Lors de la passation de pouvoirs en septembre dernier, Michel Barnier avait ironisé sur les 8 mois à Matignon de Gabriel Attal. Lui-même n'y sera donc resté que...3 mois. Quel sera le sort des dossiers sociaux ?
Une majorité absolue de députés ont voté hier la motion de censure déposée par les députés de gauche à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 (*).
Alors qu'un accord avait été trouvé en commission mixte paritaire (CMP) sur ce texte qui établit les prévisions de dépenses et de recettes des cinq branches de la sécurité sociale (maladie, famille, accidents du travail, retraites, autonomie), c'est finalement une coalition hostile au gouvernement Barnier qui a provoqué sa chute, le Premier ministre ayant engagé sa responsabilité pour faire adopter le projet de loi sans vote (article 49 alinéa 3 de la Constitution).
Signalons au passage que la mention, dans la motion de censure déposée par la gauche, du Front républicain contre l'extrême droite n'a pas empêché le Rassemblement national de voter cette censure (**).
Le président de la République a répété récemment qu'il n'envisageait absolument pas de démissionner avant la fin de son mandat en 2027. Il va donc devoir nommer un nouveau Premier ministre, sans doute après une série de consultations politiques. Ce sera le sixième chef de gouvernement depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, le quatrième depuis le début de son second mandat en avril 2022.
Mais la donne politique n'a pas changé depuis la dissolution de juin 2024 : aucune des grandes forces politiques présentes à l'Assemblée ne possède à elle seule de majorité.
Faute d'alliance entre partis fondée sur un programme politique partagé et donc soutenue par une majorité de députés, il est donc probable que le nouveau Premier ministre et son gouvernement connaîtront la même fragilité en étant exposés à un risque de censure.
Rappelons que le président de la République n'est pas tenu par un délai légal pour nommer un nouveau Premier ministre. Après l'élection de nouveaux députés en juin et juillet 2024, il avait ainsi longtemps attendu avant de nommer, le 5 septembre, Michel Barnier, ce dernier n'ayant ensuite constitué son gouvernement que le 21 septembre, ce qui lui laissait peu de temps pour préparer les textes budgétaires, sachant de plus qu'il devait laisser un temps d'examen de 70 jours aux parlementaires sur ces textes. Par ailleurs, Emmanuel Macron ne ne peut pas dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale avant un délai d'un an depuis la dissolution de juin 2024, soit pas avant juillet 2025.
Par ailleurs va se poser la question des budgets de l'Etat (PLF, le projet de loi de finances 2025) et de la sécurité sociale (PLFSS) que le gouvernement démissionnaire de Michel Barnier peut encore chercher à faire adopter, au moins par le Sénat, dans un contexte de dégradation des comptes de la Nation.
Il est néanmoins probable que l'exécutif doive actionner les mécanismes de secours pour doter la Nation de ces budgets faute d'avoir pu les faire adopter par le Parlement. Cela pourrait être fait à l'occasion d'une loi spéciale, prévue par l'article 45 de la loi organique sur les lois de finances. Encore faut-il que celle-ci soit votée au Parlement, mais on on peut penser que le contexte politique serait différent avec un texte se contentant de prévoir des crédits a minima sans reprendre les projets politiques du gouvernement. Ce projet de loi, qui doit être déposé avant le 19 décembre, vise à autoriser le gouvernement à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année, ce projet de loi étant discuté en procédure accélérée (lire notre article).
Il existe aussi une autre voie prévue par l'article 47 de la Constitution : celle d'ordonnances budgétaires permettant au gouvernement d'agir, pour l'affectation de crédits assurant a minima le fonctionnement de l'Etat et des services publics.
Mais cette situation politique inhabituelle soulève d'autres questions concernant les dossiers sociaux que nous énumérions lors de la nomination de Michel Barnier. Examinons quelques uns de ces points.
► La situation économique et sociale s'est enfin dégradée avec de nombreux plans sociaux et restructurations, au point que la ministre du travail a évoqué une nouvelle forme d'allocation partielle de longue durée (APLD) avec une obligation de formation faite aux employeurs : ce projet sera-t-il mis en oeuvre ?
► Depuis la nomination du gouvernement Barnier, les organisations syndicales et patronales ont trouvé trois accords nationaux interprofessionnels sur l'assurance chômage, les seniors, la fin de la limitation de trois mandats successifs au CSE. La nouvelle convention d'assurance chômage sera-t-elle agréée par l'exécutif pour pouvoir être mise en oeuvre ? Sur ce point, la ministre du travail se montre rassurante : la convention s'appliquera bien en 2025 car elle sera agréée par le gouvernement démissionnaire qui gérera les affaires courantes, même si les dispositions sur les frontaliers pourraient ne pas être reprises (lire notre brève dans cette même édition). D'autre part, les accords sur les seniors (dispositions sur la retraite progressive et création d'un CDI seniors) et sur le CSE (fin de la limite de 3 mandats successifs) pourront-ils faire l'objet d'une transposition dans la loi avec un nouveau gouvernement ?
► A moyen terme, quelle sera la politique du futur gouvernement s'agissant des allègements de cotisations sociales des entreprises : ira-t-il dans le sens d'une remise en cause de ces allègements, un cap esquissé par Michel Barnier mais ensuite nettement adouci (la réduction de ces allègements passant de 4 milliards à 1,6 milliards dans le texte de la CMP), ou fermera-t-il cette voie au motif que ce n'est pas le moment d'augmenter le coût du travail ? Les organisations patronales plaident en ce sens tandis que les syndicats, CFDT comprise, demandent de plus en plus un conditionnement des aides publiques aux entreprise....
