Pour sa première rencontre avec les journalistes sociaux comme ministre, Emmanuelle Cosse a défendu des positions fortes aussi bien pour la mixité sociale dans le logement que pour l'accueil des réfugiés. Elle a exprimé ses réserves sur la proposition de la ville de Paris de créer un centre d'accueil et de transit, préférant une répartition sur tout le territoire.
Pour cette rencontre avec les journalistes de l'information sociale (Ajis) ce 7 juin, la ministre du logement et de l'habitat durable ne manquait pas d'actualité : le projet de loi Egalité et citoyenneté dont l'examen commence en commission à l'Assemblée nationale et l'accueil des réfugiés avec cette succession d'évacuations de campements (la dernière ayant eu lieu la veille près du parc d'Eole à Paris avec plus d'un millier de personnes mises à l'abri). Sur ces deux dossiers sensibles, Emmanuelle Cosse est apparue déterminée à agir, tout en refusant tout dogmatisme.
Plus de transparence dans les attributions de logements
La loi Egalité et citoyenneté se veut une réponse aux attentats de janvier 2015. "Des gens ne se reconnaissaient pas dans Charlie et les dispositions logement que contient ce texte visent justement à renforcer l'égalité et la citoyenneté sur les territoires", a expliqué l'ancienne "patronne" d'EELV. Divers points de ce projet de loi concernent directement le logement. Celui-ci veut ainsi obliger les bailleurs à réserver un quart de leurs attributions aux 25 % de demandeurs de logement les plus pauvres, et ce en dehors des territoires en politique de la ville. "Aujourd'hui, la moyenne des attributions se situe à 19 %, mais en Ile-de-France, nous ne sommes qu'à 11 %", détaille celle qui fut en charge du logement dans l'ancienne majorité de gauche de la région francilienne. De telles orientations vont nécessiter beaucoup de transparence, insiste la ministre qui ajoute : "Sur le principe, tout le monde est d'accord, mais dans les faits, personne ne l'est."
La loi SRU encore et toujours
D'autre part, le futur texte législatif entend faire appliquer de manière encore plus stricte la loi de solidarité et de renouvellement urbain (SRU) qui remonte à... 2000. Déjà en 2013, la loi avait été durcie avec un objectif de logements sociaux dans la commune passant de 20 à 25 % et des sanctions alourdies. Emmanuelle Cosse perçoit des évolutions chez les communes en infraction du fait d'une "note salée". Certaines signent avec l'Etat des contrats de mixité sociale pour se mettre en règle. "700 000 logements sociaux pourraient être construits d'ici 2025" si la loi était enfin appliquée par tous, a-t-elle souligné. En attendant, l'Etat ne reste pas inactif.
L'Etat reprend la main
La ministre a expliqué que vingt permis de construire ont été déposés directement par les préfets se substituant aux maires défaillants. "Certains d'ailleurs ne sont pas mécontents que l'on reprenne les choses en main", glisse la ministre en parlant d'une commune dans le Rhône. "La loi Egalité et citoyenneté devrait encore renforcer les pouvoirs des représentants de l'Etat pour se substituer à des autorités locales défaillantes.
Emmanuelle Cosse a également annoncé que l'Etat va reprendre la main sur le contingent préfectoral en matière d'attribution de logements. Cette enveloppe de 30 % a souvent été sous-traitée aux communes. Résultat selon la ministre : les publics prioritaires, et notamment les personnes reconnues par le Dalo, sont souvent oubliés. Lors de ses rencontres avec les maires, la ministre du logement s'est exclamée plus d'une fois : "Vous n'avez pas à choisir vos pauvres !"
Dans un autre ordre d'idée - et sans rapport avec la loi Egalité et citoyenneté -, E. Cosse a annoncé que la garantie universelle pour les jeunes salariés ("Visale") pourrait être ouverte aux jeunes travailleurs indépendants et aux jeunes en service civique. Une campagne d'information doit être lancée pour la faire connaître auprès des apprentis, notamment.
Changement de cap sur l'hébergement
Autre dossier de taille abordé lors de cette rencontre avec les journalistes : la mission d'hébergement, plus spécifiquement en direction des réfugiés. La ministre a vanté le "changement de cap" depuis 2012, avec la fin de la "gestion au thermomètre" (une affirmation contestée par les associations) et l'existence de 130 000 places pérennes. Elle a, d'autre part, réfuté toute concurrence entre les publics sans domicile "traditionnels" et les réfugiés. Les financements sont sanctuarisés de part et d'autre. Emmanuelle Cosse s'est félicitée de la réduction du recours aux solutions hôtelières et s'est déclarée attentive à la montée en puissance des femmes seules avec enfants parmi les populations faisant appel au 115.
Il y a réfugiés et réfugiés...
Sur le volet des réfugiés, deux situations doivent être distinguées. D'une part, dans le cadre de la politique européenne, la France accueille des familles syriennes qui viennent directement de Grèce ou du Liban et qui sont accueillies par des communes volontaires. "Environ 900 personnes arrivent chaque mois qui nécessitent un vrai accompagnement, y compris sanitaire", précise la ministre. Plus compliquée est la situation de ces milliers de migrants qui arrivent par leurs propres moyens dans notre pays. Des camps se sont constitués à Calais, Grande-Synthe et bien sûr à Paris où les regroupements sauvages se sont multipliés, entraînant des évacuations successives avec des mises à l'abri dont auraient bénéficié 10 000 personnes.
Un camp humanitaire à Paris ? Bof !
Que faut-il faire face à cette situation qui devrait perdurer dans les mois à venir ? La maire de Paris vient de proposer la création d'un camp humanitaire aux contours encore flous. Qu'en pense le gouvernement ? Tout en ne fermant pas la porte et en faisant montre de diplomatie ("nous sommes en discussion avec les services de la ville"), la ministre du logement n'a pas caché son faible enthousiasme. "Je suis sceptique sur cette idée de fixer les réfugiés à Paris alors qu'il vaudrait mieux créer des capacités d'accueil dans toutes les grandes villes."
Le CAO, ça commence à marcher !
Emmanuelle Cosse défend le système des centres d'accueil et d'orientation (CAO) mis en place pour désengorger l'un des camps de Calais et dont l'improvisation a été fortement critiquée par les associations. Pour la ministre, cette organisation commence à porter ses fruits puisque 80 % des 3 700 réfugiés qui ont transité par les CAO auraient déjà fait une demande de statut de réfugié, ce qui ouvre la possibilité d'un travail d'accompagnement social. La ministre a indiqué que ces personnes accueillies dans la centaine de centres répartis dans toute la France ont des grands besoins, notamment en suivi psychiatrique.
Bientôt un second plan pour les migrants
Un second plan pour les migrants devrait être annoncé dans les prochaines semaines et devrait mobiliser davantage de ministères (actuellement, le dossier est surtout géré par l'intérieur et le logement). Mais Emmanuelle Cosse n'a pas voulu en dire plus, ni indiquer si l'Etat ira au-delà de l'enveloppe de 100 à 150 millions d'euros qui a été mise sur la table pour accueillir les migrants.