C'est une association qui est à l'origine de l'exposition "Êtres au travail" qui montre, en plein air au coeur de Paris, 80 images illustrant le travail dans le monde entier. Commentées par des spécialistes du travail, ces images sont pour la plupart l'oeuvre de photographes de l'agence Magnum Photos.
Cette association à l'origine de l'exposition "Êtres au travail" s'appelle "Lumières sur le travail". Créée en 2009, elle regroupe des enseignants chercheurs en ergonomie et en psychologie du travail et des enseignants en sciences humaines et sociales et des étudiants en master 2 de psychologie de travail et en ergonomie de l'université Paris Nanterre. L'objet de l'association, nous explique sa présidente, Sophie Prunier-Poulmaire, qui est ergonome et maître de conférences en ergonomie à Paris Nanterre, est de "mettre en débat les questions du travail en prenant des supports artistiques et culturels, comme la photographie" (*).
L'exposition, qui se déroule sur les grilles du jardin du Luxembourg, constitue une rencontre entre les préoccupations de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, et les préoccupations de l'association, poursuit l'ergonome.

"L'OIT cherchait une façon de célébrer son centième anniversaire en 2019, et les valeurs que défend l'OIT recoupent celles que nous défendons au sein de l'association : mettre le travail en débat pour faire en sorte qu'il soit dans l'avenir plus juste, plus équitable et plus sûr. L'opportunité s'est présentée de pouvoir présenter un dossier de candidature au Sénat pour présenter ces photographies de femmes et d'hommes au travail sur les grilles d'un jardin de la République. Cela nous a paru le moyen de porter le débat sur le travail sur la place publique car ces photos vont pouvoir être vues, si l'on en croit les dernières expositions sur le même lieu, par 4 millions de visiteurs lors des quatre mois que va durer cet événément".
De fait, les images exposées montrent bien toute la dimension humaine du travail, tous ces gestes de différents travailleurs qui dépendent les uns des autres pour mener à bien une tâche, qu'il s'agisse d'un forage pétrolier, de la fabrication d'une voiture, ou du séchage de la morue en Norvège. Nous avons demandé à Sophie Prunier-Poulmaire de commenter trois photographies de cette exposition que nous vous recommandons, si vous habitez en région parisienne ou si vous êtes de passage à Paris (*).
Un fondeur de l'aciérie de Saint-Saulve, dans le Nord de la France
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"Nous sommes devant une photo de Jean-Michel Turpin. C'est une très belle photo de 2008 représentant un fondeur au sein de l'aciérie de Saint-Saulve, dans le Nord de la France. J'aime beaucoup cette image. La représentation de cet homme au travail a un caractère presque mythologique. Il a quelque chose de très assuré dans sa posture. Un maintien qui représente aussi l'attention, la précision, la maîtrise, dans un environnement qui paraît assez hostile, et pourtant l'on sent une grande sérénité. Cette image possède un caractère presque mythologique
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Cette posture dégage une impression d'assurance dans le travail, mais aussi de fierté. C'est une photographie non posée, l'homme est saisi dans un instant naturel. Philippe Cabon, maître de conférences en ergonomie à l'université Paris Descartes, a commenté pour nous cette image, et l'on trouve son texte en légende. Il y souligne la forte temporalité du travail que montre cette photo. Cet homme, nous dit-il, est un travailleur de l'ombre, un travailleur de la nuit, dans une industrie qui fonctionne en non-stop. C'est une autre façon de poser les contraintes et les exigences du travail. Des contraintes qui ne vont pas ici sans une fierté du travail et une grande beauté". |
Un ouvrier du Bengladesh sortant des briques après un orage
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"C'est une photographie de Jonas Bendiksen, de l'agence Magnum Photos, qui représente un ouvrier bengali qui sort des briques de l'eau après un violent orage, à Ashuia, au Bengladesh, en 2010. Cette image nous montre une activité et des conditions de travail auxquelles nous sommes moins familiers, à l'autre bout du monde. Et pourtant, cette image dit aussi des choses de notre propre activité professionnelle, en Europe et ailleurs. Le travail est une activité néguentropique
![]() François Vatin, professeur de sociologie à l'université de Nanterre, commente cette image en nous disant que le travail est une activité "néguentropique", c'est-à-dire une activité qui consiste à passer du désordre à l'ordre. Je crois que cette définition s'applique à de nombreuses activités. Ce qui est impressionnant ici, c'est de voir la force physique qui est à l'oeuvre, avec cet homme qui jette quatre briques d'un coup, de voir la précision de sa gestuelle, sa dynamique, et d'imaginer les contraintes qui sont les siennes. Cela illustre le fait que le travail, très souvent, consiste à faire et à refaire". |
Deux ouvrières d'un poste de contrôle qualité, à Shangai, en Chine
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"Nous sommes devant une photo d'Olivia Arthur, de l'agence Magnum photo, qui montre deux ouvrières à la chaîne faisant du contrôle qualité, dans une usine chinoise de Shanghai, en 2012. Depuis que nous l'avons choisie pour figurer dans l'exposition, j'appelle cette photo le "papillon bleu". Il y a quelque chose de très esthétisant dans cette image, et c'est en même temps une image qui montre une activité de travail précise, dans toute l'attention que lui consacrent ces deux jeunes femmes. C'est Yves Clot, professeur émérite de psychologie du travail au Cnam (conservatoire national des arts et métiers), qui commente très joliment cette photographie. C'est l'organisation du travail qui fait que les deux femmes se tournent le dos
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Il nous alerte sur la manière dont l'organisation du travail a été pensée, et sur les conséquences de cette organisation, avec des femmes qui travaillent en se tournant le dos, et en étant courbées. Yves Clot a raison de souligner que la qualité, ce n'est pas seulement la qualité des produits fabriqués ou la question de leur contrôle, mais que c'est très certainement aussi lié à la santé. Ces deux femmes ont-elles la possibilité d'échanger entre elles, de mettre en commun leur activité, leurs expériences, leurs habiletés, et la pénibilité de leur travail ? Poser cette question, c'est s'interroger sur l'avenir du travail, sur la façon de le rendre plus juste, plus efficace et plus digne pour les hommes et les femmes qui le réalisent. Des papillons bleus pour s'envoler vers quelque chose de meilleur pour la santé au travail dans le cadre des 100 ans de l'OIT ?" |
(*) Exposition visible jusqu'au 14 juillet 2019 sur les grilles du jardin du Luxembourg, à l'extérieur du jardin du palais du Luxembourg, qui appartient au Sénat, rue Médicis, Paris 6e. Entrée libre, il y a même un éclairage nocture. Magnum Photos fut fondée en 1947 par Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, Georges Rodger et David Chim Seymour. Un colloque aura lieu le 17 avril au Sénat sur le travail de demain.
Une précédente initiative avait consisté à faire travailler les étudiants sur le travail dans les chansons et à organiser un concert à La Cigale, lire notre article du 8 juin 2016 et notre compte-rendu du 13 juin 2016 ainsi titré : "Soirée work'n roll : "Nous avons besoin d'une entreprise non pas libérée mais délibérée"
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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