L'essentiel des dispositions sur le passe sanitaire s'appliquant aux salariés et aux entreprises

L'essentiel des dispositions sur le passe sanitaire s'appliquant aux salariés et aux entreprises

25.07.2021

Représentants du personnel

Le Parlement a définitivement adopté dans la soirée d'hier le projet de loi sur la gestion sanitaire qui a fait l'objet d'un accord dimanche 25 juillet entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Ce texte, qui va être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, permet un notable élargissement du passe sanitaire, les salariés auxquels il s'applique risquant non plus le licenciement comme prévu par le gouvernement mais la suspension de leur contrat du travail s'ils ne sont pas en mesure de justifier un test négatif ou un certification de vaccination. Synthèse.

Finalement, les députés et les sénateurs, qui avaient voté des versions assez différentes du texte, se sont accordés dimanche 25 juillet, en commission mixte paritaire, sur la version définitive du projet de loi instaurant une obligation vaccinale et élargissant le passe sanitaire. Approuvé dans la soirée par le Sénat (195 pour, 129 contre) et l'Assemblée (156 pour, 60 contre), ce texte de compromis sera applicable dès qu'il sera promulgué, ce qui ne pourra intervenir qu'après l'examen du texte par le Conseil constitutionnel, saisi par le gouvernement lui-même. 

 A nos lecteurs ! Ce texte rédigé très rapidement après l'adoption définitive de la loi de gestion sanitaire le 25 juillet et paru le 26 juillet, reste valable, à deux exceptions près, importantes. L'employeur ne pourra plus rompre de façon anticipée le contrat d'un salarié en CDD ou en intérim au motif de l'absence de passe sanitaire. Cette disposition a en effet été écartée par le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue publique le 5 août. Le défaut de passe sanitaire entraînera donc, pour le CDD comme pour le salarié en CDI, une suspension de son contrat et de sa rémunération (lire notre article dans cette même édition). La loi relative à la gestion de la crise sanitaire, amputée de cette disposition ainsi que de celle imposant l'isolement pendant 10 jours aux personnes atteintes de Covid-19, un point également censuré par les Sages au nom des libertés, a été publiée au Journal officiel du 6 août 2021 (lire ici).

 

Etat d'urgence (art 1er )
Au vu du risque épidémique renforcé par les variants de la Covid-19, le gouvernement souhaitait que le régime actuel de sortie de l'état d'urgence sanitaire, prévu par la loi du 31 mai 2021 pour durer jusqu'au 30 septembre 2021, soit repoussé au 31 décembre 2021, afin que le Premier ministre soit autorisé plus longtemps à prendre de sévères mesures de restrictions en vue de limiter l'épidémie de Covid-19, et sur la base duquel a déjà été pris un premier décret élargissant l'obligation de présenter un passe sanitaire pour toute une série d'activités de loisirs (lire notre article). Finalement, à la demande des sénateurs, ce régime n'est prolongé que jusqu'au 15 novembre 2021 inclus. 
Par ailleurs, l'état d'urgence sanitaire est prolongé jusqu'au 30 septembre 2021 inclus dans les territoires de la Réunion et de la Martinique, et est déclaré dès le lendemain de la publication de la loi, et jusqu'au 30 septembre inclus, en Guadeloupe, à Saint-Barthélémy et Saint-Martin, et à Mayotte. 
L'autorisation d'absence pour se faire vacciner (art 17)

 

C'est nouveau : sera inscrit dans la loi le droit à une autorisation d'absence des salariés, stagiaires et agents publics "pour se rendre au rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19". Cette autorisation pourra aussi être accordée pour le salarié, stagiaire ou agent qui accompagne un mineur ou un majeur protégé pour sa vaccination. 
"Ces absences n'entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par les intéressés au titre de leur ancienneté", indique le texte. 
Jusqu'à présent, même si la ministre du Travail appelait les employeurs à accorder ces autorisations d'absence, elles n'étaient pas de droit.
L'obligation de passe sanitaire pour accéder à des services ou activités (art 1er)

