Les contrats à impact social, entre promesse et risques

Les contrats à impact social, entre promesse et risques

16.03.2016

Action sociale

La secrétaire d'Etat en charge de l'économie sociale et solidaire a lancé l'appel à projets "contrats à impact social". L'idée est de faire financer de nouvelles actions de prévention des besoins sociaux par des investisseurs privés qui seraient payés en fonction de leurs résultats. Les acteurs associatifs, prudents, demandent des garde-fous.

Cela nous vient tout droit d'outre-Manche et rien que cette information est de nature à effrayer ou, au contraire, à intéresser. Les social impact bonds ont fait leur apparition en 2010 au Royaume-Uni pour financer des projets d'insertion d'anciens détenus. Depuis, d'autres pays européens ont suivi la voie que commence à emprunter notre pays. Tout est parti de la loi sur l'économie sociale et solidaire (ESS) de juillet 2014 qui a introduit un article définissant le concept d'innovation sociale et ouvert les financements publics aux entreprises répondant à cette définition.

Premier appel à projets en France

Vingt mois après le vote de la loi ESS, l'Etat lance un ballon d'essai via un appel à projets interministériel (1) autour des contrats à impact social. Martine Pinville, la secrétaire d'Etat en charge notamment de l'ESS, s'est rendue dans le 18e arrondissement de Paris, le 15 mars, pour se voir présenter un projet de créations d'emplois pour les publics défavorisés respectant les normes écologiques, proposé par le groupe de réinsertion sociale Ares, qui pourrait voir le jour dans le cadre de cet appel à projets.

Action sociale

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Besoins sociaux et financements privés

L'argumentation du gouvernement tient en deux points. 1/ Il existe de nombreux besoins sociaux, notamment en termes de prévention des risques, qui ne sont couverts. 2/ "La philanthropie et les ressources publiques ne sont pas suffisantes pour répondre à tous les défis sociaux".

Mais que sont exactement ces contrats à impact social ? Sur des champs insuffisamment couverts, des investisseurs privés prennent en charge le financement de projets présentés par des acteurs sociaux. Des objectifs en matière d'insertion (taux d'emplois, baisse du placement d'enfants, etc.) sont définis lors de la présentation du projet et s'ils sont atteints, l'investisseur reçoit un financement de l'Etat.

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"Triple gagnant"

Pour le ministère, il s'agit d'un dispositif "triple gagnant" qui permet de "mesurer l'efficacité des dépenses d'innovation", de "récompenser la prise de risque" et "d'expérimenter un programme innovant d'actions destinées à prévenir des risques sociaux". La secrétaire d'Etat insiste sur deux autres points : il s'agit là d'un complément de financement qui "n'a pas vocation à se substituer aux financements traditionnels des activités d'utilité publique" ; "en cas d'échec, l'investisseur conserve à sa charge les sommes engagées".

Les réserves de l'OCDE

Consulté sur l'appel à projets, le Haut conseil de la vie associative (HCVA) se montre beaucoup moins enthousiaste. il s'appuie sur une étude très étoffée de l'OCDE sur des expériences européennes de social impact bonds (SIBs). Que dit-elle ? "Les SIBs demeurent un instrument financier relativement neuf, avec des éléments de preuve limités quant à leurs résultats." L'OCDE insiste également sur la complexité de cet instrument associant des "parties prenantes venant d'horizons divers". Enfin, l'organisation est circonspecte sur la rigueur de la mesure des effets sociaux de ces programmes en alertant sur les "effets pervers comme l'écrémage, un effet "parking" ou "sélection des clients".

Difficile de tout quantifier

Dans son avis, le HCVA pointe un certain nombre de risques. Il souhaite que les SIBs à la française restent une "solution de financement" et ne deviennent pas des "outils d'orientation des politiques publiques". En clair, les contrats à impact social supposent que soient mesurés des résultats, ce qui n'est pas toujours évident. "Il devrait être plus facile d'évaluer, dans un département, le recul du nombre d'enfants placés en famille ou en établissement que la portée des actions visant la déradicalisation de certains jeunes dans les banlieues." (2)

Attention à la dérive des coûts !

Le HCVA demande également à ce que la rémunération du financeur privé soit plafonnée à "un niveau qui ne soit pas disproportionné par rapport au coût global de l'opération". En clair, il faut veiller à ce que celui-ci ne soit pas supérieur à ce qu'il aurait été si le financement avait été public.

Comme on le voit, le mouvement associatif accueille avec "la plus grande vigilance" cet appel à projets. Pour désamorcer ces réserves, à la fois intellectuelles et pratiques, les premiers contrats à impact social qui seront labellisés en juin prochain ont tout intérêt à être judicieusement choisis en montrant qu'ils apportent vraiment une plus-value par rapport à l'offre actuelle.

 

(1) Cet appel à projets est ouvert jusqu'en janvier 2017.

(2) Selon nos confrères d'AEF, la Sauvegarde du Nord devrait concourir à l'appel à projets pour développer des services d'action éducative en milieu ouvert (Aemo) pour réduire le taux de placement des enfants.

Noël Bouttier
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