Ordonnances Macron : la fusion des IRP discutée du 26 juin au 7 juillet

Ordonnances Macron : la fusion des IRP discutée du 26 juin au 7 juillet

07.06.2017

Représentants du personnel

Du 26 juin au 7 juillet se dérouleront les réunions de concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux au sujet de la fusion des instances représentatives du personnel souhaitée par le Premier ministre et la ministre du Travail, selon "le programme de travail" transmis hier aux organisations syndicales et patronales en vue des ordonnances.

L'opération séduction -ou déminage si l'on préfère- continue. Au lendemain de la publication par le Parisien d'un document de travail sur l'avant projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour réformer le droit et le marché du travail, le Premier ministre, avec sa ministre du Travail, a mis en scène sa volonté de concertation sur le thème : "Rien n'est décidé".

Edouard Philippe, le Premier ministre, a insisté hier, lors d'une déclaration à Matignon, sur "le respect des partenaires sociaux" : "Je crois à la négociation, à la discussion : elle passe par le respect dû à ses interlocuteurs (..) On ne commence pas bien les discussions en commençant par dire où elles doivent arriver", a-t-il lancé.  "Nous ne prétendons pas tout connaître d'avance, et donc nous allons beaucoup écouter", a renchéri Muriel Pénicaud. La ministre du Travail a précisé que 48 réunions de concertation seront consacrées à la préparation des ordonnances, soit 6 réunions par organisation syndicale et patronale, les organisations non représentatives étant elles-mêmes associées au processus. L'entourage de la ministre du Travail veut donc rassurer : pour trouver sa voie dans la mondialisation, la France doit faire évoluer son modèle social, non le battre en brèche (*).

Ouvert, oui, mais déterminé aussi

Si l'Exécutif souhaite donner une image d'ouverture, il veut tout autant qu'on retienne sa détermination à réformer, au nom "de la guerre sociale contre le chômage de masse", selon les mots du Premier ministre. La lecture du document intitulé "programme de travail", transmis aux partenaires sociaux hier, donne ainsi moins des précisions sur le fond des réformes (les mots qui fâchent en sont bannis) que sur le calendrier : tout doit aller vite.

Concernant les trois thèmes prioritaires, le calendrier de concertation est le suivant.

Du 9 au 23 juin se dérouleront les réunions sur le thème de la bonne articulation des niveaux de négociation. L'entourage de la ministre du Travail explique vouloir procéder avec "pragmatisme" sur ce chantier, afin de ne pas rallumer "de guerre de religions", l'idée étant d'éplucher, avec les partenaires sociaux, les grands thèmes du champ conventionnel, pour décider ce qui devra relever de la négociation d'entreprise ou de la négociation de branche. Des sujets resteront à l'écart de la négociation d'entreprise comme, assure le gouvernement, la mutualisation de la formation professionnelle, le financement du paritarisme, les classifications ou encore les minima conventionnels de branche. Mais la question des primes conventionnelles de branche pourrait être sur la table. 

L'idée d'une réforme générale du code du travail, qu'aurait préparé la commission de refondation du code prévue par le précédent gouvernement, semble ici abandonnée. Mais l'objectif de pousser à la décentralisation de la négociation collective paraît maintenu. "La norme du travail de demain doit être co-élaborée par les partenaires sociaux, et d'abord dans l'entreprise, pour être plus souple, plus spécifique, plus concret, plus adapté aux attentes des salariés et des entreprises", a dit hier Muriel Pénicaud.

Du 26 juin au 7 juillet se dérouleront les réunions sur le thème de la simplification et du renforcement du dialogue économique et social et de ses acteurs. Il s'agit ici clairement d'aller vers une fusion des instances représentatives du personnel, "au moins de celles de consultation" (soit DP, CE et CHSCT) et "voir à quelles conditions on peut aller plus loin", c'est à dire en incluant les délégués syndicaux. Dans les entreprises françaises, "on ne peut pas rester avec 4 instances de dialogue social. Les salariés ne peuvent pas être représentés de 4 manières différentes, ça n'a pas de sens et nous sommes le seul pays du monde à avoir créé cette complexité. Ca ne profite ni aux représentants des salariés, qui ont du coup une vision spécialisée des choses et sont privés de la vue d'ensemble, ni aux chefs d'entreprise, qui répètent 4 fois la même chose, ce qui alimente chez certaines une mauvaise image du dialogue social", a dit hier Muriel Pénicaud. L'argument selon lequel cette réforme intervient alors que la réforme Rebsamen n'a pas encore porté ses fruits n'a pas été retenu par le gouvernement qui affiche ici son souhait d'aller vite. Car dit-on au ministère, les entreprises mettent du temps à s'emparer des nouveautés législatives, donc on ne peut déduire du faible nombre actuel d'entreprises ayant volontairement fusionné leurs instances qu'une fusion généralisée ne les intéresse pas...Ce dossier devrait aussi comprendre des dispositions de simplification pour les entreprises de moins de 50 salariés et pour les TPE, mais qui ne sont pour l'instant pas évoquées précisément, ainsi qu'un renforcement des acteurs légitimes du dialogue social : il s'agit ici des questions relevant de la reconnaissance des compétences des élus du personnel et du chèque syndical.

