des personnes avec lesquelles je pense être du même bord, en qui j’ai confiance, qui auront des propos non racistes". Sa prudence est d’autant plus forte, explique-t-elle, qu’il arrive que des personnes discrètes jusqu'alors se mettent tout à coup à balancer une réflexion choquante...
La CFDT a organisé une trentaine d’actions
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Notre parcours se termine par le local de la CFDT à la Défense. Lors des européennes et des législatives, Badiaa Souidi, secrétaire générale de la CFDT Hauts-de-Seine et Val d’Oise, a organisé une trentaine d’actions "pour sensibiliser les travailleurs au danger que représente le RN". Des webinaires pour former en interne les militants, mais aussi des débats et des distributions de tracts ont eu lieu à la Défense, avant que la priorité ne soit donnée aux actions dans le Val d’Oise. Les locaux ont aussi accueilli des sections syndicales qui souhaitaient débattre sur le sujet et qui ne trouvaient pas de locaux dans leur entreprise, comme nous l’explique Pascale, déléguée syndicale dans le commerce : "Les entreprises ne veulent pas tellement voir ces discussions politiques se développer dans leurs murs". A ceux qui ne comprennent pas qu’un syndicat se mêle de politique, Badiaa Souidi répond sur le terrain des valeurs : "La liberté, cela comprend les libertés syndicales, la fraternité, l’égalité, et donc ça comprend aussi les droits pour les travailleurs immigrés… " Mais la syndicaliste, qui constate elle-aussi "la montée d'une parole raciste décomplexée", est aussi consciente qu’il s’agit d’un travail de longue haleine qui passe par un réinvestissement militant auprès des salariés. |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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