L'entreprise déménage : quel rôle pour le CSE ?

16.02.2023

Représentants du personnel

L'essor du télétravail et du flex-office a changé la donne des bureaux d'entreprise, qui doivent également s'adapter à la sobriété énergétique. A l'occasion de la sortie d'un guide "Agir sur les conditions de travail" de Secafi sur le déménagement d'entreprise et le rôle du CSE, sa co-autrice, Maria Le Calvez, spécialiste de ces questions au sein du cabinet d'expertise, conseille aux CSE de s'impliquer très tôt dans un projet d'aménagement ou de déménagement. Interview.

Maria Le Calvez, vous avez rédigé, avec Ludovic Ponge, ce guide sur le rôle du CSE dans un déménagement d'entreprise. Pourquoi cette publication ?

Nous actualisons notre série de guides pratiques "Agir" destinés aux élus du personnel, qui sont rédigés par les consultants experts de Secafi (1). Celui consacré au déménagement et au rôle des IRP datait du temps du CE et du CHSCT. Nous devions donc le mettre à jour au sujet du CSE, mais nous en avons aussi profité pour aborder des thématiques nouvelles comme le passage au flex-office et la sobriété énergétique, qui sont deux évolutions majeures.

Un mot sur la sobriété et son lien avec les conditions de travail ? 

J'observe que la recommandation, faite par le gouvernement dans son plan de sobriété énergétique, d'une température des bureaux de 19° suscite beaucoup d'incompréhensions en pratique (2). Beaucoup ne comprennent pas la différence entre une température de chauffage à 19° C et une ambiance à 19° C.

Entre la paroi et le centre d'un espace, il peut y avoir 5° C de différence 

 

 

Et quand je demande aux entreprises quelle est la température d'ambiance, on me donne simplement la température de l'air. Mais pour connaître réellement la température d'ambiance ressentie (on parle de la température "opérative"), il faut prendre la température de la paroi, l'ajouter à la température de l'air et diviser le tout par 2. Entre la température de la paroi, pour laquelle on peut mesurer 11° C et la température de l'air du milieu de la pièce, il peut y avoir plus de 5°C de différence (3).

Revenons aux déménagements d'entreprise, l'essor du télétravail a-t-il changé la donne ? 

Il y a davantage de projets de changement. Il s'agit de projets d'aménagement, de réaménagement de sites existants et de déménagement. Derrière ces trois types de projets, l'objectif commun le plus visible de la part des directions des entreprises, c'est la révision à la baisse du besoin des entreprises en mètres carrés du fait de la nouvelle organisation du travail avec le télétravail.

J'observe une volonté de réduire les mètres carrés et de disposer d'un bâtiment moins énergivore 

 

 

 

Les employeurs cherchent soit à regrouper des entités dans un même bâtiment, en cédant par exemple un autre bâtiment qui est en fin de bail, soit à déménager dans un bâtiment plus petit, d'autant plus que le passage en flex-office (Ndlr : aménagement sans bureaux attribués individuellement aux personnes) diminue le besoin de surface. Ce que j'observe souvent, c'est la volonté de quitter un bâtiment énergivore, qui consomme trop d'énergie et qui est donc coûteux, au profit de bâtiments mieux isolés et où on peut appliquer la sobriété énergétique avec une température à 19° C. Cela n'est possible qu'avec un bâtiment qui n'a pas de déperdition d'énergie, qui n'est pas "troué". Il y a aussi un autre objectif environnemental dans le choix de certains sites mieux desservis par les transports en commun, avec de moindres places de parking pour les automobiles. 

Qu'est-ce qui caractérise les projets de passage en flex-office ? 

Les projets de flex-office se basent sur un taux qui exprime le rapport entre le nombre d'employés et le nombre de bureaux, sachant que certaines activités très sédentaires ne sont pas compatibles avec le flex-office. En ce moment, les projets sont conçus sur la base de taux très bas pouvant aller jusqu'à 0,5 poste de travail par personne. Autrement dit, le projet intègre d'emblée la variable du télétravail en partant du postulat que les salariés vont passer la moitié de leur temps de travail (2 jours et demi) chez eux, en télétravail, et la moitié dans l'entreprise. Avant le Covid, les projets de déménagement visaient plutôt un taux de 0,8, c'est-à-dire 1 seule journée de télétravail par semaine.

Avec le flex-office, l'employeur pousse au télétravail  

 

 

Ces chiffres montrent toute l'ambiguïté du flex-office : cet aménagement suppose, de la part de l'employeur, que les salariés vont travailler une partie du temps chez eux. En effet, le dimensionnement des projets fait qu'il est impossible que tous les salariés viennent dans les locaux tous les jours, d'où les accords sur le télétravail. Autrement dit, l'employeur pousse au télétravail, alors que légalement une entreprise ne peut contraindre les salariés à télétravailler et que, d'autre part, un salarié en télétravail peut demander à revenir travailler sur site. 

