Lors du congrès de la CGT hier à Dijon, de nombreux délégués ont remis en question la ligne et les choix confédéraux. Devant les critiques internes, la confédération a renoncé à faire évoluer ses statuts pour conforter ses comités régionaux, alors que de nouvelles formes d’organisation sont présentées comme indispensables pour recruter de nouveaux adhérents.
Comme on pouvait s’y attendre, ce sont, dans le rapport d'orientation, le thème de « la construction du rapport de forces et des convergences de lutte », avec le fameux « syndicalisme rassemblé », la question du positionnement de la CGT dans le syndicalisme international, sur laquelle la direction confédérale a été mise en minorité (lire notre article), et la révision des statuts qui ont suscité le plus de débats lors du congrès de Dijon. Hier matin, plusieurs délégués du congrès, agacés par des « journées d’action isolées sans lendemain » et par l’idée d’un « syndicalisme rassemblé » incluant la CFDT, ont réclamé la perspective d’une mobilisation massive voire d’une grève générale, « qui ne se décrète pas mais qu’il faut construire », a résumé un délégué.
« Si j’ai partagé en partie l’intervention de Philippe Martinez lundi (lire notre article), je ne la retrouve pas dans le document d’orientation qu’on nous présente. Nous sommes à mille lieux de ce que souhaitent les syndiqués. Le repli sur soi entraîne un syndicalisme corporatiste », a fustigé la déléguée syndicale d’une clinique de Montauban, qui a appelé à un syndicalisme de lutte : « On engage la CGT dans une ligne réformiste à la suite de la CFDT et de FO. Mais nous avons besoin d’une stratégie commune de mobilisation globale pour faire venir les autres à nous, comme les gilets jaunes ».

Un militant du Puy-en-Velay a renchéri, très applaudi par la salle : « On ne peut pas gagner seuls ! Comment expliquer qu’on ne rassemble que 300 000 personnes dans une manif réussie ? Il nous faut être des millions pour gagner. Il nous faut gagner, être majoritaires dans les élections, dans les débrayages, avoir la gagne », a-t-il lancé. Un autre militant a pointé les « phrases creuses » des appels à l’unité intersyndicaux et s’est demandé « comment nous allons nous saisir des mouvements spontanés qui vont surgir dans le monde social ». Un délégué a exigé «la construction d’une riposte interprofessionnelle ». C’est, a dit en substance un cheminot, sur la stratégie que nous débattons, sur la façon dont on opère un rassemblement des salariés, « pas sur la lutte des classes que nous partageons tous ».
« Peut-on faire du syndicalisme rassemblé avec une CFDT qui continue de négocier le poids des chaînes et qui va s’apposer à nous sur la question des retraites ? » a attaqué une déléguée en réclamant la suppression de la référence à un « syndicalisme rassemblé ». Pour autant, tous les amendements qui allaient dans le sens de ces interventions ont été repoussés par les délégués, qui ont voté à 70 % le thème du rapport d’orientation sur les convergences des luttes. Comme s’il fallait d’abord, derrière les divergences sur la ligne confédérale, montrer l’unité du syndicat dans un réflexe légitimiste, encore renforcé par le fait que 80% des délégués assistent pour la première fois à un congrès confédéral.
L’autre point important à l’ordre du jour, hier, concernait les moyens de développer « un syndicalisme de masse », avec l’évolution des structures syndicales, une évolution présentée lundi par Philippe Martinez comme une nécessité pour élargir la base de la CGT. Un sujet délicat, chaque structure (union départementale -UD- et fédération) étant historiquement attachée à son autonomie et à ses prérogatives.
Des nouveaux syndicats, des syndicats «multipro ou territoriaux professionnels » et des syndicats de site, sont à créer pour attirer les salariés, notamment ceux des moins de 20 salariés, a expliqué Thierry Gourlay, le secrétaire du comité régional CGT de Bretagne, en présentant le thème 4 du rapport d’orientation consacré à ce point. Il s’agit, si l’on comprend bien, de créer une culture militante pour fidéliser des nouveaux venus pendant 2 à 3 ans, avant qu’ils se structurent eux-mêmes en section dans les entreprises. La confédération attend des résultats de cette orientation dans les trois ans à venir.

