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En dépit de sa professionnalisation, pourquoi le travail social reste-t-il si féminisé ? Un vaste sujet abordé ce 6 février à l'occasion du centenaire de l'Association des surintendantes d’usines et de services sociaux, et de son École supérieure de travail social (Etsup), qui organisait un colloque à la mairie de Paris sur le thème du "Travailleur social au XXIe siècle".
Historiquement occupés par des femmes, les métiers du social restent aujourd'hui encore très féminins puisque près de neuf travailleurs sociaux sur dix sont des femmes. "Cela ne me gêne pas du tout que le métier soit féminin, ce qui me gêne en revanche c'est la déqualification et la non reconnaissance des compétences", déclare Marianne Modak, professeure et sociologue à Lausanne en Suisse, lors d'une table ronde sur le thème "femmes et travail social", ce 6 février. Quelque 400 travailleurs sociaux s'étaient en effet réunis dans les salons de l'Hôtel de ville de Paris pour le centenaire de l'Association des surintendantes d’usines et de services sociaux et de son école - l'Etsup.
"En Suisse, rapporte Marianne Modak, le niveau de formation est universitaire (haute école de travail social) et le diplôme de travail social peut atteindre le niveau bachelor". Est-ce suffisant pour attirer les hommes ? Pas vraiment. Dans les professions de l'assistance sociale et de l'éducation, le taux de féminisation était de 70 % en 1970 et de 78 % en 2014 et dans les directions de crèche, il est même passé de 68 % à 81 %. "Malgré la professionnalisation, la diversification des diplômes et une rémunération correcte, le travail social reste un secteur dévalorisé, donc féminin", constate la chercheuse suisse. Selon elle, "c'est un métier que les hommes exercent à défaut d'autre chose ".
"Si les hommes choisissent ces professions par défaut plutôt que par vocation, c'est parce que ces métiers sont mal rémunérés", avance Pascale Molinier, professeure de psychologie sociale à l'Université Paris 13.
Il est difficile de savoir si les métiers du social sont peu valorisés parce qu'ils sont féminins, ou s'ils sont féminins parce qu'ils sont peu valorisés. Mais ce qui est clair, c'est que l'un renforce l'autre.
Pascale Molinier rappelle que les assistantes sociales sont historiquement issues d'une branche commune avec les infirmières visiteuses : "Cette figure salariée s'est construite autour d'une certaine idée que se faisaient les médecins, c'est-à-dire qu'elle était soit calquée sur la figure de Sophie dans "Emile" de Rousseau - une assistante de l'époux -, soit perçue comme un personnel docile et malléable". Autrement dit, la profession est associée à une certaine nature féminine, douce, généreuse, maternelle, garante du secret professionnel et soumise au médecin. Une subordination qui pourrait expliquer qu'elles soient moins bien payées. "Il y aurait aussi l'idée que ces compétences sont apprises dans la famille", selon Marianne Modak.
"La reconnaissance de ces métiers de service est très délicate car ils requièrent des capacités d'interaction avec les personnes qui ne sont pas mesurables dans l'économie classique et qui sont difficilement valorisables", explique Marianne Modak.
"Dans le travail social, abonde Pascale Molinier, nous sommes en présence de compétences techniques et psychiques, une sensibilité à la souffrance d'autrui. On sait rémunérer le travail dans sa dimension technicité mais on ne sait pas valoriser cet investissement psychique". Il faudrait donc selon elle "des outils pour mieux formaliser dans notre société ces dimensions du travail sans lesquelles ces métiers de l'assistance et du soin vireraient à la barbarie".
Il arrive que les travailleurs sociaux eux-mêmes reproduisent les stéréotypes sexués. Aminata Pallud, responsable à l'ASE du conseil départemental du Val-de-Marne, rapporte par exemple que dans le cadre d'évaluations d'informations préoccupantes, certains professionnels étaient "dans la distanciation du père et dans la responsabilisation de la mère dans son rôle éducatif". En effet, observe Marc Bessin, sociologue et directeur de recherche, "les mauvaises mères sont les plus systématiquement désignées".
Pour Aminata Pallud, "il ne s'agit pas de critiquer mais de s'interroger sur nos pratiques et d'essayer de se départir de ce qui peut se rejouer dans nos interventions". Elle explique que dans les cas de violences conjugales, il faut parvenir à gérer les émotions et garder une juste distance. Elle rejette l'idée reçue selon laquelle "de femme à femme, ce serait plus simple" et appelle à sortir de l'idée qu'il y a une connaissance naturelle des choses chez les femmes.
"Il est important d'introduire l'étude du genre dans la formation et l'enseignement et de favoriser les rencontres entre le monde de la recherche et le monde de la formation, afin de croiser les savoirs", insiste Véronique Bayer, doctorante et responsable de formation à l'Etsup. "Nous avons commencé à le faire à l'Etsup", se réjouit-elle.
A l'heure où le travail social est de plus en plus amené à rendre des comptes et à faire des économies, il apparaît également nécessaire qu'il parvienne à mieux documenter ses résultats. "Dans la recherche, il y a un confort à rester cacher mais il y a aussi le risque de ne pas valoriser ce que l'on fait", reconnaît Pascale Molinier.
Une meilleure visibilité qui contribuera sans doute à valoriser ces métiers du social, aujourd'hui à un tournant de leur histoire avec la reconnaissance des diplômes au niveau licence... un argument peut être décisif pour plus de parité dans la profession.
Relire aussi notre article paru dans TSA magazine de juillet 2011 : "Le travail social serait-il une affaire de femmes ?" |
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