 

Le texte donne la possibilité au Premier ministre de faire obligation, par décret, aux personnes d'au moins 12 ans de présenter la preuve qu'elles ne sont pas atteintes par la Covid-19 pour réaliser ou accéder à certaines activités et services. Cette preuve, appelée passe sanitaire, correspond soit à un certificat de vaccination, soit au résultat négatif d'un test, soit encore à un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la Covid-19, des preuves qu'il est possible d'apporter sous forme papier ou numérique. Comme cette possibilité est donnée au Premier ministre à partir du 2 juin et jusqu'au 15 novembre 2021, cela signifie qu'elle engloble, en le régularisant en quelque sorte, le récent décret qui a abaissé cette obligation de présentation du passe dès 50 personnes.

Est visé par cette obligation l'accès :

  • aux activités de loisirs;
  • activités de restauration ou débits de boisson, sauf restauration collective, vente à emporter de plats préparés et restauration professionnelle routière;
  • aux services, établissements de santé, sociaux et médico-sociaux "pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies";
  • aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, sauf en cas d'urgence;
  • aux foires, séminaires et salons professionnels;
  • aux transports publics de longue distance en France (sauf en cas d'urgence);
  • certains grands magasins et certains centres commerciaux, mais seulement si le préfet le décide.

A noter que, contrairement au texte initial, les centres commerciaux n'étaient plus visés par cette obligation dans le texte de compromis entre le Sénat et l'Assemblée. Mais, coup de théâtre de dernière minute, le gouvernement a fait voter in extremis hier soir un amendement au texte de la commission mixte paritaire, accepté du bout des lèvres par le rapporteur, le sénateur Philippe Bas, qui a remarqué que cette procédure n'avait pas été employée "depuis des décennies". 
L'amendement adopté permettra aux préfets, au vu de "la gravité des risques de contamination", d'imposer le passe sanitaire pour accéder à des grands magasins et grands centres commerciaux, l'accès aux biens et services de première nécessité devant être garantis à tous. Un décret devra préciser les seuils et conditions de cette disposition. 

Le non-respect de cette obligation est passible des sanctions prévues à l'art. 3136-1 du code de la santé publique.

► Cette exigence de passe sanitaire s'applique au public dès le lendemain de la promulgation de la loi, mais "seulement" à compter du 30 août pour les salariés de ces établissements, comme on va le voir ci-dessous, et seulement à compter du 30 septembre pour les mineurs de plus de 12 ans. L'application de cette réglementation, précise le texte, ne dispense pas l'entreprise "de la mise en oeuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus si la nature des activités le permet". 

 

L'obligation de passe sanitaire pour les salariés et ses conséquences sur le contrat de travail  (art 1er)

 

L'obligation de présenter un passe sanitaire pèsera donc à partir du 30 août sur les salariés des établissements soumis à cette disposition. Ce défaut de passe sanitaire pourra ne pas avoir de conséquence si le salarié, "en accord avec son employeur", mobilise des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés le temps de procéder à sa vaccination ou à un test négatif (même si l'on voit mal des salariés faire très régulièrement des test de non positivité pour continuer à travailler). 

Mais si l'employeur le refuse, ou si le salarié ne l'envisage ou ne le peut pas, l'entreprise pourra alors suspendre le jour même son contrat de travail, en le lui notifiant par tout moyen. "Cette suspension, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis", indique le texte.

Si cette situation se prolonge au-delà d'une durée équivalente à 3 jours travaillés, l'employeur convoque le salarié à un entretien afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser la situation, par exemple en affectant le salarié à un autre poste de l'entreprise non soumis à l'obligation de passe. 

En revanche, l'employeur ne peut plus licencier le salarié pour défaut de passe sanitaire. Le gouvernement et l'Assemblée soutenaient cette possibilité, qui a fait vivement réagir vendredi, après la CGT et Solidaires, FO et la CFE-CGC, mais le Sénat a jugé que cette possibilité de licenciement serait excessive.

