Pour son 32e congrès à Montpellier, l’Uniopss a mis le cap sur la définition d’un projet de société pour alimenter des politiques en mal d’idées. Réflexions stratégiques, débats d’actualité, par exemple sur la laïcité, et ateliers thématiques sont au menu.
Les organisateurs de ce 32e congrès de l’Uniopss avaient de quoi se faire du sang d'encre les jours précédents. Entre les menaces d’attentats, la mobilisation sociale sur la loi travail et les restrictions budgétaires dans les associations, ils devaient se demander si ce rendez-vous qui a lieu désormais tous les deux ans serait suivi. Pas de problème : avec plus de 1300 participants, l’affluence ce 30 mars est au moins aussi forte que lors du congrès précédent à Lille, en 2013, qui avait reçu le chef de l’Etat.
Des valeurs non négociables
« C’est justement quand les temps sont difficiles qu’il faut prendre le temps de réfléchir ensemble », a insisté Patrick Doutreligne, le pr��sident de l’Uniopss. Lequel a annoncé que l’organisation compte faire évoluer son positionnement pour l’élection présidentielle de l’an prochain. Au lieu de porter une ribambelle de propositions et revendications, l’Uniopss entend définir le type de société qu’elle souhaite pour que « les personnes démunies ne soient plus les variables d’ajustement ». En explicitant « quelles valeurs ne sont pas négociables », la grande plate-forme associative entend mettre en garde tous ceux qui comptent sacrifier le devoir de solidarité sur l’autel des sacrifices budgétaires et des nécessités sécuritaires.
Quand les associations trinquent...
Pour introduire les débats, ont été présentés cinq scénarios pour les temps à venir et ses incidences sur le tissu associatif de la solidarité. « Le scénario, en tant que fiction intellectuelle, n’est pas une prévision mais un outil pour identifier plusieurs logiques », précise l’Uniopss. Alors quels sont ces cinq scénarios ? Le premier est celui du pire : la dislocation sociale. « La ghettoïsation urbaine s’est accentuée ainsi que la relégation urbaine. Les associations ont échoué dans leur projet de sensibilisation de l’opinion publique ». Le second, l’inertie ou le compromis permanent, place également les associations en difficulté. « Certaines ont adapté leur modèle économique mais craignent de perdre leur ancrage social ; d’autres, en difficulté permanente, s’interrogent sur leur devenir. » Le scénario de la gestion, dans le cadre de l’orthodoxie budgétaire, aboutit à faire disparaître « la forme associative comme alternative en économie ».
...ou reprennent de la vigueur
Reste deux scénarios plus favorables aux associations. Celui de la critique sociale doit permettre de les associer à la définition de solutions. Quant au rebond, il parachève le tableau : « L’innovation est remobilisée ; les potentiels mieux identifiés sont inventoriés, valorisés, traduits en objectif politique ». Appelés à se prononcer sur le scénario du futur, les congressistes ont plébiscité le 5e, sans que l’on sache s’il s’agissait d’une probabilité ou d’un espoir. Qu’importe, a semblé dire l’écrivain Marek Halter, appelé à être le grand témoin de la séance d’ouverture. « Cela va tellement mal qu’on est obligé d’être optimiste », a-t-il lancé. Il a dit, en substance, aux responsables associatifs de ne pas avoir peur d’être des prophètes, littéralement ceux qui crient.
Dix indicateurs complémentaires au PIB
La prospective, justement, souligne Christine Chognot, directrice adjointe de l’Uniopss, vise à « déconstruire le formatage de la pensée ». Vincent Aussilloux de France Stratégie (ex-Commissariat au plan), explique que cet exercice n’était pas vain. Ainsi, l’institution a défini dix indicateurs complémentaires du PIB (inégalités, nombre de décrocheurs, empreinte carbone, effort de recherche…) dont le gouvernement doit désormais dresser la situation annuelle lors de la présentation du budget de la Nation. Une façon de sortir d’une approche purement économique de notre pays.
"Repenser les méthodes collectives d'action"
Pour le professeur Robert Lafore, le chemin se construit en avançant. Il ne sert à rien d’attendre d’avoir résolu toutes les contradictions - comme celle entre « la masse de connaissances et notre relative impuissance à agir ». Pour celui qui préside le comité de prospective de l’Uniopss, « l’avenir du monde associatif, c’est repenser des méthodes collectives d’action et les expérimenter. »
Retrouver le sens de la laïcité
Passons aux travaux pratiques avec la trentaine d’ateliers de l’après-midi. L’un des plus fréquentés (plus d’une centaine de personnes) était consacré à la question de la laïcité dans les établissements. Le rapporteur général de l’observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, a cherché à bien préciser les contours d’un terme devenu « fourre-tout ». La laïcité, c’est la combinaison de trois principes : la liberté de conscience, la neutralité de l’Etat et l’égalité de tous devant la loi. « La laïcité ne vise pas à neutraliser l’espace public. C’est tout le contraire », a-t-il expliqué, en réponse à tous ceux qui ont fait de cet outil une arme de guerre, essentiellement contre les musulmans.
Vis-à-vis des établissements, il distingue ceux qui ont une mission d'intérêt général – et pas d’obligation de neutralité – et ceux qui disposent d’une mission de service public – et sont donc tenus à la neutralité totale.
Trouver des solutions d'intérêt général
Directeur de l’Uriopss Paca-Corse, François Debelle raconte le travail réalisé sur six mois par un groupe de directeurs et de chefs de service sur la mise en œuvre de la laïcité dans les établissements pour enfants et adolescents (qui a débouché sur la réalisation d’un petit guide). Prosélytisme religieux, revendications alimentaires… les problèmes ne manquent pas, mais « aucun n’est insurmontable ». Les armes doivent être celles du dialogue (« mais ça ne règle pas tout », glisse un participant) et de la définition de règles qui s’inscrivent dans le cadre de l’intérêt général. Par exemple, sur la question des menus hallal, un repas sans viande permet de satisfaire des demandes diversifiées, y compris des végétariens.
Se dépatouiller et se réinventer
Des réflexions métaphysiques de Marek Halter à la question des repas dans les établissements… le congrès de l’Uniopss fait souvent le grand écart. Mais c’est un peu à l’image des défis auxquels est confronté le champ associatif : se dépatouiller avec les demandes d’une société de plus en plus fragmentée, tout en réinventant ses modes d’intervention pour être une 3e voie légitime entre le public et le lucratif.