Longtemps taboue, la question de la parentalité des personnes handicapées devient un enjeu important des politiques d'inclusion. Un colloque a permis de confronter diverses réalités sur le nécessaire accompagnement de ces projets d'éducation d'enfants. La réforme de la prestation de compensation du handicap (PCH) devrait intégrer l'aide à la parentalité.
"Il y a des endroits en France où la question de la parentalité des personnes handicapées est perçue comme un Ovni. Et cela ne concerne pas que des territoires reculés comme la Lozère, mais aussi des centres urbains comme Paris, Marseille ou Lyon." Porte-parole du comité Parentalité des personnes en situation de handicap, Agnès Bourdon-Busin douche les ardeurs de ceux qui pourraient croire que les réalités progressent très vite. Même si la tendance à l'amélioration des situations est réelle, les difficultés sur le terrain sont indéniables. "Actuellement, certains parents sont noyés par ce qui leur arrive car ils ne sont pas accompagnés", poursuit la porte-parole.
Information sur la vie sexuelle
Ce colloque organisé au ministère des solidarités par ce comité Parentalité, avec le soutien de l'APF France handicap, AFM Téléthon, la Croix-rouge française, etc., a montré que la parentalité des personnes handicapées sort de l'ombre. Voici un an, le comité organisait sa première journée d'études sur les accompagnements à la parentalité pour tous les handicaps. Cela a donné lieu à la rédaction d'une plate-forme qui sert de base aux discussions avec les partenaires. Parmi les mesures proposées, la question de l'information sur la vie sexuelle est centrale. Elle vise aussi certains professionnels de santé qui sont très rétifs à l'idée d'une grossesse d'une femme handicapée. "Ma gynécologue n'a pas voulu m'enlever mon stérilet pour éviter que je tombe enceinte, explique l'une d'entre elles. Elle pense que ce n'est pas bien dans ma situation."
Vaincre les préjugés
Le professeur Marc Dommergues, chef de service gynécologie et obstétrique à la Pitié-Salpêtrière, cite quelques-unes des réserves entendues. "On nous demande si on ne va pas dépenser trop pour ces femmes. Et puis, j'entends aussi des gens me demander pourquoi inciter des femmes à avoir des enfants dont elles n'arriveront pas à s'occuper. D'autres, enfin, craignent que l'environnement atypique dans lequel évolueront les enfants ait un impact négatif sur eux."
Difficultés quotidiennes
Pour lever ces réticences, la question de l'accompagnement des parents est déterminante. C'est la mission du service de guidance périnatale et parentale des personnes en situation de handicap (Sapph) de Paris. Selon une enquête conduite par les équipes du professeur Dommergues auprès de personnes suivies par le Sapph, les parents rencontrent plus de difficultés pour donner le repas ou changer leur bébé que pour jouer avec lui ou pour le câliner. D'où l'importance der mettre en place des aides humaines adaptées aux incapacités des personnes.
Pôle de ressources dans chaque département
Selon le gouvernement représenté notamment par la secrétaire d'Etat Sophie Cluzel, la stratégie nationale de soutien à la parentalité ("Dessine moi un parent") a intégré les besoins spécifiques des personnes handicapées. Les choses existent sur le papier, mais Agnès Bourdon-Busin insiste sur des outils précis : par exemple un pôle de ressources dans chaque
département. Secrétaire général du comité interministériel du handicap (CIH), Céline Poulet cite plusieurs appuis au soutien à la parentalité. Il faut, par exemple, essaimer les bonnes pratiques comme les assistants en projet de vie. D'autre part, la réforme de la prestation de compensation du handicap (PCH), au menu de la prochaine conférence nationale du handicap (CNH) au printemps 2019, devrait intégrer l'aide à la parentalité. Elle précise que des groupes de travail sont en train de travailler sur des besoins précis.
Inégalités interdépartementales
Cette question de la parentalité des personnes handicapées intéresse de très près le Défenseur des droits. L'adjoint chargé des discriminations, Patrick Gohet, considère qu'il faut oeuvrer dans quatre directions : d'abord, travailler sur la représentation culturelle des personnes handicapées ; ensuite, s'attaquer aux extraordinaires inégalités de traitement dans les politiques de l'enfance conduites par les départements. L'ancien délégué interministériel aux personnes handicapées insiste également sur l'importance des politiques de compensation personnelle et environnementale. Enfin, il lui importe de ne "laisser personne au bord du chemin". Il propose par ailleurs de constituer un groupe de travail au niveau du Défenseur des droits chargé de réfléchir à la pair-évaluation.
Evolution du regard des parents
De son côté, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) explique que toutes les structures d'accueil de la petite enfance doivent être accessibles, et pas simplement sur le plan physique. "Il y a un gros travail à poursuivre", reconnaît sa représentante Dominique Ducroc-Accaoui. Elle note une évolution intéressante dans le regard des parents. "Avant, ils avaient tendance à rejeter les structures inclusives ; aujourd'hui, ils les recherchent."
Révolution culturelle
Venant conclure les travaux, le secrétaire d'Etat chargé de la protection de l'enfance Adrien Taquet considère que "les choses avancent" en citant la généralisation de l'entretien périnatal. Il insiste sur les besoins en formation des professionnels à la parentalité des personnes handicapées. En écho, ce témoignage d'une jeune femme en fauteuil qui expliquait combien la sexualité n'était pas prise en compte dans son foyer : "Il est impossible d'avoir un lit double". La "petite révolution culturelle" dont parlait le secrétaire d'Etat apparaissait alors encore loin...