Lubrizol, site Seveso : la commission santé, sécurité et conditions de travail du CSE compte 6 élus pour 420 salariés

Lubrizol, site Seveso : la commission santé, sécurité et conditions de travail du CSE compte 6 élus pour 420 salariés

04.10.2019

Représentants du personnel

Les fédérations syndicales de la chimie cherchent à protéger les représentants des salariés de l'usine Lubrizol, qui ne se sont pas exprimés publiquement après l'incendie à Rouen de ce site chimique. Un établissement qui tient aujourd'hui une réunion extraordinaire de son CSE, un comité dont la commission santé, sécurité, conditions de travail compte 6 élus pour 420 salariés.

Depuis la survenue, le 26 septembre à 2h40 du matin, de l'incendie dans l'usine Lubrizol de Rouen, qui emploie 420 salariés dans la fabrication d'additifs pour l'huile et qui est un site classé "Seveso seuil haut", les représentants du personnel et les délégués syndicaux du site ne se sont guère exprimés, alors que l'émotion et les inquiétudes sont très fortes dans la population rouennaise.

Les syndicats veulent protéger leurs équipes sur place

Comment expliquer cette situation ? Joint ce jeudi soir, Francis Orosco, président de la fédération chimie, mines et énergie de la CFTC, explique que, d'un commun accord, les syndicats ont choisi de protéger les élus en filtrant les demandes de la presse de mises en relation avec la délégation du personnel : "Ils ont assez de préoccupations comme cela".

Le CSE de l'entreprise se réunit d'ailleurs ce vendredi 4 octobre en session extraordinaire pour aborder la situation. Les salariés, qui ne sont pas en chômage partiel, sont inquiets pour l'avenir d'un site qui existe depuis les années 60 et autour duquel les constructions ont prospéré, souligne Francis Orosco, dont la fédération a publié un communiqué saluant "le professionnalisme et la mobilisation des équipes internes de Lubrizol présentes au moment du sinistre notamment notre équipe CFTC du site". Le responsable fédéral attend maintenant les résultats de l'enquête sur l'origine de l'incendie.

Notre délégué syndical était sur place la nuit de l'incendie

 

"Nous sommes toujours sur le choc. Lundi matin, j'ai rencontré la section CFDT de l'entreprise pour obtenir des éclaircissements. Il faut savoir que notre délégué syndical était de nuit à ce moment-là, et c'est lui qui est intervenu le premier sur le feu, y compris sur le déplacement de certaines cuves dangereuses", a raconté pour sa part Romuald Fontaine, secrétaire général de la CFDT chimie de Normandie, dans une interview au quotidien Paris Normandie. Le responsable syndical s'étonne au passage que le plan particulier d'intervention (PPI) n'ait pas été déclenché plus tôt. .

Le sujet est très sensible, que ce soit sur le plan de la santé des salariés et de la population comme sur les conséquences de l'avenir du site, renchérit le responsable du secteur chimie d'une autre confédération syndicale, qui rapporte qu'une partie des salariés travaillent toujours sur le site, certains assurant la sécurité, quand d'autres télétravaillent. Un secrétaire général également soucieux de protéger son délégué syndical.

La pression publique a amené le préfet à changer d'attitude

 

"Heureusement qu'il y a eu une pression de la part des salariés et de la population, cela a amené le préfet de Seine-Maritime à dévoiler la liste des produits dangereux se trouvant sur le site lors de l'accident", réagit de son côté Dominique Valette, de la fédération chimie CGT. La préfecture a en effet annoncé que 5 253 tonnes de produits chimiques avaient brûlé lors de l'incendie.

L'Etat, qui a mis en place un accueil psychologique à Rouen, a également annoncé que l'entreprise avait fait appel "à un spécialiste de l'élimination des déchets industriels" pour définir la procédure d'enlèvement des fûts altérés par l'incendie (sont prévus une tente fermée de 55 m sur 25 m en dépression, des brumisateurs d'eau autour de la tente, etc.), avec le concours de l'Ineris, l'institut national de l'environnement industriel et des risques.

L'Etat a par ailleurs mis en place un numéro vert (le 0800 009 785) afin de répondre aux personnes qui s'interrogent sur les conséquences sanitaires et environnementales de l'incendie. "Nous avons environ 30 employés de Lubrizol travaillant sur le site de Rouen pour aider les pompiers et contribuer à la réalisation des tests environnementaux, au nettoyage et aux enquêtes. Ces employés ont également commencé à préparer le site pour le retour aux opérations afin de permettre aux 420 employés de Rouen de reprendre leur travail en toute sécurité et lorsque les conditions seront acceptables", a indiqué la direction de l'entreprise dans un communiqué assurant que le site, hormis l'entreposage et l'enfutage, avait été "peu endommagé".

Une commission d'enquête au Sénat

Mais ces dispositions et ces déclarations ne semblent guère rassurer la population (500 personnes ont manifesté lundi soir devant la salle du conseil de la métropole de Rouen) ni les salariés des entreprises voisines ou les agents la fonction publique, que ce soit dans l'éducation, la police ou l'équipement. Hier soir, Laurent Janvier, de FO, nous confiait l'inquiétude des agents de la direction interdépartementale des routes Nord-Ouest qui sont intervenus pour bloquer la circulation et mettre en place un périmètre de sécurité lors de l'incendie, sans protection particulière, "alors que nous demandons depuis des mois que les agents qui travaillent sur des secteurs Seveso disposent d'un tel équipement". Selon le syndicaliste, la demande de réunion du CHSCT de la direction des routes a pour l'heure été refusée par l'administration.

Selon l'AFP, une mission d'information sur l'incendie de Lubrizol va être créée à l'Assemblée nationale. Gérard Larcher, le président du Sénat, a annoncé sur LCI vouloir ouvrir une commission d'enquête, sachant que le parquet de Paris se saisit de l'enquête sur les causes de l'incendie.

 

Le CSE de Lubrizol : la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) compte 6 membres pour 500 salariés

En janvier 2019, l'usine Lubrizol, qui appartient à la holding Berkshire Hathaway de l'américain Warren Buffet, a signé avec plusieurs syndicats un accord de dialogue social sur le passage au comité social économique (CSE), voir ici Fichierle texte de l'accord.  Le CSE d'établissement de Rouen, déjà mis en place, ne comporte pas davantage d'élus que ne le prévoit le code du travail, mais il accorde un bonus de 4 heures par mois de crédit de délégation pour les secrétaire et trésorier du CSE. L'accord précise que 4 des réunions des CSE sont dédiées à la santé, sécurité et conditions de travail, ce qui est, là-aussi, une obligation légale. Quant à la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), elle compte 6 membres élus du CSE d'établissement (soit 3 de plus que le minimum légal) bénéficiant chacun de 15 heures de délégation par mois, le secrétaire adjoint au CSE en charge de la CSSCT bénéficiant pour sa part d'un bonus de 4 heures par mois. Quant aux attributions de la commission, le texte explique simplement, qu'à l'exception du recours à l'expertise et des attributions consultatives réservés au CSE, le comité lui confie toutes ses attributions relatives à la santé, sécurité et conditions de travail.

Commentaire de Francis Orosco, de la fédération chimie de la CFTC : "6 élus pour la commission santé, sécurité, conditions de travail, c'est mieux que le minimum, mais pour un site classé Seveso, on aurait pu s'attendre à un effort supplémentaire de l'entreprise. Mais c'est la problématique que nous rencontrons dans toutes les négociations sur les CSE".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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