Législatives : bérézina parmi les députés sortants de la commission des affaires sociales

Législatives : bérézina parmi les députés sortants de la commission des affaires sociales

13.06.2017

Représentants du personnel

La commission des affaires sociales de l'Assemblée, par laquelle passent tous les textes touchant au droit du travail, sera profondément renouvelée après les législatives, nombre de ses poids lourds et membres actifs ne s'étant pas représentés ou ayant été battus. Explications et interview de Denys Robiliard.

Le rôle de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, qui comprend des députés familiers du droit du travail et des rouages du travail législatif, est parfois décisif dans l'écriture définitive des projets de loi touchant aux questions sociales : un texte peut en effet être fortement amendé en commission où s'exerce souvent un jeu de rapports de force entre l'Exécutif et les députés. Après le 1er tour des législatives, dimanche 11 juin, on peut déjà dire que cette commission sera grandement renouvelée : sur les 71 députés sortants membres de la commission, 20 ne se représentaient pas et 22 ont été battus, seuls 29 autres étant en ballotage, et pas toujours favorable, pour le deuxième tour. La composition de la future commission sera donc inédite et comprendra une très forte majorité de nouveaux députés.

Les sortants chassés par la vague "En marche"

La présidente de la commission elle-même, Catherine Lemorton (PS, proche d'Arnaud Montebourg), a été éliminée dès le premier tour dans la 1ère circonscription de la Haute-Garonne. C'est elle qui avait présidé les débats en commission de la loi Travail (ce qui lui valut de voir sa permanence endommagée), non sans regretter au passage l'usage de la procédure accélérée sur ce texte et l'absence de concertation en amont avec les partenaires sociaux. "J'ai essayé de rendre loi la Travail moins rejetable en vue du 49.3", expliquait-elle en mars dernier devant l'Ajis (association des journalistes sociaux).

Il en va de même pour le socialiste Christophe Sirugue, éliminé de la 5e circonscription de Saône-et-Loire. Loyal envers François Hollande, Christophe Sirugue a été l'un des poids lourds de la commission des affaires sociales lors du quinquennat Hollande. Il a été rapporteur des projets de loi Rebsamen sur les IRP mais aussi rapporteur de la loi Travail. En "profond désaccord" avec la première mouture de ce texte, Christophe Sirugue avait cherché en vain, du fait des attitudes tranchées de part et d'autre, un possible compromis avec les frondeurs. A la faveur de la démission d'Emmanuel Macron de Bercy, il était devenu secrétaire d'Etat à l'Industrie.

Malheur aux députés frondeurs !

Jean-Marc Germain fut rapporteur de la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 transposant l'accord national interprofessionnel et rapporteur de la loi sur le refus de cession d'un site, avant de quitter la commission des affaires sociales en septembre 2014, le député étant en désaccord avec la politique gouvernementale. Ce proche de Martine Aubry et soutien de Benoît Hamon est ensuite devenu l'un des frondeurs hostiles à la loi Travail et au tournant du CICE (*). Il est éliminé dès le premier tour dans la 13e circonscription des Hauts-de-Seine, tout comme un autre frondeur membre de la commission, Alexis Bachelay (Hauts-de-Seine).

Denys Robiliard, député PS, est également battu dès le 1er tour dans la 1ère circonscription du Loir-et-Cher. Très actif au sein de la commission des affaires sociales, Denys Robiliard, qui a soutenu Benoît Hamon, a notamment été rapporteur de la loi Macron (il a notamment cherché à peser sur la réforme prud'homale) et a créé dans le cadre de loi Travail une nouvelle instance de dialogue social dans les franchises (voir son interview en encadré ci-dessous).

Vice-président de la commission des affaires sociales, Jean-Patrick Gille (PS), est en ballotage très défavorable dans la 1ère circonscription d'Indre-et-Loire. Le député sortant a rapporté la loi sur la transparence financière des comités d'entreprise et a beaucoup planché dans le domaine de la formation (CPF, CPA) durant le quinquennat précédent, Autres figures de gauche de la commission, Michel Issindou (PS, Isère) qui a notamment travaillé sur la réforme de la médecine du travail, et Gérard Sebaoun (PS, Val d'Oise), l'un des frondeurs du PS, très attaché au rôle du CHSCT (il a été rapporteur d'une mission sur l'épuisement professionnel), ne se représentaient pas, tout comme Jacqueline Fraysse, venue du PCF.

