Loi Travail : les syndicats s'accordent a minima pour demander le retrait du barème prud'homal

Loi Travail : les syndicats s'accordent a minima pour demander le retrait du barème prud'homal

24.02.2016

Représentants du personnel

Réunis hier soir à la CGT, les syndicats de salariés ont tenté de définir une approche commune concernant l'avant projet de loi Travail. Il est en sorti une déclaration a minima demandant le retrait du barème prud'homal, rendez-vous étant pris pour le 3 mars prochain "afin d'approfondir les analyses". Il faut dire que les organisations ne partagent pas la même approche.

Hier soir au siège de la CGT à Montreuil, près de Paris, qui n'était d'ailleurs pas ouvert à la presse, neuf organisations syndicales, y compris étudiantes, ont répondu à l'invitation de la CGT pour débattre d'une communication et/ou d'une action commune contre l'avant projet de loi de la ministre du Travail. Cette initiative fait suite à la pétition lancée sur les réseaux sociaux par la CGT contre le texte de Myriam El Khomri, une pétition qui aurait déjà rassemblé 300 000 signatures. FO, très en verve contre le projet de loi, et la CGT, qui prépare son congrès d'avril prochain, sont, parmi les grandes confédérations, celles qui paraissaient le plus décidées à appeler les salariés à se mobiliser contre ce projet de loi, Jean-Claude Mailly ayant par exemple émis l'idée d'une grève.

Mais tous les syndicats n'ont pas la même position sur ce texte, comme on peut le voir dans notre tableau ci-dessous qui récapitule leurs réactions depuis la publication du projet. Même dans le camp dit "réformiste", favorable au principe d'une extension de la négociation collective, des divergences se font jour. La CFE-CGC et l'Unsa sont par exemple opposés au référendum pour valider un accord collectif, alors que la CFDT y est favorable, ce syndicat jugeant d'un oeil positif la nouvelle architecture du droit du travail qui confère une importance cruciale à la négociation d'entreprise alors d'autres tiennent au principe de faveur et à la primauté des branches.

Le texte demande le retrait de la barèmisation des indemnités prud'homales

C'est sans doute ces différences d'approche qui expliquent le texte a minima publié hier soir par l'intersyndicale. Un texte qui réunit CFDT, CFE-CGC, CGT, FSU, Solidaires, Unsa, Unef, UNL, FIDL, mais que FO n'a pas signé. Le communiqué constate que le projet de loi Travail, "élaboré sans réelle concertation, va profondément changer la législation du travail et comporte des risques pour les salariés et les jeunes qui aspirent à accéder à un emploi". Les syndicats demandent donc "le retrait de la barèmisation des indemnités prud'homales dues en cas de licenciement abusif et des mesures qui accroissent le pouvoir unilatéral des employeurs". Deux points qui cristallisent en effet le mécontentement de toutes les organisations, qui s'étaient déjà opposées au barème Macron.

Le gouvernement doit revoir son texte

Les syndicats disent ensuite vouloir "travailler ensemble sur la construction de droits nouveaux et sur les autres articles du projet, notamment les licenciements économiques, le forfait jours, l'organisation du travail et la santé au travail, l'apprentissage..." Ils annoncent pour terminer qu'ils se retrouveront le 3 mars prochain "afin d'approfondir leurs analyses". Ne sera-ce pas trop tard pour infléchir l'orientation du texte ? "Non, le projet de loi est officiellement présenté le 9 mars en conseil des ministres. L'unité manifestée dans l'expression de l'inquiétude suscitée par le projet doit conduire le gouvernement à revoir son texte", répond Marie-Françoise Leflon, secrétaire générale CFE-CGC.

 L'ensemble du projet est inacceptable

Visiblement un peu court pour FO qui, contrairement à la CGT ou à Solidaires, n'a pas souhaité associer son nom au communiqué intersyndical. "Il ne nous était pas possible de signer un tel texte qui demande seulement le retrait de quelques articles du projet et la modification d'autres. Pour nous, l'ensemble du projet est inacceptable, que ce soit le référendum, la réforme de la négociation collective ou ce qui est prévu sur le temps de travail. A un moment donné, il faut dire stop au mouvement de remise en cause des droits des salariés", nous précise Michèle Biaggi, de FO. La confédération ne coupe toutefois pas les ponts : elle se rendra au rendez-vous de l'intersyndicale du 3 mars.

