Marché du travail : le bilan 2018 de l'Insee

Marché du travail : le bilan 2018 de l'Insee

03.07.2019

Représentants du personnel

Un chômage en baisse moins forte qu'en 2017, un taux d'activité en nette hausse, notamment pour les séniors : l'Insee a dressé hier le bilan économique et social de 2018, avec des focus sur la question des CDD, de la comptabilisation des demandeurs d'emploi et des discriminations d'emploi et de salaire liées à l'origine.

 

Lors de sa présentation à la presse, mardi 2 juillet, de son ouvrage de référence sur l'année 2018, avec un bilan des évolutions en matière d'emploi, de chômage et des revenus du travail, l'Insee (institut national de la statistique) a fait un focus sur les contrats à durée déterminée et les trajectoires professionnelles, le rôle des origines dans les inégalités d'emploi et de salaire, et la différence de comptabilisation du chômage (lire notre article sur le bilan 2017).

Examinons tout d'abord la situation du marché du travail en 2018. "L'année a vu la création de 182 000 emplois nets, une hausse deux fois plus faible qu'en 2017", note Vladimir Passeron, chef du département emploi et revenus d'activité de l'Insee, d'où une nouvelle baisse du chômage, pour la troisième année consécutive, mais moins importante qu'auparavant (-0,3 points, soit 490 000 chômeurs de moins, soit un taux de 9,1%).

Le taux de chômage connaît son plus bas niveau depuis 2009, ce qui signifie aussi que la crise économique de 2008 n'a pas encore été tout à fait effacée. Depuis fin 2014, l'économie française a créé 850 000 emplois. Bonne nouvelle : selon l'Insee, la qualité de l'emploi tend à s'améliorer. Après une chute de 2,4 points entre 2009 et 2017, la part de salariés en CDI a cessé de reculer. La part des emplois à temps partiel (5 millions de personnes, tout de même) a diminué légèrement (-0,3 point), de même que les emplois à durée limitée (CDD, intérim, etc., soit ). Comme on le voit dans les courbes ci-dessous, le taux d'activité (avec 28,1 millions de personnes en emploi fin 2018) augmente fortement chez les plus de 50 ans : +1,1 point pour les 50-64 ans (soit +16 points depuis 2007), une situation directement liée au recul de l'âge de départ en retraite.

 

 

Les salaires ont progressé de 1,7% l'an dernier (*), soit le même rythme qu'en 2017. L'inflation ramène cependant le gain réel de pouvoir d'achat à +0,2% en 2018, contre +0,8% en 2017. A noter que l'écart salarial, pour un temps plein, entre hommes et femmes se réduit de 0,3 point en un an (et 3,4 points depuis 2002), mais il reste élevé, de l'ordre de 18,9%. Si l'on neutralise les 1% des emplois les mieux rémunérés (occupés à 80% par des hommes), l'Insee calcule que la différence femmes-hommes est ramenée à 13,9% dans le secteur privé. Et l'institut de rappeler que le fait que les femmes soient employées dans des secteurs moins rémunérateurs que les hommes explique une part importante de l'écart salarial : cet écart diminue de 41% quand on compare les rémunérations F/H d'un même secteur.

Près de la moitié des salariés en CDD sont en CDI 7 ans plus tard

Dans l'édition 2019 de son enquête annuelle, l'Insee étudie sur 7 ans les trajectoires des salariés de 16 à 50 ans selon qu'ils étaient initialement en CDI (situation qui concerne 9 salariés sur 10 en France) ou en contrat à durée limitée (tous types de CDD, travail occasionnel, intérim, intermittence).

Les salariés qui étaient en CDI en 2008 y sont encore 7 ans après, pour 73% d'entre eux, la moitié de ceux-ci travaillant dans la même entreprise. Les salariés qui étaient en contrat à durée limitée sont pour moitié passés en CDI, comme le montre le schéma ci-dessus et ci-dessous, mais leur parcours est très divers. Si 24% d'entre eux passent en CDI au bout d'un an de contrat à durée limitée, ce qui confirme le statut de mise à l'épreuve du CDD, 15% restent en contrat temporaire 7 ans plus tard, et les périodes de chômage indemnisé sont également plus nombreuses pour ces salariés. Surtout, ceux qui étaient en 2008 au chômage peinent encore plus à trouver un CDI : seuls 28% de ces salariés sont à durée indéterminée 7 ans plus tard.

