Après la publication par Libération d'un document de travail sur les ordonnances Macron, la ministre du Travail a annoncé un dépôt de plainte contre X pour vol et recel de documents. Une décision diversement commentée par les syndicats du ministère, qui appellent tous à une grève le 20 juin à propos des effectifs et des conditions du travail dans le ministère.
Volonté d'éteindre un début d'incendie, au risque d'attiser les braises ? Vendredi 9 juin, la ministre du Travail a annoncé sur France Info sa décision de porter plainte contre X pour vol et recel de documents, à la suite de la publication mercredi par Libération d'un document daté du 31 mai, présenté par le journal comme venant de la direction générale du travail (DGT), et qui détaille les pistes du gouvernement en vue des ordonnances réformant le droit du travail (notre article). Ce document avait provoqué des réactions agacées de la part de certaines organisations syndicales, Philippe Martinez (CGT) exprimant la crainte que "l'Exécutif essaie de nous duper".

Muriel Pénicaud a justifié sa plainte en disant que les agents du ministère se sentaient "très atteints que l'un des leurs puisse faire une chose qui est si contraire aux lois de la République". En déposant plainte, la ministre souhaite donc "protéger l'administration du travail". Muriel Pénicaud continue donc d'affirmer que le document "n'a aucune valeur ni aucun intérêt" et "n'engage en rien le gouvernement" : "Nous avons une méthode transparente et équitable, nous travaillons de la même façons avec les organisations patronales et syndicales. Nous avons 6 réunions programmées avec chacune des organisations (..). Il n'y a pas d'agenda caché ni de copie cachée, il y a une copie à co-construire. Tout n'est pas conçu à l'avance. Il y a des options qui ont été annoncées dans le programme présidentiel et d'autres qui sont à co-construite ou à préciser ensemble". Mais, a tenu à préciser la ministre, "on ne négociera rien dans l'entreprise à propos des modalités du contrat de travail".

Le syndicat CGT du ministère du Travail réagit vivement à la décision de la ministre de faire porter plainte à l'administration : "Que le premier acte public de notre ministre soit d'aller faire chercher quel est l'agent, dans l'administration, à l'origine de la fuite de ce document a quelque chose de choquant", déclare Julien Boeldieu, du SNTEFP-CGT. Pour le syndicaliste, le gouvernement doit "mettre sur la table" ce qu'il souhaite faire à propos du droit du travail. Ce qui est choquant, ajoute Julien Boeldieu, ce n'est pas la publication du document, "ce sont les conditions de travail et la baisse du nombre d'emplois du ministère, qui n'arrive plus à répondre aux besoins du public et qui n'arrive pas à suivre l'accumulation des réformes". La CGT rappelle d'ailleurs qu'un appel intersyndical à la grève, avec pour mot d'ordre l'emploi et les conditions de travail, a été lancé par tous les syndicats du ministère pour le 20 juin. Au passage, Julien Boeldieu s'alarme de la perspective d'un droit dépendant de plus en plus des négociations collectives d'entreprise : "Comment l'inspection du travail sera-t-elle demain capable de contrôler que le droit est bien appliqué s'il lui faut d'abord rassembler tous les textes conventionnels applicables pour chaque entreprise ?"

La réaction de Brigitte Pineau, du syndicat UNSA-ITEFA, est différente. "Si des documents ont été volés, l'administration a le droit de porter plainte. En tant que fonctionnaires, nous avons tout de même, depuis la loi d'Anicet Le Pors de 1983 (*), un droit de réserve", rappelle la syndicaliste qui remarque au passage que, économie oblige, beaucoup d''agents partagent une seule imprimante placée dans un couloir et que, donc, des documents peuvent échapper à celui qui lance leur impression. Pour autant, Brigitte Pineau ne cache pas un certain étonnement devant la décision de la ministre : "Si ce document n'engage en rien le gouvernement, pourquoi dès lors porter plainte ?"
(*) Selon l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983, "les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions". Mais à proprement parler, il ne s'agit pas d'une obligation de réserve, celle-ci relevant plutôt d'une construction jurisprudentielle.
La réaction de Libération |
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La plainte du ministère du Travail "vise à la fois notre journal (pour recel), et ses sources (pour vol)", a réagi Laurent Joffrin dans un billet. "On comprend certes qu'un gouvernement souhaite étudier les différentes hypothèses qui s'offrent à lui sans encourir à l'avance la réprobation publique, écrit le directeur de la publication. Mais l'obligation d'informer qui incombe à la presse veut aussi que le citoyen soit mis au courant des projets qu'on agite, le cas échéant pour les combattre". Et le directeur de Libération d'ajouter : "Si on suit (la ministre), les ministères français seront transformés en autant de boîtes noires, inaccessibles au commun des mortels, protégées par les juges et les policiers. Ainsi les détenteurs du pouvoir travailleront à l'abri de la dérangeante curiosité de l'opinion, comme le veut, dans le privé, l'establishment managérial". |
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