Nuit debout : le travail social entre dans la danse

Nuit debout : le travail social entre dans la danse

19.05.2016

Action sociale

Le 17 mai, la Bourse du travail parisienne accueillait la première assemblée générale de "Travail social debout". Réunissant syndicalistes plus ou moins aguerris et jeunes travailleurs sociaux, parfois en formation, elle a été l'occasion de réaffirmer l'opposition au projet de loi travail, mais aussi de revendiquer une autre pratique du travail social. Reportage.

A deux pas de la place de la République, la première assemblée générale de "Travail social debout"se tient dans la salle Eugène Varlin de la Bourse du travail. Mais qui est cet Eugène Varlin ? Ouvrier relieur de profession, il a été l'un des fondateurs de l'association internationale des travailleurs, appelée la première internationale. Ce militant libertaire a participé activement à la Commune de Paris au cours de laquelle il a perdu la vie.

Tonalité libertaire

Lors de cette AG qui a duré plus de deux heures ce 17 mai, l'esprit d'Eugène Varlin semble souffler. Refus de toute démarche autoritaire, aspiration à l'émancipation des populations, prise de décision collective... la tonalité est assurément libertaire. Sur la petite tribune devant la banderole "Travail social debout - Grève générale", cinq professionnels. Il y a là Baptiste, Emilie, Jonathan, Laure et Mathilde (l'usage du prénom et du tutoiement est de rigueur), une majorité d'éducateurs spécialisés. Trois se présentent syndiqués à la CGT ou à Sud.

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L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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Mobilisation à l'IRTS Montrouge

Après avoir laissé la parole à une étudiante, un enseignant et un cheminot, tous engagés contre la loi Travail, on entre dans le vif du sujet. "A l'IRTS Montrouge, explique Laure depuis la tribune, nous sommes mobilisés depuis début mars. Nous avons fait des AG avec une cinquantaine d'étudiants et tenté de mobiliser d'autres écoles. Le travail social est touché de plein fouet par la loi El Khomry". Selon elle, l'adoption de cette loi ferait sauter un certain nombre de digues alors même que le travail social est fragilisé. Et l'étudiante en 3e année d'éduc-spé de citer en vrac la refonte des diplômes, "les stages super courts, pas plus de deux mois, et fractionnés qui ne permettent pas d'expérimenter la relation éducative". Sont également dans l'oeil du cyclone, l'entrée dans le secteur via le mécénat de "Danone, Véolia, Vinci, etc." et encore le déconventionnement de nombreuses structures dans le champ de la prévention spécialisée...Conclusion de Laure : "Si nous n'agissons pas maintenant [contre la loi Travail], les choses ne feront qu'empirer".

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

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Une bonne centaine de personnes

Le mouvement Nuit debout a permis de faire converger des initiatives assez éparses. Depuis trois à quatre semaines, un petit noyau de travailleurs sociaux s'est constitué, se retrouvant tous les deux-trois jours. Ils se rassemblent régulièrement sous une bannière commune lors des nombreuses manifs sur le pavé parisien. Grâce à la magie des réseaux sociaux (Facebook...), ils ont mobilisé les travailleurs sociaux, en tout cas, une frange d'entre eux. Ont répondu présentes, dans cette salle Eugène Varlin, une bonne centaine de personnes. La moyenne d'âge est assez jeune (avec de nombreux étudiants), mais aussi quelques cheveux gris aguerris sont là. On vient de Paris évidemment, mais aussi du 92 (Hauts-de-Seine), du 91 (Essonne) et de l'inévitable 93 (Seine-Saint-Denis).

Bousculer l'ordre établi

A tour de rôle, chacun prend le micro pour parler de son vécu dans son établissement, de la difficulté de mobiliser les collègues, oscillant entre colère et résignation, de la possibilité historique de bousculer l'ordre établi... En tout, une bonne vingtaine d'interventions, majoritairement émanant d'hommes. C'est tour à tour lyrique, révolutionnaire avec ou sans langue de bois, sensible, voire poétique. A chaque fois, une salve d'applaudissements conclut l'intervention.

Morceaux choisis

Jonathan : "Ce n'est pas possible de ne pas être politisé quand on est travailleur social. Deux voies sont possibles : faire un travail soit pour émanciper les gens soit pour normaliser les choses." Un animateur socio-culturel : "Le travail social est de plus en plus poussé à faire de l'insertion. c'est incompréhensible. Il nous faut travailler sur la notion du care". Mathias, éducateur en foyer d'enfance : "J'ai une rage au quotidien. Elle vient du ventre. Si la loi Travail passe, on va se retrouver seuls face à notre patron." Tito, éduc lui aussi : "La résistance, ça nous fait réfléchir et imaginer des alternatives."

"On fait quoi ensemble ?"

Justement, comment accentuer l'élan ?  Les idées fusent : multiplier les réunions d'information dans les boîtes pour conscientiser les collègues, lancer des actions plus ou moins symboliques, comme une heure de grève par jour, se mobiliser contre les contrats à impact social... Certains voudraient que le mouvement ne se limite pas à une protestation, mais qu'il s'engage dans une vraie réflexion sur le métier. "Tous ensemble, c'est très bien, mais on fait quoi ensemble ?", s'exclame Camille.

Prochains rendez-vous

Mais pour l'instant, l'urgence est au débat sur la proposition d'appel aux travailleurs sociaux. Chacun y va de son amendement, intégré en général dans la proposition de texte initiale. Extrait : "Cette loi [El Khomry] nous concerne comme salarié-e-s, mais elle concerne également les personnes que nous accompagnons et nous entendons lutter jusqu'à son retrait aux côtés des jeunes, des salarié-e-s mobilisé-e-s et des précaires". Le texte adopté à l'unanimité (moins trois abstentions), reste aux travailleurs sociaux debout à se donner rendez-vous le 19 mai pour une nouvelle journée de mobilisation et le 23 mai pour un rassemblement devant les locaux de la DGCS à l'occasion de la commission consultative professionnelle (CPC) qui doit notamment se pencher sur la refonte des diplômes...

Noël Bouttier
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