Les résultats d’exploitation non affectés en temps utile sont des fonds propres

Les résultats d’exploitation non affectés en temps utile sont des fonds propres

14.09.2016

Action sociale

Lorsque l’autorité de tarification a omis de décider de l’affectation des résultats d’exploitation pendant plus de deux ans, les excédents demeurent-ils acquis au gestionnaire de l’ESSMS ? Dans sa chronique, Olivier Poinsot, avocat, estime que oui et plaide pour la reconnaissance d’un droit de propriété des organismes gestionnaires sur ces excédents non affectés.

Alors que se prépare une réforme de la tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) qui va faire disparaître le dispositif des reprises des résultats d’exploitation, une question importante se pose pourtant toujours concernant ce dernier : lorsque l’autorité de tarification a omis de décider de leur affectation pendant plus de deux ans, les excédents demeurent-ils acquis à l’organisme gestionnaire de l’ESSMS ?

Etat du droit

Pour rappel, en l’état actuel du droit, les produits de la tarification sont versés par l’assurance maladie et/ou l’aide sociale – départementale ou étatique – en rétribution des prestations qui sont servies aux personnes vulnérables bénéficiant d’un accueil ou d’un accompagnement par un établissement ou service. L’article R. 314-51, II, 1° du Code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit que le solde d’exploitation excédentaire de l’exercice N peut faire l’objet d’une reprise à l’occasion de la fixation du tarif de l’année N + 2. Ainsi les organismes gestionnaires doivent-ils comptabiliser ces sommes pendant deux ans, dans leur bilan, au compte 115 « Résultat sous contrôle de tiers financeurs ».

Mais en pratique, il est des cas dans lesquels experts-comptables et commissaires aux comptes constatent que ces résultats excédentaires mis en attente n’ont pas fait l’objet d’une affectation à temps par l’autorité de tarification. Comment doivent-ils alors comptabiliser ces sommes ?

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

Découvrir tous les contenus liés
Le droit de propriété est un droit fondamental

Au vu de la jurisprudence du Conseil d'État, issue des arrêts Comité mosellan de Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence de 1994 et Association Amicale du Nid de 1997, et de la doctrine administrative née d’une lettre du ministre de la fonction publique et de la réforme de l’État du 5 septembre 2000 à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), ces sommes – qui ne sont pas des subventions au sens de l’article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 – devraient être acquises aux organismes gestionnaires passé le délai réglementaire d’affectation. En effet, le droit de propriété est un droit fondamental garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – qui ont valeur constitutionnelle – et l’article 544 du Code civil. Cela signifie qu’il ne peut y être dérogé que par la loi et pour servir un intérêt public. Tel est bien le cas s’agissant de la reprise des résultats d’exploitation, prévue expressément par l’article L. 314-7 complété par l’article R. 314-51. Mais il ne peut s’agir là que d’une dérogation au principe selon lequel le tarif, comme rétribution d’une prestation, est la propriété de l’organisme gestionnaire. Et comme toute dérogation, elle doit s’interpréter strictement.

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

Je télécharge gratuitement
Alourdissement des coûts

Dans une réponse à une question parlementaire (réponse à la question écrite n° 06176 du sénateur Ronan Kerdraon, JO Sénat du 27 février 2014, p. 528), le Gouvernement s’est approprié cette analyse en reconnaissant que « la gestion par les associations d’ESSMS constitue bien une activité économique de prestations de service bien que celles-ci soient soumises à un régime de police administrative (autorisation) et puissent bénéficier de financements publics ».

Au-delà, il faut souligner qu’après la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, bien des coûts induits par cette réforme, tels ceux de mise en œuvre des nouveaux documents obligatoires – les fameux « outils de la loi 2002-2 » – ou encore d’évaluation interne et externe, n’ont pas été pris en compte de manière satisfaisante par les financeurs et ont donc été supportés sur fonds propres et sans contrepartie.

Enfin, alors que les budgets alloués ne suffisent plus à couvrir l’intégralité des dépenses opposables – comme par exemple la progression de la masse salariale résultant de la simple application des accords collectifs de travail agréés – il serait légitime de consacrer la reconnaissance de l’existence d’un droit de propriété des organismes gestionnaires sur les excédents non affectés à l’échéance du délai de reprise de deux ans.

Une question laissée sans réponse

En considération de ces arguments, une question écrite a été adressée l’année dernière à la ministre des affaires sociales et de la santé (question écrite n° 17706 du 3 septembre 2015 du sénateur François Commeinhes). Il a ainsi été demandé à l’autorité réglementaire de prendre, par voie de circulaire, toutes dispositions pour reconnaître et faire reconnaître, par les services déconcentrés de l’État, les agences régionales de santé (ARS), les experts-comptables et les agents comptables, le droit de propriété dont doivent jouir les organismes gestionnaires des établissements et services sociaux et médico-sociaux sur les excédents de tarification qui n’ont pas été repris à temps. Ce droit de propriété se traduirait par une comptabilisation des sommes concernées en fonds propres sans droit de reprise.

Mais un an plus tard, cette question n’a pas encore reçu sa réponse, de sorte que l’honorable parlementaire a dû récemment réitérer son interrogation (question écrite n° 22955 du 28 juillet 2016). Faudra-t-il attendre une année supplémentaire pour que la réponse juridique du ministère des affaires sociales et de la santé soit enfin connue ?

OLIVIER POINSOT
Vous aimerez aussi

Nos engagements