Pour les salariés en CDD ou en mission d'intérim se trouvant dans la même situation de défaut de passe sanitaire, l'employeur pourra rompre le contrat avant l'échéance prévu, sans que les dommages et intérêts soient dus au salarié, ce dernier percevant toutefois l'indemnité de fin de contrat ou de mission (diminuée de la période de suspension), cela en dérogation de l'art. L.1243-1 du code du travail.  S'il s'agit d'un salarié protégé, l'employeur devra obtenir au préalable l'accord de l'inspection du travail. 

 

► De la même façon, les agents publics soumis à une obligation de passe sanitaire s'exposent au risque d'une suspension de leur contrat de travail, l'employeur pouvant là aussi convoquer l'agent pour examiner avec lui les possibilités d'affectation temporaire sur un autre poste. La suspension du contrat s'accompagne de l'arrêt du versement du salaire.

 

L'obligation pesant sur l'employeur et la sanction éventuelle (art 1er et 16)

 

L'exploitant d'un service de transport qui doit contrôler le passe sanitaire s'expose, en cas de manquement, à une contravention qui peut aller, dans le cas d'une violation verbalisée à trois reprises durant une période de 30 jours, jusqu'à 9 000€ d'amende et un an d'emprisonnement.

L'exploitant d'un établissement ou le responsable d'un événement ne contrôlant pas la détention par le public du passe sanitaire ne fera pas tout de suite l'objet d'une amende voire d'une peine de prison en cas de récidive, mais d'une mise en demeure par l'administration, comme le souhaitait le rapporteur du Sénat, Philippe Bas. S'il ne se conforme pas à ses obligations de contrôle avant un délai de 24 heures ouvrées voire moins, l'administration pourra ordonner la fermeture administrative du lieu, de l'établissement ou de l'événement, pour une durée de 7 jours maximum.

Cette mesure sera levée si l'exploitant ou le responsable apporte la preuve de sa mise en conformité. Là aussi, en cas de récidive (3 fois durant 45 jours), il risque un an de prison et 9 000€ d'amende. 

Pour l'obligation vaccinale, l'employeur qui néglige de la vérifier chez son personnel est puni d'une amende pour les contraventions de 5e classe (1 500€), mais la sanction, en cas de récidive (3 verbalisations en 30 jours) pourra atteindre 9 000€ et un an d'emprisonnement. 

 

L'information et la consultation du CSE sur les dispositifs de contrôle (art 15)  

 

Selon cet article 15, les entreprises et établissements d'au moins 50 salariés qui doivent mettre en place des mesures de contrôle du passe sanitaire ou de l'obligation vaccinale pourront consulter a posteriori, c'est-à-dire après la décision de l'employeur de mettre en place ces contrôles, leur comité social et économique. Le CSE pourra être consulté et rendre un avis "au plus tard dans un délai d'un mois à compter de la communication par l'employeur des informations" sur ces mesures. 

Le gouvernement a expliqué, dans son exposé des motifs de l'amendement, que ces mesures de contrôle doivent faire l'objet d'une consultation du CSE dans la mesure où elles ont un impact sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise. Mais du fait de l'obligation pesant sur l'employeur de procéder à ces contrôles dès le lendemain de la publication de la loi, les modalités de consultation doivent être aménagées pour que l'entreprise puisse agir sans tarder. 

Cette obligation de contrôle, "soit du résultat d'un examen de dépistage virologique, soit d'un justificatif de statut vaccinal, soit d'un certificat de rétablissement à la suite c'une contamination par la covid-19", vise, selon l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 (plus exactement, le 2e du A du II de l'art 1er) cité par l'amendement, "l'accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels à la présentation". En vertu de cette loi du 31 mai 2021, un décret a déjà été pris par le gouvernement qui élargit cette obligation de contrôle aux rassemblements de loisirs d'au moins 50 personnes. Cela inclut un grand nombre d'établissements (lire la liste dans notre article).