Du 10 au 21 juillet se tiendront les réunions sur le thème de "la sécurisation des relations de travail". Ces termes recouvrent l'idée d'un plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif. Le document ne reprend pas ces termes et leur préfère les mots de "barèmisation des dommages et intérêts" prud'homaux. "Cette barémisation, dit le programme de travail, permettra une plus grande équité et redonnera confiance aux employeurs et aux investisseurs, notamment dans les TPE et PME". La "sécurisation des relations de travail" comprend aussi "certaines règles qui entourent le licenciement" et qui, selon le gouvernement, ne sécurisent ni le salarié ni l'entreprise. Il pourrait s'agir ici de voir comment un oubli formel de la part d'une PME dans une lettre de licenciement n'aurait pas pour conséquence la nullité du licenciement. Un chantier sensible. Le télétravail fera aussi partie des discussions.

Des ordonnances d'ici le 21 septembre

Sur ces trois thèmes, les concertations reprendront en août pour se clore début septembre avec la saisie des organismes consultatifs (CNCC, commission nationale de la négociation collective, CSP, conseil supérieur de la prud'homie, COCT, conseil d'orientation pour l'amélioration des conditions de travail). Les ordonnances, dont le projet de loi d'habilitation aura été adopté en conseil des ministres du 28 juin et voté par le Parlement en juillet, seront publiées d'ici la fin de l'été, soit avant le 21 septembre. "Ce sera un été intense de discussion", a dit Edouard Philippe.

Mais d'autres discussions débuteront en septembre : le gouvernement veut échanger dès l'automne avec les partenaires sociaux autour de "la sécurisation des parcours professionnels pour prévenir et lutter contre le chômage". L'apprentissage, l'assurance chômage et la formation feront l'objet d'un projet de loi au printemps 2018. Rappelons qu'Emmanuel Macron a prévu de réformer la gestion de l'assurance chômage et d'en ouvrir le bénéfice aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants, et de consacrer un grand plan d'investissement pour la formation notamment des demandeurs d'emploi. Hier, Edouard Philippe a précisé que la suppression des cotisations salariales sur l'assurance chômage et l'assurance maladie, financée par un transfert sur la CSG qui sera augmentée, seront effectives pour les salariés dès le 1er janvier 2018.

L'an prochain auront également lieu les échanges préalables à "la rénovation du système des retraites". 

(*) Suite à la parution hier soir d'un article de Libération intitulé "la réforme du code du travail que prépare vraiment le gouvernement", la ministre du Travail a publié un communiqué affirmant que le document cité par le quotidien n'avait "aucune valeur politique" et n'engageait "en rien" le gouvernement. "Le ministère du Travail, ajoute le communiqué, n’a pas commenté et n’a pas l’intention de commenter tous les documents qui pourraient circuler sur les sujets touchant à la concertation avec les partenaires sociaux". 

 

Les réactions syndicales au texte du gouvernement

CFDT : "Un texte très général et déséquilibré"

Le texte du gouvernement "reste à ce stade très général et peu précis sur les mesures envisagées", réagit la CFDT qui juge le texte "déséquilibré" car n'abordant pas de droits nouveaux dans le compte personnel d'activité (CPA). C'est une "opportunité pour les partenaires sociaux de faire des propositions tout au long de la phase de concertation", estime toutefois la confédération qui prévient qu'elle sera vigilante sur le rôle de la branche, sur la place et les moyens des représentants du personnel et sur "les flexibilités qui ne doivent pas se traduire par une fragilisation des salariés".

FO : "Un texte sans surprise" avec des points positifs et négatifs

"Il n'y a pas de surprise sur le calendrier et sur le respect de la concertation", commente FO dans une déclaration de son bureau confédéral. FO juge "positifs" le respect de l'ordre public, la place de la branche ou la conciliation prud'homale mais pointe les points négatifs s'agissant "des prud'hommes, des institutions représentatives du personnel, l'objectif de simplification ou les traitements des vices de procédure".

La CGT "appelle les salariés à se mobiliser pour peser"
"Le gouvernement propose des recettes déjà utilisées depuis plusieurs décennues qui n'ont jamais produit d'effets si ce n'est détruire les droits, les protections des salariés sans aucune répercussion positive sur l'emploi", réagit la CGT. Le syndicat, qui évoque un risque de "dumping social", juge que l'option du gouvernement est "de sécuriser les employeurs et précariser les travailleurs". La confédération "appelle l'ensemble des salariés à se mobiliser pour peser dans les jours et les semaines à venir"

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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