Le dernier rapport de la confédération syndicale internationale (CSI) sur le respect des droits des travailleurs et des syndicats n'est guère réjouissant. Dans deux-tiers des pays, il n'y a pas de droit de grève, des pays proches de nous comme la Turquie réprimant les mouvements sociaux. Et même dans les Etats de droit, la CSI pointe des violations de droits "sporadiques", comme en France.
La déclaration de Manuel Valls, hier matin sur France Inter, appelant la CGT à ne plus organiser de manifestations contre le projet de loi Travail compte-tenu des violences des casseurs, a fait bondir la confédération syndicale. La CGT a réagi en citant le rapport annuel de la Confédération syndicale internationale (CSI) : "Au Royaume-Uni et en France, les organisations syndicales se battent contre des changements législatifs régressifs", peut-on lire en introduction de ce document paru le 9 juin (*). "Ce rapport tombe à point nommé pour pointer l'attitude du gouvernement et sa responsabilité dans le climat délétère actuellement entretenu en France, estime la CGT.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Que dit ce rapport qui, tous les ans depuis 30 ans, tente de recueillir "des données sur les violations de la liberté syndicale et du droit de négociation collective" dans le monde ? Il dresse tout d'abord un constant inquiétant de la situation des droits syndicaux et des droits des salariés dans le monde :
- dans deux tiers des pays du monde, les travailleurs ne bénéficient pas du droit de grève;
- plus de la moitié des pays privent tout ou partie des salariés de la négociation collective;
- le nombre des pays où les travailleurs font l'objet de menaces et de violence physique est passé de 36 à 52, soit une progression de 44% en un an;
- des syndicalistes ont été assassinés dans au moins 11 pays (Chili, Colombie, Egypte, Iran, Turquie, etc.).
Dix pays (Chine, Iran, Inde, Qatar, etc.) sont particulièrement montrés du doigt par la CSI, comme le montre cette infographie ci-dessous.
Dans cette liste figure la Turquie, pays avec lequel l'Union européenne a passé un accord pour refouler les réfugiés : "La Turquie cible les fonctionnaires engagés dans des activités syndicales légitimes et pacifiques, dénonce la CSI. Au moins 1 390 d'entre eux font l'objet d'enquêtes. Le gouvernement turc est également devenu synonyme d'atteintes à la liberté d'expression, suite à l'expulsion de dix journalistes étrangers depuis octobre dernier, et les journalistes turcs sont victimes d'une dure répression".

Les droits des salariés des entreprises privées ne sont pas davantage garantis en Turquie : "À la fin du mois de février 2016, de violents affrontements ont eu lieu entre la police et des travailleurs renvoyés qui manifestaient pacifiquement pour récupérer leur emploi et pour défendre le droit de s’organiser dans l’usine automobile Oyak de Renault, dans la ville de Bursa. Plus de 60 personnes ont perdu leur emploi et 54 autres ont été priées de quitter l’entreprise moyennant des indemnités de départ lorsqu’elles ont exigé le droit d’élire leurs représentants".
L'Europe n'est pas épargnée par les critiques. Le constat du rapport sur le fait que les gouvernements "se servent de la menace du terrorisme pour mettre en avant des programmes de sécurité qui affaiblissent les droits à la liberté d'expression et de réunion" peut aussi s'appliquer en Europe.
La France, comme l'Allemagne, l'Italie, la Suède, la Norvège ou la Slovaquie, est ainsi classée par la CSI parmi les pays où existent "des violations des droits sporadiques". Notre pays, où la question de la conciliation entre l'état d'urgence et le droit de manifester a fait débat dès janvier 2016 (voir notre article et notre vidéo), a droit a une page de faits commentés qui se sont produits en 2015. Ils concernent :
- le recours illégal à des intérimaires lors d'une grève à la Poste de Risevaltes et la mise à pied d'un délégué syndical CGT envoyé par son syndicat pour s'opposer à ce recours;
- la reconnaissance par la justice de discriminations syndicales à la SNCF (notre article), à Air Liquide et à l'AFP. Pour la CSI, cette dernière affaire, qui concerne le cas d'un journaliste se voyant refuser toute promotion du fait de son appartenance à un syndicat, illustre "une tendance lourde en France : les délégués syndicaux sont moins promus que leurs collègues de travail et sont paysés en moyenne 10% de moins que les collègues qu'ils représentent à caractéristiques égales";
- le droit de grève bafoué chez Sodexo et ID Logistics.
A Marseille, Sodexo a mis à pied 23 chauffeurs livreurs en grève, au motif "d'abandon de poste et de faute lourde". A Lisses (Essonne), ID Logistics a bénéficé de l'appui des forces de l'ordre pour "casser un piquet de grève organisé par l'intersyndicale CFDT, CGT, FO et CFTC" qui protestait contre "la détérioration d'un système de primes", l'employeur engageant ensuite une procédure de licenciement contre 35 grévistes, parmi lesquels 11 délégués syndicaux.
(*) La CSI regroupe 332 organisations syndicales présentes dans 162 pays, soit 180 millions d'adhérents. Elle bénéficie d'un statut consultatif général auprès du conseil économique et social des Nations unies.
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