On touche là un enjeu majeur pour l’avenir à court et moyen terme de l’organisation, confrontée à une baisse du nombre de ses adhérents (653 000 actuellement) et à la perte de sa première place au profit de la CFDT. « La fin du premier cycle de la mise en place des CSE en 2019, avec les élections TPE en 2020 et nos efforts pour organiser les travailleurs des TPE, devraient nous permettre de gagner les 11 000 voix qui nous permettraient de regagner cette première place dans le privé », a pourtant assuré Thierry Gourlay, qui a souligné la nécessité « de renforcer le développement de la CGT sur les enjeux d’égalité F/H et notre déploiement dans les secteurs à dominance féminine ».
A ces timides évolutions devait s'ajouter une annexe statutaire. Ce document, selon Grégory Roux, membre de la direction confédérale, visait à faire du comité régional, où entreraient les fédérations, "un lieu d'impulsion pour des objectifs revendicatifs et de vie syndicale", à "organiser des conférences territoriales des unions locales", et à redessiner la carte des comités régionaux pour qu'ils épousent "le périmètre des régions administratives". Le comité régional devrait notamment fixer tous les trois ans, lors d'une conférence régionale, "des objectifs par union départementale et par fédération".

En dépit des assurances de Sophie Binet, de l'Ugict-CGT ("ce sont les UD (unions départementales) qui décideront de l’organisation statutaire des comités régionaux", a-t-elle insisté), ces orientations ont été vivement rejettées par plusieurs délégués. Certains ont été très applaudis en dénonçant dans ces "super comités régionaux" des "mini confédérations" qui seraient "trop éloignées et déconnectés des salariés" tout en affaiblissament UD et UL. "Nous pouvons très bien nous coordonner entre UD", a regimbé un militant du Nord en réclamant le retrait de ces évolutions. Certains ont appelé au respect « du rôle et de la responsabilité des fédérations », et d’autres encore ont demandé d’en rester au principe selon lequel « ce sont les syndicats qui décident souverainement, par en bas, de s’organiser ».
Face à ces critiques, et à la difficulté de rassembler les deux tiers des votes nécessaires pour l'adoption de cette annexe statutaire, la direction confédérale a proposé de sursoir au vote lors du congrès, et de retravailler le sujet en vue du...prochain congrès, le rapport d'orientation étant lui approuvé par 70% des délégués. Aveu d'impuissance à faire évoluer les structures ou signe d'un sujet insuffisamment préparé en amont du congrès ? A suivre...
Ce congrès et ces échanges n’ont en tout cas pas convaincu tous les militants ni les observateurs présents, d'autant que les partisans d'une évolution de la CGT et de ses structures, souvent présentés comme "réformistes", ne se sont guère fait entendre publiquement. « Franchement, nous sommes mal. On se répète de congrès en congrès. Il faudrait que les choses changent vraiment », commente un ancien responsable syndical CGT, quand un autre déplore la pauvreté des débats avec des interventions lors desquelles chacun défend sa paroisse. « Nous vivons, avec la fusion des IRP dans le CSE et la réduction du nombre des mandats, la fin d’un syndicalisme basé sur les élus du personnel. Comment va-t-il résister alors que nous avons en plus une crise démocratique ? » s’interroge, sceptique, un bon connaisseur de la CGT. Hier soir, le congrès devait élire la nouvelle commission exécutive (CEC) de la CGT, un sujet qui a provoqué à nouveau des tensions, certains délégués réclamant la réintégration de quatre candidats écartés. Le nouveau bureau confédéral doit être désigné aujourd’hui.
Quand thés, glaces et madeleines symbolisent le refus du déclin
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Dans les allées du salon qui jouxte le congrès CGT, trois entreprises proposent à la vente thés, infusions, glaces et madeleines. Elles ont attiré de nombreux militants qui ont fait leurs emplettes et pris des commandes pour leurs CE/CSE. Il faut dire qu'elles ont toutes connu une occupation d'usine par les salariés. Près de Marseille, les ex-Fralib (les thés et infusions Elephant de Lipton) ont gagné de haute lutte le droit de reprendre l'entreprise en Scop sous la marque 1336, comme 1336 jours d'occupation. Ils comptent 51 coopérateurs et 41 salariés, et espèrent bientôt atteindre l'équilibre, "malgré peu de soutien de la part des banques". A Carcassonne, la Belle Aude est le résultat de la même histoire mouvementée : le personnel de ce fabriquant de glaces s'est opposé a la fermeture puis a repris l'affaire en coopérative, qui fait vivre aujourd'hui 24 salariés. Près de Caen, enfin, la biscuiterie Jeannette, qui façonne des madeleines, a été reprise en SAS après une longue occupation. L'entreprise emploie une trentaine de salariés. |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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