L'Oréal prépare un accord salarial

06.11.2022

Représentants du personnel

Syndicats et direction ont mené trois réunions de négociations sur la hausse des salaires et le partage de la valeur, dans un contexte où le fleuron français de cosmétique affiche en septembre une croissance de 12 %. Malgré une grève de la CGT sur plusieurs sites, l'accord en cours de signature contient une augmentation de 3,6 % pour tous les salariés sans condition de rémunération.

L'accord a été négocié sur le périmètre de L'Oréal SA, qui comprend cinq CSE et couvre 9 000 des 13 235 collaborateurs employés par L'Oréal en France. La CFE-CGC y est majoritaire depuis les élections de 2019 qui ont mis en œuvre la fusion des instances issue des ordonnances Macron. La version définitive de l'accord a été remise vendredi 4 novembre aux délégués syndicaux, qui ont jusqu'au 14 janvier pour le signer. Ont participé aux négociations (par ordre de représentativité) la CFE-CGC, la CGT, la CFTC et la CFDT. Les négociations auraient dû se tenir en janvier 2023, mais la direction interpellée par les syndicats a accepté de les avancer afin de tenir compte de l'inflation qui rogne le pouvoir d'achat des salariés.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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3,6 % d'augmentation et 2 000 euros de prime

La CFE-CGC tenait à ce que les primes et augmentations visent tous les collaborateurs, sans condition de revenus, à l'inverse de la prime de partage de la valeur qui prévoit une exonération fiscale et sociale si la rémunération perçue par le salarié au cours des 12 mois précédents est inférieure à trois Smic (lire notre article). "Tous les salariés ont contribué aux bons résultats de l'entreprise, c'est pourquoi nous avons insisté pour que la prime les concerne tous, sur un montant important mais qui reste équilibré", explique Catherine Olivry, déléguée syndicale centrale CFE-CGC.

En revanche, cette prime n'est pas accordée aux cadres dirigeants. Elle sera versée en deux fois, 1 000 euros fin novembre 2022 et 1 000 euros fin janvier 2023. Cette modalité a fait l'objet d'une importante négociation avec la direction, soucieuse de préserver sa trésorerie et de porter la prime sur deux années fiscales. La prime est destinée à compenser la perte de pouvoir d'achat des salariés pour l'année 2022.

 

 C'est la première fois que le versement est avancé de deux mois

Pour 2023, une augmentation générale de 3,6 % sera versée au bénéfice de chaque collaborateur, avec un talon de 120 euros, et un plafond de 65 000 euros. Le talon désigne le montant minimal perçu par les salariés aux salaires les plus modestes. La CFTC a tenu à ce que son montant soit augmenté de 20 euros par rapport à 2021 : "Si on ne négocie pas de talon, une hausse de 3,6 % sur les salaires les plus faibles aboutirait à une augmentation dérisoire", explique Jean-Florent Campion, délégué syndical CFTC. Exceptionnellement, elle sera versée à compter du 1er janvier 2023 au lieu du 1er mars. Selon Catherine Olivry, une augmentation générale est décidée chaque année chez L'Oréal. C'est en revanche la première fois que son versement est avancé de deux mois. "Le taux est à mon avis un peu bas par rapport à la course de l'inflation, aux prix de l'énergie et aux aides de l'État (*) qui vont s'arrêter. Nous avons beaucoup insisté pour obtenir une clause de revoyure fin mai-début juin".

 

 L'augmentation générale doit couvrir l'inflation

La déléguée CFE-CGC confie également avoir négocié que la prime et la hausse des salaires bénéficie à tous les collaborateurs quel que soit leur statut ou le montant de leur salaire. Elle justifie ce point au regard de la notion d'inclusivité, "une valeur que L'Oréal porte à l'extérieur, il fallait donc l'appliquer aussi à l'intérieur". Jean-Florent Campion (CFTC) craint quant à lui que l'inflation en 2023 soit trop importante et réduise déjà l'intérêt des mesures négociées : "Pour nous, l'augmentation générale, quelle que soit sa forme, doit effacer l'inflation. On risque d'avoir un 'gap' trop important à rattraper". 

Transports, congés, mutuelle : les autres mesures de pouvoir d'achat

Selon le projet d'accord, la prise en charge du "Pass Navigo" en Île-de-France doit également être augmentée de 10 points, soit passer de 50 à 60 %. Côté santé, l'accord prévoit un doublement du montant que l'entreprise verse à la mutuelle pour la prise en charge des consultations de médecine préventive (ostéopathie par exemple). 

Côté congés, un jour supplémentaire sera attribué dans le cadre du congé d'accueil de l'enfant, dont une semaine pourra être prise par anticipation avant la naissance ou l'adoption. Enfin, les salariés en congé de proche aidant bénéficieront d'un jour de plus afin d'accompagner un aidé en rendez-vous médical ou administratif. "Nous réfléchissons aussi à des avancées en faveur des seniors mais il convient d'attendre ce que va proposer le gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites. Nous avons obtenu un bilan préventif de santé pour les femmes de plus de 5O ans et trois jours de congés exceptionnels pour celles souffrant d'endométriose ou suite à une fausse couche, ce qui va nous permettre de porter prochainement des mesures spécifiques aux hommes", précise Catherine Olivry.

La direction a pour l'instant refusé une hausse de la prise en charge du restaurant d'entreprise, ainsi qu'une flotte de vélos électriques permettant de circuler entre les sites du groupe. Ces sujets restent donc en chantier jusqu'aux prochaines négociations. S'il semble très probable que la CFE-CGC signe l'accord, la CFTC hésite encore, satisfaite du talon mais déçue par le montant de la prime et le taux d'augmentation. Elle prendra sa décision d'ici deux semaines.

 

(*) La "remise carburant" fixée à 30 centimes par litre jusqu'au 15 novembre, puis 10 centimes par litre au 16 novembre doit prendre fin le 31 décembre 2022 (NDLR).

Marie-Aude Grimont
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