Ce jour le 8 décembre est examiné à l’Assemblée nationale un projet de résolution pour interdire la psychanalyse et la pratique du packing dans le traitement de l’autisme, pénaliser juridiquement les professionnels de santé qui l'emploient et réorienter les financements. Un projet qui revient sur le devant de la scène quatre ans après son dépôt.
« Il est de mon devoir de faire interdire la psychanalyse sous toutes ses formes dans le traitement de l’autisme ». Dans nos colonnes en 2012, le député Daniel Fasquelle (LR), proche de Nicolas Sarkozy, défendait déjà la proposition qui sera débattue ce 8 décembre à l’Assemblée nationale. Elle était à l’époque rejetée par l’Unapei, qui considérait les méthodes psychanalytiques comme complémentaires aux thérapies comportementales et estimait « qu’interdire une forme d’accompagnement ne sert à rien ».
Changement de stratégie, le projet prend cette fois la forme d’une résolution, invitant le gouvernement à légiférer. Le sujet est toujours aussi sensible. Et le débat polarisé entre, d’un côté, quelques associations du secteur de l’autisme (pétition de 3 000 signatures) en faveur de la proposition de résolution et, de l’autre, le Rassemblement pour une approche des autismes humaniste et plurielle (Raahp, 5 000 signatures), qui représente certaines familles, associations et médecins opposés à celle-ci. Retour sur les arguments de chaque camp.
Transformer une recommandation en interdiction
En premier lieu, Daniel Fasquelle est soutenu par la Maison de l’autisme, une association créée ex nihilo en 2015 afin de promouvoir la recherche médicamenteuse autour de l’autisme. Cinq autres associations participent au mouvement : Agir vivre l’Autisme, Vaincre l’autisme, Collectif Egalited, Autistes sans frontières et Asperger Aide France dont la marraine n'est autre que Pénélope Fillon. Leurs arguments : la Haute autorité de santé (HAS) a pris position contre le packing en mars 2012. La HAS se déclarait alors « fermement opposée à l’utilisation de cette pratique […] en l’absence de données relatives à son efficacité ou à sa sécurité ». Une recommandation que le projet propose de rendre « juridiquement contraignante pour les professionnels qui travaillent avec des enfants autistes ».
Un projet "totalitaire" et "liberticide"
En face, les défenseurs de la psychanalyse indiquent que la pratique du packing fait l’objet d’une étude depuis plusieurs années dont les résultats, annoncés comme prometteurs, devraient être publiés prochainement. Parmi eux : le professeur Pierre Delion, pédopsychiatre, chef de service au CHU de Lille et inventeur du packing, la Fédération française des psychologues et de psychologie et le Raahp. Concernant le projet de résolution lui-même, Patrick Sadoun, président du Raahp, pointe une volonté de mainmise du législatif sur la liberté de pensée et de prescription médicale. « Si une recommandation de la HAS devient contraignante à ce sujet, pourquoi ne le serait-elle pas pour d’autres ? Nous entrons dans le domaine du totalitaire. »
Risque de chasse aux sorcières
Concernant le projet de la résolution de « systématiquement engager la responsabilité pénale des professionnels de santé qui s’opposent aux avancées scientifiques et commettent des erreurs médicales en matière d’autisme », Patrick Sadoun dénonce une « chasse aux sorcières » contre les médecins pratiquant d’autres méthodes que les thérapies cognitives comportementales (TCC). Selon le texte de Daniel Fasquelle, « en 2014, 44 % des personnes autistes étaient victimes de maltraitance, de mauvais traitements ou de carence en matière de soins ». Le président du Raahp remet également en cause cette statistique, considérée comme « partisane, partiale et peu scientifique ». Le chiffre émane d’une étude menée par le Collectif Autisme, qui a soutenu la proposition de loi de 2012. Laquelle se fonde sur un questionnaire envoyé par mail, auquel 538 familles ont répondu, sur l’accès au diagnostic précoce et à l’éducation.
Prise de position de Ségolène Neuville contre le packing
Face à ces débats, le gouvernement se positionne-t-il ? En mai dernier, la secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées a transmis une circulaire aux ARS indiquant que « cette pratique doit être considérée comme une mise en danger de la santé, de la sécurité et du bien-être moral et physique ». Elle a ainsi subordonné la signature de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) des établissements médico-sociaux à l’absence totale de pratique de packing. Sauf que cette dernière a exclusivement cours en milieu hospitalier, ce qui revient à annuler la portée de la circulaire. Joint par tsa, le cabinet de Ségolène Neuville a indiqué qu’elle s’exprimera aujourd’hui sur le projet de résolution.
Qu’est-ce que le packing ?
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Si elle est au centre de la polémique sur la psychanalyse, la pratique du « packing » s’avère assez marginale en France. Selon le journal Neuropsychiatrie, elle n’est proposée qu’à quelques enfants et adultes chaque année, en situation d’agitation ou d’automutilation. Elle consiste à envelopper dans des draps humides la personne, avec son consentement, afin d’apaiser et de contrôler les troubles du comportement. L’une des rares études sur le sujet provient de l’American Journal of Psychiatry (1988). Sur 46 patients étudiés, 38 sont décrits comme calmés par les enveloppements. 30 % demandent à les poursuivre. Une autre étude suisse de 2016 portant sur 172 enveloppements conclut à une diminution de la posologie d’antipsychotiques et d’anxiolytiques.
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