Oubliez le gouvernement, l'inflation et le budget : ils reviendront d'eux-mêmes à la rentrée. Le temps d'un Noël, profitez de quelques pistes de lecture avenantes sur différents sujets. Car "il ne faut jamais perdre une occasion de s'instruire", a écrit Marcel Pagnol.
Nous les avons tous lus, oui tous. De la première à la dernière page. Les coins cornés et autres annotations en attestent. Pour vous en faire profiter, voici 10 notes de lecture autour du syndicalisme, de l'histoire, des institutions. Et deux romans pour les chanceux qui partent en vacances.
Syndicalisme
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André Bergeron : Force Ouvrière en toutes lettres
![]() Publié en 1975, cette Lettre ouverte à un syndiqué conserve aujourd'hui toute ses saveurs. André Bergeron y explique les fondamentaux de Force Ouvrière : son indépendance politique, ses perceptions de l'action réformiste, sa pratique contractuelle et conventionnelle, son fonctionnement interne. Le secrétaire général de FO de 1963 à 1989 y tutoie son lecteur, qu'il soit syndiqué ou non, à FO ou non, et l'on se sent accueilli comme auprès d'un bon feu de cheminée.
Il revient également dans des pages passionnantes sur les fondations de l'assurance chômage pour lesquelles il a taillé une pierre déterminante. Pour ces raisons, cette lettre de 158 pages constitue une excellente introduction aux mémoires de celui qui reste un des piliers historiques de FO. L'ouvrage est aussi truffé d'anecdotes pétillantes et de réflexions de bon sens, comme celle-ci, à méditer dans les prochains mois : "Les hommes politiques sont généralement plus attentifs aux revendications syndicales avant le scrutin qu'après".
André Bergeron, "Lettre ouverte à un syndiqué", Éditions Albin Michel, 158 p., 8.49 €
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Lip : "On fabrique, on vend, on se paie"
Cinq ans après Mai 68 éclate l'un des conflits sociaux majeurs de l'histoire de l'horlogerie française. Au point que le journal du Parti Socialiste Unifié (PSU) titrera sa Une "Mai 68 – Lip 73", ornée du poing levé sur une cheminée d'usine. La surprise de la percée autogestionnaire a tant frappé les esprits que la lutte "des Lip" reste vivace dans la mémoire collective. La preuve, les éditions Syllepses publient cet ouvrage collectif qui multiplie les points de vue et les angles : comment la recherche d'unité entre les salariés s'est muée en refus de la fatalité ? Quelle articulation avec le Parti socialiste d'alors ? Quelle influence de l'autogestion dans l'émancipation des ouvrières ? Appuyé sur de nombreux documents d'époque et coordonné par des militants de Sud, notamment Christian Mahieu, fondateur de Sud Rail, Théo Roumier et Patrick Silberstein, fondateur des éditions Syllepse, cette somme documentaire revient aussi sur l'implication du syndicaliste CFDT Charles Piaget, décédé en novembre 2023. Christian Mahieu, Théo Roumier, Patrick Silberstein "Lip vivra ! 50 ans après, ce que nous dit la lutte des Lip", Éditions Syllepse, 232 p., 15 € |
Quel avenir pour le syndicalisme de contestation
Prenant pour point de départ la fracture entre les Gilets Jaunes et les organisations syndicales, les sociologues du travail Sophie Béroud et Martin Thibault examinent les contours du syndicalisme en rupture avec les pratiques traditionnelles du dialogue social. Au travers d'une enquête au long cours sur le militantisme au sein de Solidaires, ils mettent en lumière la charge quotidienne des militants, la difficulté de lancer des grèves décisives, d'articuler son travail et son mandat, de développer un syndicat, de redynamiser les luttes sociales et de porter de nouvelles formes d'émancipation dans une contexte où le néolibéralisme semble tout écraser. Enrichi de témoignages de terrain, le livre donne également à voir la démarche de syndicalistes passés du côté des Gilets Jaunes, comme Leïla et Daniel, tous deux issus du secteur du rail (l'un travaille à la RATP, l'autre à la SNCF), et qui ont vu dans ce mouvement social un moyen de transcender les difficultés rencontrées dans leurs syndicats. Sophie Béroud et Martin Thibault, "En luttes ! Les possibles d'un syndicalisme de contestation", Éditions Raisons d'agir, 224 p., 10 €
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Institutions
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Le Conseil constitutionnel en conflit d'intérêt ?