► Quel sera la suite donnée à la promesse faite par la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, d'une prochaine concertation sur les retraites ainsi que l'annonce d'une conférence sociale au premier trimestre 2025 sur le thème de la santé au travail ?
► Les enjeux concernent aussi la politique de l'apprentissage (quid des aides de l'Etat aux entreprises) et le déficit de France compétences, l'évolution du Smic (le comité d'experts plaide pour l'absence de coup de pouce au 1er janvier), sans oublier des sujets qui s'imposeront d'eux-mêmes comme la transposition de la directive sur l'égalité entre femmes et hommes avec d'éventuelles retouches à l'index sur l'égalité...
(*) Hier soir, 331 députés vont voté la motion de censure, soit davantage que la majorité absolue requise (288 députés)
(**) Le texte de la motion dit ceci : "Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique".
Les déclarations des différentes forces politiques avant le vote
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► "Votre navire prend l'eau, la colère monte. Le chaos est déjà là, il n'arrivera pas avec votre chute (...) Arrêtez de faire croire que tout s'éteindra. La loi spéciale permettra de décaler au début de l'année la discussion sur les lois de finances", a déclaré Eric Coquerel (LFI, Nouveau Front populaire) pour défendre la motion de censure de la gauche, après avoir estimé que "l'écrasante majorité veut l'abrogation de la réforme des retraites". ► "Nous avons voulu améliorer votre budget de la sécurité sociale (..) Nous avons cherché des compromis avec des prélèvements sociaux justes et équilibrés (..) Monsieur le Premier ministre, à aucun moment vous ne nous avez laissés améliorer votre projet (..), vous n'êtes pas entrés en dialogue avec la gauche", a lancé Boris Vallaud (PS, Nouveau Front populaire) en pointant "une trahison du Front républicain". Boris Vallaud a revendiqué le gouvernement pour la gauche, "avec la recherche d'une majorité texte par texte". ► "Le président de la République a refusé sa défaite dans les urnes. Il a cherché à maintenir sa politique quoi qu'il en coûte (..) Il faut en finir avec l'approche verticale du pouvoir. Le prochain gouvernement devra renoncer au 49.3", a déclaré Cyrielle Chatelain (Ecologiste et social, NFP). ► "Allez dire aux milliers de personnes qui risquent de perdre leur emploi (..) que la vie sera plus douce avec votre maintien au gouvernement. Le chaos, c'est le refus d'entendre le peuple et les organisations syndicales", a dit Nicolas Sandu (Gauche Démocrate et République, NFP). ► Marine Le Pen (Rassemblement national) a fustigé de son côté un "gouvernement éphèmère" qui présente "un budget de gaspillage" avec "40 milliards d'impôts nouveaux dont 20 milliards pour les entreprises" et qui "refuse de garantir la revalorisation des retraites à hauteur de l'inflation" (voir le texte de la motion de censure du RN). Tout en critiquant la gauche, Marine Le Pen a justifié de voter sa motion de censure en la considérant "comme un simple outil". ► Eric Ciotti (UDR) a parlé d'une "saignée fiscale" : "C'est un mauvais budget, un budget socialiste !" ► "Vous vous injuriez les uns les autres, et vous vous apprêtez à voter ensemble pour faire tomber le gouvernement (..) Par votre irresponsabilité vous allez enfoncer la France dans une crise économique et financière", a lancé Laurent Wauquiez (LR) à la gauche et à l'extrême droite en saluant "la droiture" de Michel Barnier et sa volonté de redresser la situation budgétaire. ► Marc Fesneau (Les Démocrates) a cité "les avancées" du texte de la CMP comme "la taxe sur les sodas et l'équilibre sur les exonérations de cotisations sociales". ► "Personne n'a gagné les dernières élections législatives (..) Sur l'accès aux soins, sur la sécurité et même sur les déficits publics, des accords seraient possibles", a estimé Laurent Marcangeli (Horizons). ► Charles de Courson (Liot) : "Notre groupe ne votera pas la motion de censure, car ce serait redonner la main au président de la République qui est à l'origine du chaos actuel, et ce serait aggraver la crise démocratique. Que penser d'une démocratie dans laquelle le Parlement est incapable d'adopter les projets de lois de finances ? (..) Un tel vote fragiliserait l'économie alors que le chômage augmente depuis 6 mois". ► "Les Français sont déboussolés par tout ce qui se passe et par le spectacle désolant des extrêmes de cet Hémicycle (..) Les Français veulent moins de bruit et plus d'action, et c'est le projet de Michel Barnier (..) Les députés de mon groupe ont su faire des compromis", a déclaré Gabriel Attal (Ensemble pour la République) en lançant un appel aux socialistes : "Affranchissez-vous (des Insoumis, Ndlr)". ► Michel Barnier, Premier ministre : "Moins de bruit et plus d'action, c'est compliqué ici ! (..) J'ai pris la décision d'engager la responsabilité de mon gouvernement après avoir fait preuve d'écoute, et nous avons amélioré le texte (du PLFSS, Ndlr) comme sur les retraites ou sur la taxe sur l'électricité pour le projet de loi de finances (..) Avec ce budget, nous faisons de la santé mentale une grande cause nationale pour 2025, nous améliorons la prise en charge des femmes victimes de violences (..), nous luttons contre la fraude avec la sécurisation de la carte vitale (..) Ce texte répond à l'urgence de réduire notre dette en regardant en face nos comptes publics (..) J'aurais préféré distribuer de l'argent plutôt que vous présenter des textes difficiles. Mais cette réalité est là et elle ne disparaîtra pas par l'enchantement d'une motion de censure (..) Cette motion de censure que vous vous apprêtez à approuver rendra tout plus difficile". |
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