Très souvent, un déménagement est la conséquence d’une autre problématique, écrivez-vous. C'est-à-dire ? 

Ce qui est affiché au départ, très souvent, c'est une volonté de réduire les mètres carrés ou de disposer de meilleurs locaux, moins vétustes que les précédents. Il y a aussi cet objectif que les gens travaillent mieux ensemble, de façon plus collaborative. En réalité, derrière un déménagement, il y a toujours une stratégie de la part de l'entreprise visant à organiser différemment les équipes de travail. C'est parfois au cours du projet qu'on comprend ce qui se joue en termes d'organisation générale du travail. 

Comment le CSE, avec son éventuelle commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT), peut-il tenter d'influencer l'employeur pour assurer de meilleures conditions de travail aux salariés ? Vous dites que la première consultation du CSE porte souvent sur un projet encore assez flou...

Oui, mais c'est normal. Un projet mûrit dans le temps, il se nourrit de différentes informations et analyses apportées au fur et à mesure. Ce qu'il faut bien voir, c'est que plus le projet avance dans le temps et dans sa conception, plus les marges de manœuvre deviennent faibles. Cela signifie qu'il ne faut pas attendre le dernier moment pour faire prendre en compte la question des conditions de travail.

Le CSE doit chercher à être associé à tous les stades du projet 

 

 

Pour analyser de façon la plus complète possible les conditions de travail qui découleront d'un projet d'aménagement ou de déménagement, il faut que le CSE participe à toutes les phases du projet. Et cela ne commence pas par l'examen des plans, cela doit débuter, dans l'idéal, avant même le choix d'un site, par des études d'opportunité. Un projet réussi, pour nous, c'est lorsque nous pouvons intervenir, comme expert du CSE, dès la recherche d'un nouveau bâtiment ou dès le projet de construction d'un nouveau bâtiment. Nous avons par exemple mené des missions sur des projets de construction de locaux sur un sol pollué, ce qui impliquait une autre conception du système de ventilation de l'air.

Certains projets ont été stoppés car des éléments n'avaient pas été appréhendés  

 

 

 

A l'inverse, si les enjeux techniques ne sont pas appréhendés au bon moment, ce peut être catastrophique : nous avons déjà été confrontés à des projets qui ont dû s'arrêter car ils n'étaient pas conformes. Par exemple, un bâtiment doit fournir à ses occupants une certaine quantité d'air, mais si personne ne suit cette question depuis le début du projet, on peut se retrouver avec un projet d'occupation d'immeuble non viable. J'ai en tête un projet qui a dû s'arrêter parce qu'on s'est aperçus, seulement à la phase de micro-zoning, qu'il y avait un problème de débit d'air au regard du code du travail ! . 

Qu'est-ce que le macro-zoning et le micro-zoning ? 

Ce sont des phases d'un projet. Le macro-zoning, c'est l'organisation de l'espace de travail par grands services : telle entité va occuper le deuxième étage, par exemple. Le micro-zoning, c'est le nombre de postes et leur organisation dans le service ou l'entité, dans l'espace défini par le macro-zoning, ainsi que le nombre de salles de réunion et de repli. L'enjeu de ce découpage, c'est bien sûr celui de l'organisation du travail. Dans le déroulement d'un projet, une fois définis le macro et le micro-zoning vient ensuite le placement nominatif, qui est un enjeu social, et le déménagement lui-même. On voit bien ici qu'un projet de déménagement comporte plusieurs étapes, mais les élus CSE ne sont informés et consultés que sur un projet général. Nous préconisons une information et une consultation du CSE à chaque étape, de façon à partager l'information mais aussi à détecter très tôt d'éventuelles difficultés, qui pourront ainsi trouver des solutions. 

Pour un CSE qui ne connaît pas ces sujets, quels sont les points essentiels à suivre et à analyser ? 

Parmi les points à suivre, en plus de la compatibilité de l'activité avec le projet, ce sont les enjeux techniques qu'il faut surveiller, car ils conditionnent tout le reste (► Ndlr : voir aussi le schéma en fin d'article sur les risques à surveiller). Je pense à l'évacuation en cas d'incendie. Par exemple, si 10 personnes sont prévues dans un espace, et que le micro-zoning dessine 10 postes mais en y ajoutant 3 ou 4 postes même ceux de passage, alors on sort des clous en matière de sécurité incendie.

