Loi Travail : le ministère défend un texte "cohérent et équilibré"

Loi Travail : le ministère défend un texte "cohérent et équilibré"

22.02.2016

Représentants du personnel

Après les critiques syndicales, le ministère défend l'équilibre et la cohérence de son avant projet de loi Travail. La redéfinition du licenciement économique tient compte de la jurisprudence, soutient le gouvernement, qui insiste sur sa volonté de renforcer la négociation collective et le rôle syndical. Les accords emploi "offensifs" pourront être validés par référendum.

Après les critiques émises par les syndicats (voir ci-dessous notre encadré), l’entourage de la ministre du Travail souligne la cohérence du projet de loi Travail avec les précédentes lois du quinquennat de François Hollande (voir en pièce jointe l'exposé des motifs). Comme la loi de sécurisation de l’emploi de 2013 l’a fait pour les PSE, désormais négociés, et comme la loi Rebsamen de 2015 l'a fait pour les instances représentatives du personnel (avec un regroupement possible par accord), la loi Travail va élargir le champ de la négociation collective, le but étant de permettre aux syndicats et aux directions de fixer des règles les plus adaptées à l’entreprise.

Dans le même temps, les droits individuels sont censés être renforcés par les dernières évolutions (comme la généralisation de la complémentaire santé et le compte personnel de formation) et par le chantier du compte personnel d'activité, présenté comme la future "protection des actifs" (*). Quant aux dispositions supplétives (c'est à dire plancher) de la loi Travail qui s’appliqueront aux salariés à défaut d’accord, notamment pour le temps de travail et le congé, elles resteront inchangées pour les salariés, promet-on au cabinet de la ministre. Reste que l’élargissement du champ de la négociation prévu par le projet de loi ouvre la voie à des remises en cause des situations actuelles des salariés, sans parler de l’application du forfait jours sans accord pour les PME de moins de 50 salariés (voir à ce sujet notre article).

Le référendum pourra valider un accord emploi "offensif"

Ainsi, les accords offensifs en matière d’emploi, qui permettront un ajustement du temps de travail et des rémunérations des salariés (mais sans baisse mensuelle du salaire) au nom de l’emploi, même sans difficultés économiques, pourront être validés par référendum auprès des salariés, si des syndicats signataires représentant 30% de voix le demandent.

Le ministère défend également la réécriture envisagée du licenciement économique : "Nous avons tenu compte de la jurisprudence de la Cour de cassation pour la définition des critères objectifs attestant des difficultés d’une entreprise". Mais le curseur n'est-il placé trop bas ? "Quatre trimestres de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, c’est déjà long pour une PME", observe-t-on au ministère du Travail.

Les syndicats et l'intranet de l'entreprise

C’est dire si la prise en compte des PME voire des TPE traverse tout le projet de loi, les plafonds d'indemnités pour les prud'hommes étant par exemple inférieurs aux dispositions censurées du projet de loi Macron (**). L’idée est de permettre davantage de souplesse par la négociation, "car les grands groupes, eux, arriveront toujours à s’adapter quel que soit le cadre". C’est ainsi au nom de la diversité des entreprises que le projet n’imposera pas de permettre aux syndicats de s’adresser par mail aux salariés, cette possibilité devant être négociée par accord "pour permettre une réponse appropriée au cas par cas". Le gouvernement accède en revanche à une autre suggestion du Conseil du numérique concernant l’accès des syndicats à l’intranet de l’entreprise : ce sera possible même sans accord.

"Les syndicats ne sont pas des ennemis des entreprises"

Le ministère du Travail tient cependant à mettre les points sur les i concernant le rôle des syndicats.La semaine dernière, la CGPME a en effet déploré de devoir passer par la négociation avec les syndicats pour profiter "de nombreuses avancées potentielles" contenues dans le texte et déploré que le référendum ne puisse être utilisé à l'initiative de l'entreprise. "Il faut arrêter de considérer les syndicats comme des ennemis de l’entreprise, la présence de syndicats est au contraire un atout dans la performance économique", insiste-t-on au ministère du Travail.