![]() Ames sensibles, s'abstenir : voici un livre à charge remettant en cause l'indépendance politique du Conseil constitutionnel. On ne peut accuser Lauréline Fontaine, professeure de droit public à la Sorbonne, de ne pas maîtriser son sujet. Si les lecteurs ont besoin d'être rassurés, l'ouvrage est préfacé par le juriste professeur au Collège de France, Alain Supiot. Car le constat de l'auteure est accablant : défaut de formation juridique et constitutionnelle de ses membres, recrutement parmi la classe politique (souvent d'anciens ministres) sans aucune garantie d'absence de "copinage", auditions parlementaires bâclés ou vides de sens. Le Conseil constitutionnel, cette espèce de grand Sage de notre vie publique, entre les mains duquel on remet tant de décisions cruciales (songez aux retraites et au référendum d'initiative partagée en 2023) manquerait cruellement d'indépendance. Lauréline Fontaine se montre très convaincante, par exemple lorsqu'elle rapporte qu'en 2016, Michel Pinault, ex-directeur du groupe d'assurances Axa, a refusé de se déporter pour participer à la décision du Conseil relative aux clauses de désignation des complémentaires santé. De quoi fonder pour la professeure des "doutes légitimes" sur son impartialité. Lauréline Fontaine, "La Constitution maltraitée, anatomie du Conseil constitutionnel", Éditions Amsterdam, 280 p. |
Chroniques d'une France à l'abandon
![]() Suppression de lignes de train et d'autobus, fermetures de bureaux de Poste, désindustrialisation, raréfaction des commerces et des hôpitaux… On connaît déjà par le menu les maux qui peuplent les zones périphériques françaises, en campagne comme aux abords des villes moyennes. Les panneaux publicitaires et les ronds-points y pullulent, dessinant les contours d'une "France moche" réservée à ceux qui ne méritent pas les beautés parisiennes. Couplés au blocage de l'ascenseur social, au chômage, à la fin des politiques d'aménagement du territoire, ces maladies françaises donnent leur nom à "la diagonale du vide", qui, des Landes aux Ardennes, fabrique un peuple de mal-aimés prompts au sentiment d'abandon et de déclassement. Historien et professeur à la Sorbonne, Pierre Vermeren remet en lumière ces oubliés du pays, la plupart du temps ouvriers, employés, travailleurs invisibles qui n'ont pu bénéficier de l'héritage des infrastructures gaulliennes dilapidées par trop de politiques inconscientes. S'il manque parfois de sources et se limite trop souvent à des affirmations d'opinions pas assez étayées, l'ouvrage a au moins le mérite de ne pas mettre la poussière sous le tapis. Pierre Vermeren, "La France qui déclasse, de la désindustrialisation à la crise sanitaire", Éditions Texto, 240 p., 8.50 € |
Histoire
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C'est l'histoire d'une ouvrière
![]() Longtemps, j'ai cru par erreur que ce célèbre cliché témoignait des grandes grèves de 1936 liées à l'arrivée au pouvoir du Front Populaire. On y trouve la force photographique d'un Willy Ronis déjà parvenu au sommet de son art. Juchée sur une table, une ouvrière en robe noire harangue ses camarades d'atelier. Les femmes rassemblées semblent boire ses paroles. On devine des conditions de travail à la limite de l'insalubrité. En réalité, on apprend dans cet opuscule très documenté que l'image date du 25 mars 1938. Willy Ronis est alors chargé par le magazine Regards de couvrir la grève des métallurgistes de l'usine Citroën Javel à Paris. Le mouvement porte sur la hausse des salaires, la remise en cause des 40 heures et l'amélioration des conventions collectives. Vingt mille travailleurs abandonnent leur poste dans les cinq sites du constructeur automobile. L'ouvrière en robe, c'est Rose Zehner, déléguée syndicale CGT, "archange en colère dans la nef de l'usine". Née en 1901, orpheline de mère à 9 ans, militante depuis 1930. Mise à pied quatre fois, elle gifla son contremaître et fut mutée à Levallois avant de revenir en son fief de Javel. Un destin de militante comme tant d'autres qui lui fera déclarer en 1982 à L'Humanité : "Je ne suis ni communiste ni socialiste mais syndicaliste". Tangui Perron, "Rose Zehner et Willy Ronis, naissance d'une image", Éditions de l'Atelier, 112 p., 16 € |
Blum, l'homme qui défendait déjà les femmes