 La question de la distribution de l'air est cruciale

 

 

Mais le plus difficile à appréhender, c'est bien l'aéraulique (4), la question de la distribution de l'air. C'est un sujet non visible, très technique, qui demande des connaissances (débit de l'air, quota nécessaire, etc.) et des outils précis. Pour pallier les déséquilibres qui peuvent apparaître à la fin du projet, entre le capacitaire aéraulique du bâtiment et le nombre de postes prévu par le projet, des moyens techniques sont mis en place après projet pour garantir la conformité réglementaire. Comme, par exemple, des sondes : elles permettent d'évaluer si la capacité maximum, en nombre de personnes, d'un plateau est atteinte. Il arrive que ces sondes, lorsqu'elles sont en usage dans un bâtiment et qu'elles sont reliées directement aux services généraux, déclenchent, par mesure de sécurité, une interdiction d'entrée voire un message d'évacuation ! 

D'autres points essentiels ? 

L'enjeu stratégique et financier d'un projet de déménagement doit être appréhendé par le CSE. Le budget d'une telle opération doit bien comprendre tous les coûts possibles, comme celui d'une bonne ventilation des locaux et un bon traitement acoustique. Il y a aussi, bien sûr, les enjeux organisationnels et ergonomiques. Les membres des CSE doivent regarder dans quelle situation de travail les salariés vont se retrouver à l'issue du projet, s'ils ne seront pas "entassés", ce qui les dissuaderait de venir au bureau. Il y a aussi les enjeux sociaux avec la question de l'articulation entre vie professionnelle et vie personnelle. Je pense à tous les travailleurs qui n'ont pas vraiment la place pour travailler à l'aise chez eux.

 Le flex-office tend à couper les collectifs de travail

 

 

Cet enjeu est particulièrement important pour un projet en flex-office car ce mode d'organisation coupe le collectif de travail. Comment aller vers davantage de travail collaboratif, ce qui est le but souvent affiché du projet, alors que le flex-office consiste en un turn-over des équipes, et que les salariés ne se voient plus tous ensemble ? C'est une contradiction ! Une fois prise l'habitude de travailler à distance, on ne vient plus dans l'entreprise, surtout si les conditions de travail ne sont pas jugées satisfaisantes. Avec le flex-office, les jeunes embauchés, ceux qui ont le plus besoin de contacts, ne bénéficient pas de tissu social indispensable car ils ne voient pas les mêmes personnes quand ils viennent dans l'entreprise.  

La pandémie de Covid a-t-elle changé la donne concernant le traitement de l'air dans les bureaux ?

Avant, il n'y avait pas beaucoup de vigilance sur la question de l'aération des locaux, mais la pandémie a changé la donne, à telle enseigne que l'INRS a recommandé aux entreprises d'arrêter le recyclage de l'air (5). En effet, nous allons de plus en plus souvent nous demander si l'air que nous respirons dans un bureau ou un local d'entreprise est de bonne qualité ou non. Un CSE doit particulièrement s'attacher à vérifier que les installations sont en capacité de diffuser de l'air en quantité et qualité suffisantes pour toutes les personnes présentes dans les locaux, ce qui signifie, dans une organisation en flex-office, au-delà des bureaux, d'inspecter les salles de réunion, les espaces de communication comme les cabines pour passer des coups de fil. Faute de place, ces petits espaces sont souvent occupés plusieurs heures par des salariés alors que leur alimentation en air n'est pas calibrée pour cela ! 

Le CSE doit veiller à ce que les espaces de travail soient adaptés à l’activité qui y sera réalisée, recommandez-vous dans votre guide...

La programmation des espaces du travail doit être compatible avec les profils d'activité des salariés. Dans une entreprise, vous avez des personnes qui sont dans un profil "collaboratif" à 100%, d'autres qui sont, pour moitié de leur temps de travail, en communication téléphonique, d'autres encore qui sont dans un profil d'activité qui exige de la concentration et du calme. Il faut donc programmer les espaces en fonction de ces profils et activités, mais parfois ce n'est pas le premier critère pour les responsables des projets d'aménagement. Lorsque nous sommes missionnés par un CSE pour un projet, c'est la première question que nous posons lorsque l'on nous présente un projet de macro-zoning : est-ce cohérent par rapport aux activités et aux profils des salariés ? Il faut parvenir à protéger les salariés les uns des autres, au niveau de l'ambiance sonore et visuelle, ce qui suppose, par exemple, un programme acoustique et un aménagement, avec un ratio de surface adapté aux besoins de l'activité et un nombre d'espaces de repli suffisant. 

Mais ces solutions ne figent-elles pas trop les espaces, du point de vue des directions ? 

