Pour lancer son nouveau service itinérant d’aide aux démarches numériques, le département de Loire-Atlantique fait appel à une équipe de volontaires du service civique. Formés et coordonnés, ces jeunes sont en contact direct avec les publics fragilisés et assurent une mission de continuité du service public face aux failles laissées par la dématérialisation des administrations.
Avec la nécessité de venir en aide aux personnes fragilisées par le développement de l’e-administration, le service civique a trouvé un nouveau champ d’expression aux côtés des traditionnelles missions d’intérêt général. Antennes de CAF ou de sécurité sociale, Pôles emploi, services décentralisés de l’État, tous disposent désormais de leurs jeunes volontaires prêts à faciliter les démarches en ligne des usagers.
Avec le programme Les Connectés, développé par le département de Loire-Atlantique en partenariat avec Unis-Cité, association pionnière du service civique en France, un pas dans l’engagement vient d’être franchi. Depuis le début de cette année, 16 volontaires entre 16 à 25 ans participent au déploiement d’un « service public itinérant d’accès aux démarches numériques », allant à la rencontre des habitants en milieu rural ou dans les quartiers prioritaires de la ville de Nantes, afin d’évaluer leurs besoins et leur venir en aide.
Aller au-delà des murs de l’institution
L’idée d’un tel dispositif est née d’une volonté de conserver un service public de proximité, alors que les travailleurs sociaux du département faisaient remonter les difficultés occasionnées par la dématérialisation de l’administration auprès des habitants les plus fragiles ou les plus isolés, explique Ali Rebouh, vice-président au dialogue social et qualité du service public départemental de Loire-Atlantique. « Il était donc nécessaire de se doter d’un service innovant qui aille au-delà des murs dans l’objectif de toucher les personnes éloignées du numérique, là où elles se trouvent, centres médico-sociaux, maisons de quartier, médiathèques, mairies, centres communaux d’action sociale, voire domicile ». Le choix de recourir aux volontaires du service civique s’inscrit lui-même dans cette logique d’administration agile, assure l’élu. « Il ne s’agit pas d’utiliser des jeunes volontaires pour se substituer aux carences du service public. Il y a dans les contrats civiques ce regard neuf qui va permettre de bousculer certains codes, certaines lignes que l’on aurait du mal à franchir au sein de notre institution. »
Une palette d’actions particulièrement large
Recrutés en décembre dernier pour une durée de 8 mois, les volontaires ont reçu une formation d’intégration de 10 jours, pilotée par le département, afin de les familiariser avec leur mission ainsi qu’avec les différents partenaires institutionnels auprès de qui ils interviendront, notamment CAF, Carsat, sécurité sociale, MSA. Des modules de formation organisés par Emmaüs Connect complètent leur apprentissage sur le volet numérique et les bonnes postures d’animation.
« Les jeunes services civiques sont répartis en petites équipes dans différents centres médico-sociaux du département, en présence des travailleurs sociaux et des usagers. Dans une alternance de temps de regroupement et de temps sur le terrain, ils vont adapter leur mission en fonction des attentes des partenaires et des territoires », décrit Stéphanie Guégan, coordinatrice au sein d’Unis-Cité du programme Les Connectés, un poste financé en totalité par le département. Résultat de la méthode : une palette d’actions particulièrement large, allant de la coanimation d’ateliers collectifs jusqu’à l’aide individualisée à l’utilisation de services en ligne, en passant par la rencontre de la population pour saisir les attentes en matière d’accès au numérique. « Par exemple, certains volontaires vont venir en appui à des services déjà existants, d’autres vont proposer des permanences en réponse à une forte demande d’aide adressée aux travailleurs sociaux, quand certains autres encore vont proposer des accompagnements individualisés à domicile, notamment en milieu très rural où les gens ont du mal à se déplacer », détaille la coordinatrice. À raison de 28 heures par semaine réparties sur quatre jours, « c’est un engagement important », estime-t-elle.
Parfaire la connaissance des ressources numériques
Avec la naissance de ce nouveau service public, le département ambitionne de resserrer les liens entre travailleurs sociaux, partenaires institutionnels et acteurs de la médiation numérique. Une préfiguration effectuée au cours du premier semestre 2017, avec déjà une dizaine de volontaires du service civique, s’est accompagnée d’un début de recensement des ressources numériques disponibles sur les territoires. « On s’est rendu compte que des moyens existaient, souvent méconnus, comme des bibliothèques associatives, des maisons de quartiers, qui proposaient des accès ou des formations au numérique et qu’il convenait de rendre visible aux yeux du public », explique Sophie Bourré, chargée du développement à la direction générale territoires de Loire-Atlantique. Ce travail a débouché sur une carte interactive à l’usage des services sociaux, qui sera complétée au fur et à mesure des observations et permettra d’orienter avec précision les habitants en fonction de leurs difficultés.
Vers un dispositif pérenne
Au terme des huit mois du contrat des volontaires, une évaluation du service public itinérant d’accès aux démarches numériques permettra de tirer les premières leçons. Avec cette question : un service départemental peut-il se développer uniquement avec de jeunes volontaires ? « Pour l’heure, il s’agit d’une expérimentation, mais l’objectif est d’avoir un dispositif beaucoup plus pérenne dans le temps », reconnaît le vice-président Ali Rebouh.
L’association Unis-Cité se dit de son côté prête à déployer le concept dans son réseau national de 60 antennes mobilisant quelque 3 500 jeunes en service civique. « L’antenne de Loire-Atlantique est la seule à travailler de cette manière. Mais si la demande de soutien numérique dans le département est très forte, cette demande existe partout en réalité », assure Stéphanie Guégan.
Le numérique, une bouée pour le service civique ?
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Malgré la promesse d’une universalité du service civique, faite par François Hollande au lendemain des attentats de Charlie Hebdo, en 2015, tous les jeunes de 16 à 25 ans ne peuvent pas endosser si facilement l’habit du volontaire. En 2016, en dépit d’un objectif national de 150 000 nouvelles missions d’intérêt général, un grand nombre de demandes d’engagement sont restées sans suite… faute de demandes des associations et des administrations. D’où les espoirs fondés sur le développement de la médiation numérique, en passe de devenir le premier motif d’appel à volontaires, aux côtés des actions de solidarité et de l’écologie.
Un volontaire du service civique reçoit une indemnité de 470 € par mois, versée par l’État.
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