Lille réussit à mobiliser plus de 2 000 travailleurs sociaux

Lille réussit à mobiliser plus de 2 000 travailleurs sociaux

14.12.2018

Action sociale

Le 11 décembre restera une date importante dans les mobilisations de professionnels du social et du médico-social. Ce jour-là, au moins 2 000 personnes ont manifesté dans les rues de Lille pour dénoncer à la fois les choix faits par le conseil départemental du Nord et la situation plus globale dans la protection de l'enfance, l'hébergement, la prévention, etc. Reportage.

"Jean-René Lecerf, président de la galère, on vient te chercher chez toi." Lors de cette manifestation du 11 décembre, les oreilles du président (divers droite) du conseil départemental ont dû siffler. Pendant deux heures sous le soleil, tout au long du périple dans les rues de Lille, les slogans chantés ou proclamés se sont enchaînés, prenant pour cible, tantôt la politique jugée anti-sociale du plus grand département de France, tantôt la dégradation au niveau national des conditions de travail des salariés dans des champs aussi variés que la protection de l'enfance, l'aide à domicile, l'hébergement, la prévention spécialisée, etc.

 

 

En effet, la provenance des manifestants - ils étaient au moins deux mille - était composite. Les gros bataillons étaient fournis par les travailleurs sociaux du Nord. Comme on l'a raconté ici, ceux-ci sont en bagarre avec la nouvelle politique de protection de l'enfance du département, notamment la suppression de 700 places essentiellement dans des Mecs. Dans les rangs de manifestants, on raconte cette histoire d'un enfant vivant dans une famille alcoolique et incestueuse qui a dû y être maintenu faute de place dans une institution. D'ailleurs, les magistrats ne s'y sont pas trompés venus en délégation à la manif sous la bannière du syndicat de la magistrature. "Des services se ferment, des moyens font défaut. Il y a une dégradation dans l'exécution de nos décisions", nous déclare l'un d'entre eux.

Alerte sociale enfance

Venue de la région de Valencienne, Rebecca, une couverture de survie sur les épaules et tenant un panneau "Pas de low-cost pour les salariés" dénonce une situation très difficile. "Dans la Mecs où je travaille, nous devons faire plus avec de moins en moins de personnel. Les familles d'accueil que le département veut mettre en place ne sont souvent pas adaptées à la réalité des gamins." Elle, comme son petite cercle de collègues, se déclare en sympathie avec le mouvement des Gilets jaunes. Ici, on décline autrement le sigle ASE : "Alerte sociale enfance".

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L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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"Cela finira par péter"

A quelques encablures de là, une banderole tenue par des MNA : "Mineurs jetés à la rue, ça suffit !" Ils sont une dizaine de jeunes dont la minorité n'a pas été reconnue, à participer à la manifestation. Dans le Nord, il n'y a pas que la protection de l'enfance à être sur la sellette. Jean-Claude est éducateur spécialisé dans l'un des deux clubs de prévention (à Lomme et Lambersart) qui doivent fermer à la fin de l'année. "Nous sommes une vingtaine de personnes qui allons dégager. Mon club de prévention a cinquante ans", déplore Jean-Claude qui ne comprend pas pourquoi Jean-René Lecerf ne les a jamais reçus "malgré sept demandes de rendez-vous." "Un jour, lâche-t-il, cela finira par péter."

Loi santé du 26 janvier 2016

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Actions symboliques
Les gros bataillons du Nord ont été complétés par des délégations plus ou moins fortes de divers territoires : région parisienne, Seine-Maritime, Vienne, Meurthe-et-Moselle, Oise, Ille-et-Vilaine... A la manoeuvre on trouve la commission de mobilisation du travail social (voir sa page Facebook), une structure de la région parisienne réunissant des militants de Sud, de la CGT et des non-syndiqués qui, depuis un an, multiplie les actions symboliques autour des dossiers difficiles du social. En 2018, ils ont notamment réalisé une occupation des locaux du groupe SOS, accusé de faire de l'argent sur le dos du social, et sont intervenus aux journées de la prévention spécialisée à Nantes. Antoine (prénom changé) est l'un de ses animateurs. Educateur spécialisé dans l'Essonne, il dénonce les deux appels à projet qui ont été lancés par le département sur deux territoires. "Le travail d'implantation des associations est à refaire." Plus globalement, il constate que le financement du département se réduit alors que celui des communes reste stable. "Résultat, nous devons arbitrer entre les postes de salariés et les activités comme les sorties".
Travail de contrôle social

Mathilde, elle, est éducatrice en pédopsychiatrie dans un établissement des Hauts-de-Seine. Elle parle de démantèlement du service public en citant les nombreuses fermetures de postes dans l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP). Elle participe activement à la commission de mobilisation du travail social avec "la volonté de rassembler les professionnels pour mettre en commun les problèmes". De son côté, Elena qui travaille dans un centre d'hébergement de stabilisation à Paris, dénonce "la transformation de notre mission avec de plus en plus du travail de contrôle social". Elle a commencé à se mobiliser quand elle était étudiante à Montrouge sur la gratification. Elle considère qu'en tant qu'éducatrice, elle doit "être engagée". "Si je ne me mobilise pas, je ne ferai qu'éponger la précarité".

L'oeil rivé sur le budget

Plus âgé que les trois manifestants précédents, Pierre travaille à la Dases de Paris sur une mission de protection de l'enfance. Dans son service, il constate que cinq postes sont vacants. Il regrette que l'obligation qui leur est faite de contrôler les familles leur fasse perdre une proximité qu'ils avaient avec celles-ci. Il dénonce par ailleurs un management de plus en plus vertical. "On n'associe par les travailleurs sociaux aux décisions. Arrivent dans les services de purs administratifs qui ont l'oeil rivé sur le budget".

Dans la manif, au milieu des couvertures de survie et des airs de fanfare, on pouvait lire une pancarte : "L'enfance n'est pas une dépense. Elle est notre richesse de demain". Reste à le faire comprendre aux responsables qui pensent que le social "coûte un pognon de dingue".    

      

Noël Bouttier
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