Morose, la rentrée sociale, selon l'Uniopss

Morose, la rentrée sociale, selon l'Uniopss

21.09.2016

Action sociale

Pour sa traditionnelle conférence de presse de rentrée, l'Uniopss a présenté un tableau sombre des dossiers sociaux. Entre des lois intéressantes, mais privées de moyens et de décrets, des finances locales au régime sec et un climat politique délétère, les temps sont durs pour les associations de solidarité. Qui entendent affirmer des valeurs essentielles pour les élections.

Ce n'était pas vraiment la joie lors de la traditionnelle rencontre de l'Uniopss avec la presse pour un tour de pistes des dossiers sociaux et médico-sociaux. On a bien perçu quelques lueurs d'espoir, modestes et fragiles, notamment autour du projet de loi Egalité et citoyenneté, mais le coeur n'y était pas. Sans se lancer dans un bilan du quinquennat de François Hollande, le président de l'Uniopss a exprimé un sentiment d'inachevé par rapport aux différents chantiers législatifs.

La généralisation du tiers payant aura-t-elle lieu ?

Pour résumer, les intentions sont globalement bonnes mais les textes sont en-deçà des objectifs proclamés et leur mise en oeuvre est bloquée par des reports d'application et une production réglementaire très lente. "Il resterait encore plus de 200 textes pour la loi ASV, croit savoir Patrick Doutreligne. Quant à la loi santé, en différant au 1er janvier 2018 la généralisation du tiers payant, le pouvoir prend le risque de voir cette disposition abolie en cas d'alternance." (1)

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

Découvrir tous les contenus liés
Les associations coincées entre l'Etat et les départements

Pour les associations, la situation est rendue très complexe par la baisse des dotations qui affecte les collectivités locales. Les conséquences sont lourdes sur le terrain : le secteur de la prévention est régulièrement affaibli, les services à domicile sont fragilisés (le président de l'Uniopss a cité deux associations normandes qui ont dû mettre la clé sous la porte) et certains départements, comme le Nord ou le Bas-Rhin, ont mis à la diète les structures gestionnaires. Par rapport à la campagne de mobilisation de l'ADF, cette semaine, pour sauver les départements, Patrick Doutreligne estime que les associations n'ont pas à être les victimes de ce bras-de-fer avec l'Etat. "Quand des difficultés se présentent dans un département, il faudrait aller sur la voie de la concertation et de la co-construction de solutions", estime-t-il en citant le cas tout à fait contraire de l'Essonne où il a fallu des mois pour obtenir un accord. Le président de l'Uniopss s'étonne par ailleurs que le CPOM soit rendu obligatoire pour certains établissements alors que la notion de contrat est associée à une liberté de choix.

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

Je télécharge gratuitement
Pauvre territorialisation !

Secteur par secteur, l'Uniopss fait le point de la situation. Pour les personnes âgées et handicapées, elle considère "scandaleux" le risque de détournement de 700 M€ des caisses de la CNSA. De plus, la convergence des politiques entre les deux secteurs est loin d'être à l'oeuvre dans de nombreux départements. Sur la lutte contre la pauvreté, l'Uniopss reconnaît un vrai effort de l'Etat en matière de ressources et d'accès aux soins, mais elle considère que la territorialisation du plan est un échec. "L'instruction du Premier ministre de juillet dernier arrive bien tardivement. Quand Manuel Valls veut mettre tout son poids dans la balance, il sait le faire", ironise Patrick Doutreligne.

Calais : ne pas oublier les mineurs !

Difficile de ne pas parler du dossier - obsédant - des réfugiés. "La France n'est ni la plus concernée, ni la plus solidaire, note l'ancien directeur général de la Fondation Abbé Pierre. Nous sommes encore loin de l'objectif d'accueillir 30 000 réfugiés". Concernant le démantèlement de la "jungle" de Calais, l'Uniopss se dit "pas opposée" à cette solution. A deux conditions : prendre enfin en charge les "400 à 800 mineurs isolés" qui y vivent ; réfléchir au devenir des réfugiés qui veulent toujours franchir la Manche. "Sinon, une nouvelle jungle à l'extérieur de Calais va se reconstituer", prévient-il. Avec sa casquette de président d'Adoma, il raconte que l'opposition à l'implantation de centres d'accueil et d'orientation disparaît au bout de quelques mois, une fois que la population a compris que tout se passait bien. Un message envoyé aux pouvoirs publics, confrontés à l'opposition de certains élus pour implanter chez eux un centre d'hébergement des migrants.

Ouvrir le congé d'engagement à tous les bénévoles

Reste le dernier grand chantier législatif du quinquennat autour du projet de loi Egalité et citoyenneté, qui arrive en discussion au Sénat début octobre (voir également notre article). Certaines dispositions, notamment dans le volet engagement, semblent convenir globalement à l'Uniopss comme la montée en charge du service civique, la création de la réserve citoyenne ou le congé d'engagement pour les dirigeants associatifs. Sur ce point, l'Uniopss, par la voix de sa chargée de mission Morgane Dor, demande l'ouverture de ce droit, limité à 6 jours par an, à l'ensemble des bénévoles.

La mixité sociale ne doit pas être une arme contre les pauvres !

Concernant les mesures sur le logement, l'Uniopss se déclare favorable au concept de mixité sociale, mais reste vigilante sur l'usage qui en est faite. Par exemple, si au nom de la mixité sociale, on interdit dans les quartiers prioritaires de la ville d'accueillir des ménages reconnus prioritaires Dalo, comme le prévoit le texte de loi. "Si on arrête maintenant l'attribution de logements locatifs sociaux dans les quartiers qui en comportent déjà beaucoup, alors les personnes n'en auront pas du tout. En effet, les alternatives dans les quartiers plus équilibrés n'existent pas encore", explique l'Uniopss qui fait sienne la position du collectif des associations unies. Pour renforcer le rééquilibrage, l'Uniopss demande que le taux de PLAI (les logements qui proposent les loyers les plus abordables) dans les communes ayant un déficit de logements sociaux passe de 30 % actuellement à 50 %. L'Uniopss souhaite également que le parc privé soit davantage mobilisé là où il existe un déficit de logements sociaux. 

"Plus à droite que moi, tu meurs"

Il n'aura échappé à personne que cette rentrée est placée sous le signe de la préparation des scrutins politiques de 2017. "Les primaires sont une source d'inquiétude pour nous car on a le sentiment que c'est plus à droite que moi, tu meurs", explique, avec gravité, Patrick Doutreligne. La confusion entretenue entre assistance et assistanat ne lasse pas d'inquiéter. Pour la présidentielle, l'Uniopss entend porter des valeurs fortes plus qu'un catalogue de mesures. "Cette élection va porter sur de vrais changements de société. Il est important de fixer un cap", précise-t-il. Dans ce cap, il pourrait y avoir la prévention : "Il faut inverser la courbe", explique, non sans ironie, le président de l'Uniopss. Quant à la demande de protection, elle ne peut se limiter à une dimension purement sécuritaire. Enfants, migrants et publics fragiles doivent être aux premières loges.

 

(1) Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il reviendrait sur cette disposition s'il est réélu président.

Noël Bouttier
Vous aimerez aussi

Nos engagements