L'amendement vise aussi le I de l'article 5 de la loi tout juste adoptée, qui concerne tous les personnels devant être vaccinés : établissements de santé, centres médicaux, services de prévention et de santé au travail et services interentreprises, établissements et services sociaux et médico-sociaux, les sapeurs-pompiers, etc.

Vaccination obligatoire (art 12, 13 et 14)
Le projet de loi rend la vaccination obligatoire (sauf contre-indication médicale) pour les personnels des :
  • services de prévention et de santé au travail;
  • services de prévention et de santé au travail interentreprises;
  • établissements et services sociaux et médico-sociaux;
  • établissements de santé, hôpitaux des armées;
  • centres de santé, maisons de santé;
  • centres et équipes mobiles de soins;
  • centres de lutte contre la tuberculose;
  • centres gratuits d'information et de dépistage;
  • résidences-services pour personnes âgées ou handicapées,

sans oublier les psychologues, psychothérapeuthes, ostéopathes et chiropracteurs, les professionnels employés par un particulier employeur (dans une situation de perte d'autonomie ou de handicap), les sapeurs-pompiers, les prestataires de service et distributeurs de matériel médical (art. L. 5232-3 du code de la santé publique), les personnes exerçant l'activité de tranport sanitaire, etc.

Le texte évoque un décret devant définir les conditions de vaccination de ces personnels "et le nombre de doses requises" ainsi que "les conditions d'acceptation de justificatifs de vaccination établis par les organismes étrangers".

Ceux de ces personnels qui ne peuvent présenter un certification de vaccination (ou un certificat de rétablissement) à partir du 15 septembre 2021 risquent la même sanction que les salariés soumis à l'obligation de passe sanitaire : une suspension de leur contrat de travail et donc l'arrêt de leur rémunération, suspension qui prend fin dès que le salarié remplit ses obligations. Si le salarié ne peut exercer son activité depuis plus de 30 jours, son contrat n'est plus rompu comme dans le texte initial, mais son employeur ou l'agence régionale de santé informe de cette situation le conseil national de l'ordre dont il relève. Le texte prévoit toutefois par dérogation que les personnes justifiant d'avoir reçu une dose de vaccin peuvent, à compter du 15 septembre et jusqu'au 15 octobre 2021, continuer à exercer.

Précision : pour les CDD, lorsque le contrat à durée déterminée d’un salarié est suspendu, il prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension.  

► A noter qu'un mineur pourra se faire vacciner à partir de 16 ans avec son seul consentement.

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L'isolement des personnes positives (art. 9)
Jusqu'au 15 novembre 2021, les personnes positives à un test Covid-19 devront se place à l'isolement pendant 10 jours (durée non renouvelable), à compter de la date du test, "dans le lieu d'hébergement qu'elles déterminent", sauf si le préfet choisit un autre lieu. Cet isolement cessera avant les 10 jours si la personne présente un test négatif. 
Cet isolement se traduit, sauf cas d'urgence, par une plage horaire de sortie limitée entre 10h et 12h, sachant qu'une personne pourra saisir le juge des libertés et de la détention pour contester cette mesure. Cet isolement peut faire l'objet d'un contrôle d'agents de la CPAM, sauf entre 10h et 12h. La personne rompant son isolement risque jusqu'à 3 750€ d'amende et 6 mois de prison en cas de 3 violations.

► Le texte prévoit enfin, dans son article 11, la remise, jusqu'au 31 octobre 2021, par le gouvernement au Parlement d'une évaluation hebdomadaire de l'impact économique de l'extension du passe sanitaire , "en intégrant notamment une évaluation de la perte d'affaires liée à l'application de ces dispositions", ainsi qu'une évaluation des résultats dans la lutte contre l'épidémie. Certains sénateurs souhaitent en effet que l'Etat puisse indemniser les entreprises dont l'activité serait affectée par le passe sanitaire. 

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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