Oui, c'est ce qu'on nous oppose, sur le thème : il faut garder l'idée d'une mobilité et des échanges, y compris entre étages, pour favoriser la communication entre services. Mais, dans la réalité, le flex-office est souvent vécu étage par étage, il est rare qu'une personne change d'étage pour travailler dans un autre service. Si le flex est vraiment pensé à l'échelle d'un bâtiment entier, alors les capacitaires techniques, aéraulique et incendie doivent être aussi pensées comme cela. 

Comment le CSE peut-il bien utiliser son droit à expertise ? 

Dès que l'employeur annonce un projet de déménagement qui va donc modifier les conditions de travail, les élus du CSE sont en droit de nommer un expert, ce qui leur laisse d'ailleurs un peu plus de temps pour le rendu de l'avis du comité (6). J'ajoute que le coût de l'expertise, si on le ramène au coût global du projet, ce n'est pas grand-chose.

Le coût de l'expertise est le plus souvent pris totalement en charge par l'entreprise 

 

 

 

En outre, mon expérience me fait dire que si la loi prévoit que le CSE doit assumer sur son budget  20% du coût de cette expertise, dans les faits, la plupart des entreprises prennent en charge 100% du coût de l'expertise. Pour quelles raisons ? Parce que si l'expert appuie le CSE sur les différentes phases, son travail bénéficie aussi à l'entreprise : les informations et analyses que nous apportons sont intéressantes également pour l'employeur, pour éviter, dès le début du projet, certaines erreurs comme celles dont je parlais sur le traitement de l'air ou le macro-zoning. Et une entreprise qui s'installe dans de nouveaux locaux le fait en signant un bail de 10 ans : cela exige un minimum de temps et d'expertise pour bien préparer les choses, ne serait-ce que pour éviter de se retrouver avec un beau bâtiment mais très peu fonctionnel où les salariés ne veulent pas venir !

De mauvaises conditions de travail aujourd'hui, ce sont les maladies professionnelles de demain ! 

 

 

 

Et puis, les conditions de travail d'aujourd'hui, ce sont les maladies professionnelles de demain ! Par exemple, ce n'est pas encore reconnu comme une maladie professionnelle mais je vois de plus en plus fréquemment des problèmes de sécheresse oculaire du fait de la mauvaise qualité de l'air ambiant et du travail sur écran qui fait que nous activons moins nos paupières et, donc, l'humidification de nos yeux. Et je donnerai ici un simple chiffre : selon le ministère de l'écologie, 3,5 millions d'asthmatiques ont été recensés dans le secteur tertiaire. C'est un enjeu de santé publique et un enjeu économique, avec un coût estimé de 10 à 40 milliards d'euros par an !

Quelle répartition des tâches préconisez-vous entre la CSSCT et le CSE ? 

A notre avis, la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) doit être impliquée dans toutes les phases du projet de déménagement, pour avoir une analyse approfondie sur tous les aspects, et en rapportant chaque fois son travail au CSE, un peu comme le ferait un expert. Cela permettra aux élus du CSE de donner un avis éclairé à chaque phase du projet. 

 

(1) Secafi (groupe Alpha) est un cabinet d'expertise pour les CSE. Pour télécharger le guide Agir Secafi écrit par Maria Le Calvez et Ludovic Ponge, voir le site de Secafi. Voir aussi notre article précédent, au sujet de la prévention du harcèlement.

(2) Cette recommandation reprend en fait une disposition de 2015, jusqu'alors peu appliquée, du code de l'énergie : l'article R. 241-26 de ce code fixe les consignes de températures à 19°C pour le chauffage. 

(3) Sur cet aspect, voir cette fiche de l'INRS sur le confort thermique et la sobriété énergétique qui explique que la température associée au confort thermique dans une activité tertiaire se situe généralement autour de 21 à 23 °C en période hivernale. Selon l'Institut, "une entreprise peut décider de n'activer le chauffage que si la température est inférieure à 19°C sans que cette mesure à elle seule ne soit considérée comme une modification importante des conditions de travail". L'INRS recommande toutefois aux employeurs "d’expliquer les décisions prises et d’associer les instances représentatives à d’éventuelles mesures de réduction du chauffage des bureaux".

(4) Aéraulique : science qui étudie l'écoulement de l'air.

(5) INRS : Institut national de recherche et de sécurité. Son site contient de nombreux conseils et informations techniques comme cette vidéo sur le déménagement d'une entreprise

 (6) Le déménagement étant un projet important qui impacte les conditions de travail (voir l'article L. 2312-8 du code du travail), le CSE peut décider de réaliser une enquête ou de demander une expertise avant de rendre un avis (art. L. 2315-94). S'il a recours à une expertise, le délai du CSE pour rendre un avis sur le projet passe de 1 à 2 mois (art. R.2312-6). 

 

Secafi

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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