Sort incertain du côté des Républicains

Du côté des Républicains, le sort des députés actifs de la commission est plus incertain. Gérard Cherpion (2e circonscription des Vosges), très bon connaisseur du droit du travail et l'un des rapporteurs du suivi de la loi ayant créé le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), devance légèrement la candidate République en marche (REM) pour le second tour. En revanche, Dominique Dord (1e circonscription de la Savoie), Francis Vercamer (7e circonscription du Nord), Jean-Pierre Door (4e circonscription du Loiret) et Isabelle Le Callennec (5e circonscription d'Ille-et-Vilaine) sont qualifiés au second tour mais en arrivant derrière des candidats de la REM.

 

(*) A l'instar de Benoît Hamon, d'autres députés socialistes sortants, qui faisaient partie des frondeurs mais pas de la commission des affaires sociales, sont également battus comme Pascal Cherki (Paris), Laurent Baumel (Indre-et-Loire), Karine Berger (Haute-Alpes), Aurélie Filippetti (Moselle), Jérôme Guedj (Essonne), Mathieu Hanotin (Seine-Saint-Denis).

 

Denys Robiliard : "Procéder par ordonnances ne me paraît pas une bonne idée"

Les électeurs n'ont visiblement pas tenu compte de votre travail législatif : êtes-vous déçu ? 

Denys Robiliard : "J'ai réalisé 18% des voix sur ma ville de Blois mais cela n'a pas suffi. Même Henri Emmanuelli avait été battu dans les Landes en 1993 lors de la grande vague contre le PS!  Les électeurs se positionnent par rapport à une situation nationale : ils ont voulu donner une majorité au président Macron. Des députés vont donc devoir leur élection au nouveau président, ce qui ne me paraît pas très sain du point de vue de la séparation des pouvoirs. Même si j'ai pu travailler efficacement avec Emmanuel Macron quand il était ministre de l'Economie, je dois dire que je ne suis pas un libéral. Moi, je considère toujours qu'il faut une délibération collective.

Justement, comment voyez-vous le travail de la future commission des affaires sociales ?

J'ignore quelles seront les compétences, en matière de droit du travail notamment, des nouveaux députés qui seront membres de la commission. J'observe néanmoins qu'il me semble utile qu'un débat public et un véritable débat législatif aient lieu au sujet d'une réforme importante du droit du travail. Procéder par ordonnances ne me paraît pas une bonne idée. Si l'on en croit les documents publiés par le Parisien et par Libération, il s'agit d'une réforme qui aurait de grandes conséquences pour les salariés avec des flexibilités accrues dont il me semble que les employeurs n'ont pas besoin. Je ne fais pas de procès d'intention mais l'impression donnée est quand même qu'un ministre du Travail qui est une DRH de grands groupes (Danone, Dassault Systèmes) avec un directeur de cabinet venu du Medef, vont écrire au mois d'août un nouveau code du travail. C'est inquiétant ! Il me semblerait sage de renoncer aux ordonnances et d'appliquer ce que Emmanuel Macron a su faire lui-même quand il était ministre de l'Economie : de la co-production législative. 

Vous pensez à la réforme prud'homale ?

Oui, j'ai pu infléchir la réforme prud'homale contenue dans la loi Macron. Au départ, sous la pression des magistrats, le texte allait vers un système d'échevinage : la présidence par un magistrat professionnel aurait pu être imposée. Nous avons réussi à faire primer l'idée de conciliation. De la même façon, je suis intervenu pour augmenter les pouvoirs de sanction des agents de contrôle et pour élargir les possibilités d'arr��ts de chantiers, lors de la réforme de l'inspection du travail pilotée par Michel Sapin".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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