Lors de la journée d’actualité « Le travailleur social territorial et la République », le 17 novembre dernier, plusieurs personnalités référentes en la matière ont tenté de définir les notions pivots de laïcité, discrimination et radicalisation. Tour d’horizon des problèmes, des solutions et du cadre de référence en la matière.
« Dans un contexte de montée de l’islam radical, du terrorisme et des intolérances, de crise de la démocratie et des modèles d’intégration, les valeurs républicaines sont au cœur du travail social, au service du vivre ensemble », explique Michel Thierry, inspecteur général des Affaires sociales et ancien vice-président du Conseil supérieur du travail social, lors de la journée de réflexion Le travailleur social territorial et la République *, organisée le 17 novembre dernier par Dalloz Formation Métiers publics en partenariat avec tsa. Ce qui ne signifie pas que le travailleur social doive réaliser une « catéchèse » républicaine auprès des personnes qu’il accompagne mais constitue un relais du projet républicain « Liberté, Egalité, Fraternité ».
La laïcité, une valeur de la République vraiment ?
Au quotidien pourtant, comment incarner la laïcité par exemple ? Et dans quel cadre ? Selon Michel Thierry, plus de la moitié des règlements intérieurs des structures sociales ne mentionnent pas la laïcité. Dans cette relative absence de cadre, il importe de garder à l’esprit le fait que la laïcité est un principe d’organisation de la société, et non une valeur de la République, rappelle Philippe Cormont, formateur spécialiste de la thématique. La révolution française a posé les fondements de la liberté religieuse et de la séparation entre l’Etat et l’Eglise.
Depuis lors, cette spécificité française figure dans l’article 1 de la Constitution française de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Dans ce contexte, comment arbitrer entre laïcité et liberté de culte ? « Attention, la laïcité n’est pas une arme de guerre contre les religions ! », prévient Philippe Cormont. « Elle ne promeut pas non plus l’athéisme. ». Au contraire, elle conditionne l’égalité entre les citoyens. Et ce, en fonction de trois principes fondateurs définis par la loi de 1905 : la liberté de conscience et de croyance, l'égalité des religions et des convictions et le principe de séparation entre autorités publiques et organismes religieux.
Le travailleur social face aux débats religieux
En pratique, cela suppose que tout agent public ou délégataire d’un service public n’arbore pas de signe religieux ostentatoire ou n’exerce pas de prosélytisme religieux. Ce même principe de laïcité garantit également la liberté de conscience. Toute personne peut arborer une kippa, une croix ou un foulard islamique dans l’espace privé, public ou dans l’enceinte d’une administration (hors exercice d’une fonction publique). Jusque-là, l’application de la laïcité paraît limpide. Mais quid des situations conflictuelles où le principe de laïcité, l’autorité du travailleur social et la République sont remis en cause ? Quelle marge de manœuvre le travailleur social possède-t-il ? « Certains professionnels ont peur et ne sont pas en capacité de porter la laïcité », déclare une assistante sociale lors du débat.
C’est à cet endroit qu’apparaît le caractère militant des métiers du travail social, qui fait apparaître les travailleurs sociaux comme les nouveaux hussards de la République, remarque l’un d’eux dans la salle. Mais aussi, « il est essentiel de pouvoir s’appuyer sur des instances collectives de discussion, voire sur un travailleur social référent de la laïcité ou des discriminations », estime Michel Thierry, auteur d’un rapport remis le 7 juillet 2016 à Marisol Touraine intitulé Valeurs républicaines, laïcité et prévention des dérives radicales dans le champ du travail social. « Ne surtout pas rentrer dans le débat religieux mais rester sur le terrain de l’institution, de la République et des lois… Nous ne sommes pas là pour débattre de religion. Ces débats sont sans fin et n’ont rien à faire dans le cadre d’une institution publique », martèle, quant à lui, Philippe Cormont. A long terme, il s’agit de trouver des méthodes d’intervention pour amener la personne sur d’autres terrains que la seule religion, éventuellement lui faire expérimenter des succès, petits ou grands, qui l’amènent à une autre dynamique que celle de l’échec. Une spirale de l'échec induite par des discriminations réelles à tous les niveaux de la société et par une banalisation des discours racistes aujourd'hui, rappelle Sarah Bénichou, responsable de la promotion des droits et de l'égalité au Défenseur des droits.
Prévention de la radicalisation : vide juridique sur le partage des informations |
Alors que les travailleurs sociaux sont en première ligne pour prévenir la radicalisation, il n'existe pas aujourd'hui de base légale claire pour les professionnels de la PJJ, qui leur permette de décider de ce qui relève du partage d'informations ou du secret professionnel, regrette Delphine Bergère-Ducôté, chargée de mission à la direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). A défaut, il existe le Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR), explique-t-elle. La plateforme permet d'évaluer les situations rencontrées et de proposer une première aide, anonyme. Le numéro vert : 0800 005 696.
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* Cette journée s'est s'appuyée sur le guide pour agir Le travailleur social et la République édité par tsa (juin 2016).