La consommation de tabac a tendance à augmenter quand les conditions de travail se dégradent ou la peur du chômage se développe. Pour autant, la pénibilité physique ou les risques psychosociaux ont des effets différenciés chez les hommes et les femmes. Décryptage des résultats d'une étude de la Dares.
La mise en oeuvre à partir de 2007 d'une réglementation plus stricte de la pratique tabagique dans le cadre professionnel a été l'occasion de nombreux débats au sein des entreprises et administrations. Si cette interdiction visait d'abord à préserver la santé des collègues non-fumeurs, elle pouvait être une incitation pour les fumeurs à se passer de la cigarette ou du moins à en réduire l'usage. La comparaison de deux enquêtes réalisées par la Dares, en 2006 et 2010, permet d'explorer les réalités de terrain.
Des évolutions contrastées
Disons-le tout de go, les pratiques ont peu évolué en quatre ans, ou alors dans des directions contrastées. En effet, seuls 27 % des hommes et 22 % des femmes ont, entre 2006 et 2010, modifié leur consommation. Mais dans un sens inattendu : les hommes ont été plus nombreux à l'augmenter qu'à la baisser. Il faut dire que cette tendance est particulièrement forte chez les personnes tombés au chômage pendant cette période dont un quart a augmenté sa consommation tabagique.
Davantage de fumeurs chez les ouvriers et employés
Plus que la législation en vigueur, le statut de la personne et ses conditions de travail jouent un grand rôle dans le tabagisme. Traditionnellement, on considère que cette pratique est plus développée chez les ouvriers et les employés, censés avoir un vécu professionnel plus difficile, que chez les cadres. En effet, un tiers des ouvriers est fumeur alors que cette proportion est légèrement supérieure à un cinquième parmi les cadres et professions intermédiaires. Mais cet écart en fonction de la catégorie socio-professionnelle est quasi-inexistant chez les femmes.
L'importance des contraintes physiques...
L'étude de la Dares montre le lien entre des conditions de travail difficiles et le maintien - voire l'accentuation - de la consommation de tabac. Ainsi, chez les hommes, 30 % de ceux qui travaillent avec des contraintes physiques sont fumeurs contre 24 % de ceux qui n'ont pas cette pression. Le document montre des évolutions du tabagisme contrastées entre 2006 et 2010 selon le type de contrainte. Lorsque le portage des charges lourdes ou l'exposition au bruit, au froid ou à la chaleur se sont accrus, la consommation a connu la même tendance.
... sauf pour l'exposition aux produits toxiques
En revanche, celle-ci a été négative quand l'exposition à des produits toxiques ou nocifs s'est accrue. Commentaire de la Dares : "Il est possible que se sentant davantage exposés à ces produits, les hommes, consciemment ou non, compensent en réduisant leur exposition au tabac." Chez les hommes, l'augmentation de la charge de travail n'a pas d'incidence nette sur la consommation de tabac. En revanche, le sentiment d'être sous-valorisé pousse à davantage fumer.
Des réalités différentes pour les femmes
Pour les femmes, les influences sont sensiblement différentes. Si elles réagissent, comme les hommes, par une sur-consommation à l'inquiétude de se retrouver au chômage, elles sont moins impactées par les contraintes physiques. En revanche, elles sont beaucoup plus sensibles à trois situations. Le fait d'être en contact avec du public, de voir l'intensité de son travail diminuer et de gagner en autonomie (en diminuant les tâches répétitives) sont des facteurs de baisse de la consommation. Deux résultats, en revanche, ne lassent pas de surprendre : les femmes pour qui le travail est reconnu à sa juste valeur ont tendance à augmenter leur pratique tabagique alors que celles qui doivent effectuer des tâches qu'elles désapprouvent allument moins souvent une cigarette.