![]() Quand il écrit son essai "Du mariage" de 1905 à 1907, Léon Blum n'est pas encore le charismatique leader du Front Populaire. Certes, il a rejoint les Dreyfusards, s'est rapproché de Jaurès et a œuvré comme auditeur au Conseil d'Etat. Son profil politique se dessine peu à peu mais un tout autre sujet l'occupe : le déséquilibre du mariage au détriment des femmes. A l'époque, on laisse à l'homme toute liberté de papillonner à des conquêtes féminines avant de se marier. On confine en revanche les jeunes filles à domicile avant de les propulser vite fait bien fait devant l'autel. Une injustice insupportable à Léon Blum. En affirmant qu'il faut accorder aux femmes la même liberté sexuelle avant le mariage, Blum a plus de cent ans d'avance sur ses concitoyens. Il paiera son audace au prix fort : déferlement de haine antisémite, insultes publiques et menaces de mort. Au fil des pages, ses capacités d'empathie étonnent pour un homme de cette génération, notamment quand il écrit ces mots superbes : "Les souffrances des jeunes filles sont si secrètes ou si mal comprises, elles-mêmes en ont tant de honte, qu’elles devraient inspirer beaucoup de pitié. J’avoue avoir beaucoup songé à elles en écrivant ce livre qu’elles ne liront pas". Léon Blum, "Du mariage", Éditions Pocket, 352 p., 10.30 €
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Le funeste destin de l'inventeur de la machine à coudre
![]() Outil féminin par excellence dans tous les clichés sexistes, la machine à coudre a pourtant été inventée par un homme : Barthélémy Thimonnier, né dans une bourgade du Rhône en 1793 et tailleur de son état. Observant son épouse peiner sur son ouvrage, il développe l'idée d'une assistance mécanisée à la couture. Obsédé par son invention, il consacre ses nuits à dessiner des plans, assembler les prototypes, résoudre les erreurs, perfectionner SA machine. Mais ses revenus ne lui permettant pas le luxe de l'indépendance. De plus, il faut déposer un brevet, et Barthélémy ne s'y entend guère en dossiers administratifs. Il s'associe à des margoulins qui le dépouillent de ses droits pour une roupie de sansonnet. Habité par l'utilité de sa machine, il continue pourtant de l'améliorer mais se heurte à un mouvement des tailleurs et cordonniers l'accusant de concurrence déloyale. Les ouvriers viennent en meute réduire à néant ses efforts et détruire les quelques machines opérationnelles. D'une écriture ronde et sensible, Yamina Benhamed Daho tisse le destin de cet inventeur tombé dans l'oubli tout en rendant hommage à sa mère : son livre raconte aussi l'histoire d'une machine à coudre achetée en Algérie dans les années 60 qui l'accompagnera dans son exil en France. Yamina Benhamed Daho, "A la machine", Éditions Gallimard, 176 p., 18 € |
Romans
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Le cadre se rebiffe
![]() Quand un cadre au chômage âgé de 57 ans se révolte contre un système absurde de recrutement, cela donne un roman noir haletant à la sauce sanglante de Pierre Lemaître. Son héros, Alain Delambre, le dit lui-même : il n'a jamais tué personne. Il n'est pas du genre violent, de ceux qui harcèlent leurs collaborateurs pour mieux les plier à sa volonté. Non, Alain Delambre est un tendre mais quatre années de chômage ont usé jusqu'à la corde ses fondations psychologiques. Humilié par des recruteurs qui le prennent de haut et lui flanquent "Mon client attend de jeunes diplômés", il finit par péter un plomb. Alors qu'il candidate à un poste chez BLC-Consulting, à La Défense, on lui explique que l'entretien de recrutement consistera dans un jeu de rôle soumettant les candidats à un niveau de stress maximum afin de les départager. Il s'agit ni plus ni moins de simuler une prise d'otages à main armée. Alain bascule et prend lui-même les armes. Voici donc un roman noir sur les pires pratiques de management, à lire avant de postuler à un nouvel emploi… Pierre Lemaître, "Cadres noirs", Éditions Le Livre de poche, 448 p., 9.40 € |
L'amour fantôme des tranchées
![]() A Paris, en 1920, un ancien Poilu traîne son ennui. Amputé d'une main au combat, il ne parvient pas à tourner la page de la Grande guerre et se spécialise dans des activités de détective pour familles endeuillées. Cela tombe bien : Jeanne Joplain recherche son fils. L'armée l'a déclaré disparu mais elle refuse l'évidence et lance notre Poilu sur ses traces. L'ancien soldat, qui n'est jamais nommé dans le roman mais a le rôle du narrateur, s'embarque dans une quête désespérée. Il découvre que le fils Joplain, de bonne famille, s'était amouraché d'une domestique. L'enquête tourne à l'obsession pour l'ancien combattant qui a lui-même perdu son épouse en rentrant des tranchées. Déstabilisé par les témoignages de Poilus qui ont aperçu "la Fille de la Lune" sur les champs de bataille, une sorte de fantôme qui s'adressait aux soldats agonisant dans le "No man's land", il manque de perdre la raison mais n'abandonnera jamais sa quête. Un beau et court roman d'histoire sur la mémoire et l'obstination, écrit d'une plume populaire où l'on peut lire par exemple : "La guerre, quand tu y as goûté, elle est dans ton corps, sous ta peau. Tu peux vomir, tu peux te gratter tout ce que tu veux, jusqu'au sang, elle ne partira jamais". Gilles Marchand, "Le soldat désaccordé", Éditions Le Livre de poche, 224 p., 7.90 € |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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