 

 

Les différentes approches des 5 grandes confédérations syndicales
  CFDT CFTC CFE-CGC CGT FO
Appréciation générale Positive sur le renforcement de la négociation collective, mais un texte jugé "très déséquilibré entre la sécurité et la flexibilité" Plutôt positive mais avec des réserves. "Le nouvelle architecture du droit du travail simplifie indéniablement sa lecture" Négative. "Nous voyons bien toutes les nouvelles flexibilités offertes aux entreprises, mais nous ne trouvons aucune sécurité pour les salariés" Négative. "Tout bénéf pour le Medef" est le titre du communiqué du syndicat, qui a aussi publié un avant/après le projet El Khomri Négative. "Ce projet est un concentré de revendications libérales", "une vague en train de se transformer en tsunami submergeant les droit sociaux"
Barèmisation des indemnités prud'hommes Refus du principe Refus. "Pour les salariés de faible ancienneté, cette mesure qui fixe le prix du licenciement conduit à rendre le CDI plus précaire que le CDD" Refus. "Cela prive le juge de sa souveraineté à apprécier le préjudice et à l'indemniser en conséquence" Refus "du plafonnement des indemnités prud'homales dues en cas de licenciement abusif à des niveaux particulièrement bas, au détriment du principe de la réparation intégrale du préjudice, et instaurant une autorisation de licencier sans motif" Refus du principe
Nouvelle définition du licenciement économique Refus partiel. "Le périmètre d'appréciation du motif de licenciement économique ne peut être réduit à la France. Cela reviendrait à considérer les salariés français comme une variable d'ajustement de la compétitivité entre les entreprises européennes" Refus. "Les entreprises connaissent trop bien les jeux d'écriture comptable pour ne pas céder à la tentation de fabriquer du déficit, a fortiori quand ces jeux d'écritures s'inscrivent dans des relations interentreprises au sein de grands groupes multinationaux" Refus. "Les nouveaux critères sont antinomiques avec une voonté d'inverser la courbe du chômage" Refus de "l'élargissement de la définition du licenciement économique facilitant la rupture du contrat même si l'entreprise ou le groupe ne connaît pas de difficultés économiques sérieuses ou déguise des baisses d'activité" Refus. "Le gouvernement a le culot de prétendre qu'il ne fait que reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation mais c'est faux, il va bien au-delà", a dit Jean-Claude Mailly sur France Info.
Recours au référendum, sur décision syndicale, pour valider un accord signé par des syndicats représentant 30% et donc remise en question du droit d'opposition des syndicats majoritaires Appréciation positive. "Qui peut avoir peur de consulter les salariés ? Pas la CFDT" a dit Laurent Berger dans une interview au journal Les Echos             Ø Refus. "Les organisations syndicales tirent leur légitimité de l'élection" Refus de "la mise en oeuvre du référendum chantage d'entreprise pour faire accepter des accords minoritaires régressifs, en lieu et place de la consultation des salariés à partir de leurs revendications et de leurs exigences" Refus d'un "Notre Dame des Landes social". Le référendum se traduirait par "un chantage exercé sur les salariés pour les amener à accepter un recul de leurs droits sur la durée du travail et la rémunération"
Evolution vers davantage de poids donné aux accords d'entreprise et à la négociation collective Appréciation positive. Laurent Berger : "Il faut laisser plus d'espace à la négociation collective et reconnaître le fait syndical et l'accord majoritaire en entreprise (..) Il faut un système articulant un ordre social national et des négociations de branche et d'entreprise". Accord de principe mais "la branche doit demeurer un acteur fort de régulation", la CFTC ne concevant un élargissement des possibilités de négocier que s'il est réservé "à des acteurs syndiqués ou à défaut mandatés par des organisations syndicales" Refus d'aller vers davantage d'accords d'entreprise tant que la  CFE-CGC, même en réalisant plus de 30% des voix, ne peut signer seule un accord collectif Refus. "La primauté sera donné Refus. "Ce texte remet profondément en cause tant la hiérarchie des normes, c'est à dire l'organisation du droit du travail, que nombre de droits des salariés"
Temps de travail Refus de "l'extension du pouvoir unilatéral des employeurs pour le recours au forfait jours dans les TPE-PME ou pour le dépassement des horaires habituels de travail"              Ø  "Le fractionnement du repos quotidien est contradictoire avec un véritable droit à la déconnexion"

Avec la pluriannuaisation du temps de travail, "le temps de travail pourra être modulé sans aucune contrepartie salariale".

Refus "de l'élargissement des forfaits jours décidés unilatéralement par l'employeur"

"Le projet s'assoit sur la réglementation européenne et prévoit que les temps d'astreinte peuvent être décomptés des temps de repos"

Refus. Le projet "vise à s'affranchir du niveau protecteur de la branche pour permettre, par accord dans les entreprises, de majorer les premières heures de 10% au lieu de 25%. Les pressions seront fortes à chaque fois que l'entreprise pensera avoir quelques difficultés".

"La pluriannualisation du temps de travail va permettre d'adapter le temps de travail des salariés à celui de l'activité en évitant plus facilement d'avoir à rémunérer les heures sup en période de haute activité"

Compte personnel d'activité (CPA) "Le CPA doit être renforcé par l'accès pour tous au compte épargne temps"              Ø          Ø          Ø           Ø

 

Sources : communiqués syndicaux et prises de position publiques. Légende : Ø = pas d'expression publique du syndicat sur ce point

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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