L'étude pointe aussi la meilleure rémunération des salariés en CDI, le salaire horaire des CDD étant inférieur en moyenne de 7% aux CDI. "Cela ne s'explique pas par le type de contrat, mais par le fait que les salariés en CDI sont plus diplômés, ont plus d'expérience et d'ancienneté, et sont plus souvent cadres qu'employés ou ouvriers", commente l'auteur de l'étude, Odran Bonnet.  En revanche, l'examen des salaires d'embauche montre que dans ce cas, les salariés en contrat à durée limitée ont un salaire horaire supérieur d'environ 3% aux salariés en CDI, du fait de l'indemnité de précarité du CDD mais aussi, selon Odran Bonnet, "parce que des salariés acceptent des emplois dans des entreprises moins rémunératrices pour décrocher un emploi stable". Reste que le passage par la case CDD freine la progression salariale dans la carrière, assurée par le CDI.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

Découvrir tous les contenus liés
La question des origines et des écarts d'emploi et de salaire

Peut-on mettre en évidence une forme de discrimination dans l'emploi et les salariés touchant les immigrés (personnes nées de nationalité étrangère) et leurs descendants (personnes nées en France dont un parent au moins est immigré) ? Elika Athari, de l'Insee, a tenté l'exercice. Son étude souligne la persistance de difficultés d'accès à l'emploi pour les personnes d'origine étrangère. Pour les hommes originaires du Maghreb, les taux de chômage sont supérieurs de 11 points pour les immigrés et d'encore 10 points pour les descendants, par rapport aux hommes sans ascendance migratoire directe (**).

"Ces difficultés d'accès à l'emploi sont peu liées aux caractéristiques spécifiques aux immigrés puisque les descendants les rencontrent également . Elles renvoient donc à de possibles discriminations", écrit Elika Athari. Ces difficultés à trouver un emploi expliquent aussi que les immigrés occupent des emplois plus précaires et d'un niveau inférieur à leurs compétences.

Par ailleurs, l'étude met en évidence le moindre taux d'activité des femmes immigrées par rapport aux femmes sans ascendance étrangère (due notamment à l'absence de diplomes et à la présence d'enfants), cet écart se réduisant d'une génération à l'autre tout en restant important pour les femmes descendantes d'immigrés de Turquie. Enfin, l'auteur de l'Insee ne relie pas l'écart de salaires, en défaveur des immigrés, à leurs origines. Pourquoi ? Parce que cet écart important pour les immigrés (-10% à -40%) s'avère beaucoup plus faible chez les descendants, ce qui montre selon Elika Athari que ce sont des caractéristiques comme la moins bonne maîtrise de la langue qui expliquent ces écarts. "Une fois en emploi, la situation des descendants d'immigrés apparaît, à caractéristiques égales, similaire à celle des personnes sans ascendance migratoire, que ce soit au niveau des salaires ou de la qualité de leur emploi", écrit l'Insee.

Chômage : pourquoi des estimations aussi différentes ?

Enfin, l'Insee a voulu faire la lumière sur les écarts observés dans l'estimation du chômage en France. Selon le bureau international du travail (BIT), un chômeur étant une personne sans emploi, qui en recherche un et qui est disponible, 2,6 millions de personnes étaient au chômage en France en 2017. Pôle emploi comptabilisait pour sa part 3,4 millions d'inscrits en catégorie A, c'est-à-dire des personnes inscrites, sans emploi et tenues d'en rechercher un (voir le schéma). De 300 000 en 2013, l'écart entre les deux statistiques atteint désormais 800 000, comme on le voit ci-dessous !

Comment expliquer cet écart ? Les deux définitions sont proches mais pas identiques : l'Insee démontre ainsi que 44% des inscrits en catégorie A à Pôle emploi ne sont pas des chômeurs au sens du BIT : 20% souhaitent travailler mais n'ont pas fait de recherches, 16% déclarent ne pas souhaiter travailler (souvent des personnes proches de la retraite), 9% sont en fait dans un emploi transitoire (c'est le cas de personnes aidant leur conjoint en attendant un emploi extérieur), etc. Inversement, 22% des chômeurs au sens du BIT ne sont pas inscrits à Pôle emploi. Il s'agit notamment de jeunes qui cherchent un emploi à temps partiel le temps de leurs études.

 

(*) Le salaire moyen par tête (SMPT) intègre l'ensemble des rémunérations perçues par les salariés (salaire de base brut, primes, heures supplémentaires, intéressement).

(**) En dépit d'un niveau d'éducation inférieur, les hommes turcs ont un meilleur accès à l'emploi car ils mobilisent les réseaux de leur communauté pour trouver un poste.

Bernard Domergue
Vous aimerez aussi