Le ministère souligne que le projet de loi reprend des propositions du rapport Combrexelle sur les accords type de branche destinés aux TPE et PME (modèles à partir desquels l'entreprise pourra aménager quelques dispositions) et étend à tous les sujets la possibilité, pour les salariés mandatés par des syndicats (en l’absence de délégués syndicaux ou de volonté de négocier de la part des élus du personnel), de négocier des accords collectifs, l'article L2232-24 étant révisé par l'article 10 de l'avant projet de loi.

Un pari risqué

Reste que le pari de ce chantier (davantage de flexibilité devant permettre, selon Pierre Gattaz, d'en finir avec "la peur d'embaucher" et donc de relancer l'emploi) paraît très audacieux, un an avant la présidentielle de 2017. Le contenu du projet risque en effet de mettre à mal la cohérence de la majorité parlementaire, le gouvernement ayant d'ailleurs déjà évoqué un possible recours au 49.3, une procédure qui permet de raccourcir les débats parlementaires et de faire adopter un projet de loi sans vote. Quant aux conséquences possibles, en matière d'emploi ou de conditions de travail des salariés, des dispositions prévues par la loi Emploi, l'incertitude est grande. Pour vérifier sur quels espoirs se base le gouvernement, il faudra lire l'étude d'impact du projet de loi. Elle n'est pour l'heure pas terminée.

(*) La position commune des partenaires sociaux, sur laquelle se fonde le gouvernement pour écrire les contours du compte personnel d'activité dans son projet Travail afin qu'il entre en vigueur en 2017, paraît fragilisée. Si FO, CFE-CGC et CFDT ont dit vouloir signer cette position commune, la CGT la refusera. La CFTC a pour sa part conditionné sa signature à l'acceptation du patronat, hors l'UPA a dit non, peut être imité bientôt par la CGPME, le Medef n'ayant pas encore pris position.

(**) Les plafonds d'indemnités envisagés vont de 3 à 15 mois selon l'ancienneté du salarié (notre article). Dans le barème censuré du projet de loi Macron, ces plafonds allaient de 3 à 12 mois pour les entreprises de moins de 20 salariés, de 4 à 20 mois de 20 à 299 salariés et de 4 à 27 mois à partir de 300 salariés (notre article).

 

Réactions syndicales : le gouvernement "cède aux idées les plus farfelues du patronat"

"Tout benef pour le Medef" : le titre du communiqué de la CGT concernant le texte de la loi Travail donne le ton des critiques syndicales contre l'avant projet de loi du gouvernement. La CGT fustige l'ensemble du projet, depuis "le plafonnement des indemnités prud'homales dues en cas de licenciement abusif à des niveaux particulièrement bas" jusqu'à "la modification forcée du contrat de travail en cas d'accord d'entreprise portant sur l'emploi" en passant par "la mise en oeuvre du référendum d'entreprise". Sur ce dernier point, seule la CFDT approuve le recours au référendum pour valider un accord signé par des syndicats représentant 30% des salariés. Mais cela n'empêche pas Laurent Berger, son secrétaire général, de juger dans le Monde le projet "déséquilibré" et de condamner le barème prud'homal et la nouvelle définition du motif de licenciement économique : "On part du principe que ce qui empêcherait d'embaucher serait la peur de licencier, c'est stupide (..). Le gouvernement a cédé à la panique et aux idées de libéralisation les plus farfelues du patronat". L'Unsa juge pour sa part "extrêmement larges, voire flous" l'éventail des motifs de licenciement utilisables par les entreprises : "Le projet aggrave même la situation en dédouanant les entreprises multinationales d'une partie de leurs responsabilités". Et l'Unsa de rappeler que, "sans ignorer les conditions économiques ni les réalités des entreprises, l'objectif premier du code du travail doit être d'assurer la protection des salariés".

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
Bernard Domergue
Vous aimerez aussi