Les personnes handicapées réinventent le monde

Les personnes handicapées réinventent le monde

27.02.2019

Action sociale

Dans le cadre du Grand débat national, le mouvement de l'Arche a organisé un débat avec des personnes handicapées mentales et des personnes âgées. Deux thèmes ont été explorées, avec passion, lors de cette soirée parisienne : la citoyenneté et l'écologie. Récit d'un débat très original.

"Imaginer, rêver"... l'animateur qui introduit la soirée de débat utilise ces mots pour décrire l'esprit du débat qui va se dérouler à l'Espace Saint-Michel, un ensemble immobilier situé dans le 15e arrondissement de Paris qui mêle neuf services sociaux ou  médico-sociaux (Sessad, Fam, Ehpad, crèche...) et des habitants "lambda". Pour l'organisation de ce débat inédit proposé par le mouvement l'Arche (lire encadré), le cercle Vulnérabilités et société a donné un sérieux coup de main.
Les médias très présents 

Dans la salle associative, une centaine de personnes se pressent. On a là des personnes handicapées mentales, en majorité mais aussi des autistes, des personnes âgées, des jeunes bénévoles ou en service civique, sans compter des accompagnateurs. La plupart des participants sont issus des lieux de vie de l'Arche, mais d'autres sont accompagnées par le fondation OVE ou Autisme 75. Les deux heures d'échanges vont se dérouler au milieu de micros (France culture et RTL, notamment, sont présents) et de caméras. Mais cela ne perturbe en aucune manière les personnes qui vont débattre et prendre la parole devant les autres.

Les organisateurs ont choisi de retenir deux des quatre grands thèmes de la consultation nationale : l'écologie et la citoyenneté. Les participants se retrouvent dans des groupes d'une dizaine de personnes pour débattre librement d'un thème ou de l'autre. Ils peuvent s'aider pour mieux se faire comprendre de pictos étalés sur la table. Quelques questions sont proposées pour les guider. Sur la citoyenneté, par exemple, "qu'est-ce qu'être citoyen ?", "vous sentez-vous représentés ?" et "comment construire une société plus solidaire et plus tolérante ?". Pour Pierre-Yvan, "être citoyen, c'est lire, avoir accès aux informations". Pour sa voisine Ashley, il est important d'affirmer ses goûts, notamment musicaux. Elle, c'est le chanteur Grégoire. 

Macron, réunions de quartier, Gilets jaunes

La discussion dérive sur le président de la République. "Ce serait bien que Macron passe nous rendre visite", espère une personne. Une autre questionne : "On ne peut pas aller à l'Elysée sans autorisation ?" L'animateur du groupe ramène les débats à l'échelon local. "Vous participez à des réunions de quartier ?", demande-t-il. "Nous ne sommes pas informés". Une vieille dame veut parler du thème de la numérisation des services publics. Pour elle, "ça abîme les relations entre les personnes." Jean-Claude, casquette vissée, parle des Gilets jaunes. Quelques idées émergent de la discussion : être citoyen, c'est "respecter le bien commun", "être écouté et compris", "respecter l'opinion des autres".

"On est trop riches ! "

Sur l'autre thème, l'écologie, les questions posées sont les suivantes : "Quel est pour vous le problème le plus important concernant l'environnement ?", "Que faut-il faire pour le résoudre ?", "Qui doit payer ?" Sur ce thème, les discussions sont fournies. Une femme : "Y'a beaucoup de gâchis chez nous. On est trop riche ! Je suis allée en Afrique et en Inde. Ls gens mangent une fois par jour." Benjamin prolonge : "On ne vit pas dans le même monde, même si on est sur la même planète". Françoise ajoute : "Trop de poubelles, ça tue la planète." Une autre personne insiste sur l'importance des arbres qui fournissent de l'oxygène."

Chaque groupe doit retenir deux idées qu'il présente ensuite à l'assemblée plénière. A l'heure de la restitution, cela fuse un peu dans toutes les directions. Sur la citoyenneté, Samuel s'exclame: "Je ne supporte pas les gens qui ne votent pas et qui râlent ensuite." Pour une autre personne, le droit de vote doit permettre de "porter notre voix plus fort." La notion de respect des uns et des autres et de leurs différences est plusieurs fois citée. On y parle aussi d'amour des autres, une notion qui a disparu de la plupart des assemblées politiques.

"Se prendre la main pour sauver la planète"

Sur l'écologie, on affirme que notre consommation est trop forte pour le respect de la planète. On insiste pour pêcher moins de poissons dans les mers, pour prendre moins souvent l'avion. Quelqu'un suggère d'inventer un avion électrique...On estime que l'Union européenne doit trouver une solution au réchauffement climatique. Mais une autre voix se fait entendre : c'est à chacun de "se prendre la main pour sauver la planète". 

Reste ensuite à faire le bilan de cette soirée pleine de petite pépites. Une femme valide se déclare étonnée de la façon dont cela a été géré. "C'est beaucoup plus fun que d'autres débats", dit-elle. Une autre voix lance : "On a tous été acteur.s On est sorti de la passivité. C'est un bel exemple de démocratie vivante." Jean-Claude insiste pour que "le Président soit au courant de de ce qui s'est passé là." Les organisateurs promettent de remplir le questionnaire du Grand débat à partir des idées fortes de la soirée. 

Le pouvoir des fleurs 

De façon très claire, les participants ont affirmé un vrai besoin de se faire entendre. "Ce n'est pas parce qu'on est différent qu'on ne doit pas exister". Et on laissera à Jean-Claude décidément très inspiré le mot de la fin qui fait la jonction entre les deux thèmes de la soirée, l'écologie et la citoyenneté. "Etre citoyen, dit-il, c'est laisser pousser les fleurs."  

 

L'Arche, un projet original
Créé en 1964 par Jean Vanier, le mouvement de l'Arche propose de "vivre avec" les personnes handicapées mentales, plutôt que de "faire pour". Il propose donc des communautés de vie qui fonctionnent un peu comme une maison ordinaire. En France, le mouvement compte 35 communautés qui gèrent 134 foyers ou maisons et qui regroupent environ 4 000 membres. L'Arche est également présent dans 37 pays sur les cinq continents. 

 

 

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Noël Bouttier
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