Comment une éducatrice, arrivée par la petite porte dans le social, construit son itinéraire professionnel jusqu'à s'engager dans une formation Caferuis pour devenir chef de service ? Stéphanie Roa, étudiante à l'IFTS d'Echirolles, raconte son parcours dans notre série de portraits d'étudiants en travail social qui se poursuit en janvier.
Il y a certaines personnes qui dès l'adolescence, ont trouvé leur voie (professionnelle) et l'explorent dès que faire ce peut. Il y en a d'autres pour qui la route est faite de tâtonnements, de virages, ce qui forge parfois une volonté de fer. Incontestablement, Stéphanie Roa se classe dans la seconde catégorie. Celle qui devrait, dans quelques mois, prendre des responsabilités de chef de service n'était pas vraiment "programmée" pour bosser dans le médico-social. Mais elle l'a fait. Et son parcours ne fut pas un fleuve tranquille.
Un contrat aidé pour commencer...
Adolescente, l'Iséroise se voyait bien laborantin. "J'aimais bien le principe des expériences en laboratoire", explique-t-elle. Et puis la vie en décide autrement. Stéphanie s'échappe vers le commerce, vendant "à peu près de tout". Mais ça va, un temps, car elle savait qu'elle "réussirait à faire autre chose." Par la petite porte, elle entre dans le social. Dans le cadre d'un contrat emploi solidarité (CES), elle accompagne des enfants trisomiques pour leur entrée en école maternelle.
... puis la formation de moniteur éducateur...
Grâce à la formation continue proposée par le Greta, elle effectue une remise à niveau pour préparer le concours de moniteur éducateur. "J'étais intéressée par les problématiques adolescentes et je pensais pouvoir apporter quelque chose", dit-elle. La voilà (déjà) en formation à l'Institut de formation en travail social (IFTS) d'Echirolles, dans la banlieue grenobloise. Nous sommes à l'orée du nouveau siècle et Stéphanie l'entame en assurant des remplacements dans un établissement accueillant des traumatisés crâniens puis dans un foyer assurant un accueil d'urgence pour des adolescents en difficulté.
... et celle d'éducateur spécialisé
Elle est ensuite embauchée dans une Maison d'enfants à caractère social (Mecs) appartenant à la fonction publique hospitalière. Quelques années après, elle poursuit sa route de formation en passant le diplôme d'éducateur spécialisé grâce à une formation passerelle proposée par l'IUT de Grenoble.
Changement de regard
Alors, on lui demande, faussement naïf : "Qu'est ce que cela vous a apporté dans le travail d'accompagnement des jeunes ?" Elle vous répond : " On acquiert des éléments de réflexion permettant de voir les choses différemment. Cela change la façon dont on regarde." Mais elle explique également avoir beaucoup appris de ses collègues qui "ont de la bouteille" et qui "ont forgé des outils."
Comme un médecin généraliste
Quand Stéphanie parle de son métier, elle le compare à celui d'un médecin généraliste : "On doit être capable de s'occuper de tous les problèmes", dit-elle tout en précisant : "Nous ne sommes pas des magiciens. J'attends toujours la livraison des baguettes magiques". Et quand on lui demande si elle sature parfois d'être si proche des douleurs de l'enfance et de l'adolescence, elle prononce un mot : "Jamais".
"Quand on n'avance pas, on recule"
Dans sa Mecs, Stéphanie s'implique, devient déléguée du personnel. "J'ai toujours été syndiquée, précise-t-elle. Je suis là pour défendre certaines valeurs." Mais elle n'en reste pas là, a déjà l'envie de poursuivre sa route de formation. "Quand on n'avance pas, on recule", explique-t-elle.
Elle reprend la route de l'IFTS d'Echirolles pour une semaine de formation par mois dans le cadre du Caferuis (1). Elle trouve le brassage très riche dans sa promotion avec des professionnels venus de tous les horizons (éduc., AS, EJE...) et de toutes les générations. La première année, c'est un peu le choc, reconnait-elle car la syndicaliste se retrouve de "l'autre côté de la barrière", avec des cours de gestion administrative et budgétaire, de management, etc. "Il faut en avoir conscience, sinon on tombe de haut", explique Stéphanie (voir la vidéo).
Un bon chef de service, c'est...
Pour être un bon chef de service, selon elle, il ne faut pas simplement maîtriser une palette d'outils ; il faut également "lire, s'instruire, avoir de la culture". Et d'ajouter : "Il faut être en capacité de comprendre un système et d'en faire la traduction aux équipes." Elle le reconnaît volontiers, elle a observé attentivement l'attitude d'un ancien chef de service qui lui a sans doute donné l'envie de prendre ces nouvelles responsabilités.
Virus familial
Au cours de cette formation qui se déroule sur deux ans, elle effectue un stage de 210 heures dans une structure accueillant des mineurs étrangers isolés. Elle devra, pour que le Caferuis soit validé, produire un dossier technique ("repérer une problématique et l'analyser") ainsi qu'un mémoire d'une cinquantaine de pages. "Je passe une partie de mes nuits et de mes week-ends à écrire", explique-t-elle. On lui demande alors si ses filles n'ont pas été "dégoûtées" d'avoir une mère aussi prise par son travail et ses formations. "Deux d'entre elles ont le projet de travailler dans le social", vous répond-elle. Comme quoi, le virus du social se transmet parfois de mère en filles...
(1) Certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'Intervention sociale.
Retrouvez nos précédents portraits :
Le 9 octobre : Coralie, passion EJE (lire ici)
Le 16 octobre : Aurélien, un homme dans un "monde de femmes" (lire ici)
Le 23 octobre : Julien ou la passion pour les jeunes "cabossés" (lire ici)
Le 30 octobre : Emilie, l'AS qui voulait changer le monde (lire ici)
Le 6 novembre : Yoann, en Deis et en quête de sens (lire ici)
Le 13 novembre: Ophélie, le travail social sans tabou (lire ici)
Le 20 novembre : Céline, assistante sociale sur le tard (lire ici)
Le 27 novembre : Ornella ou le choix de l'ouverture (lire ici)
Le 4 décembre : Laurène, le social à fleur de peau (lire ici)
Le 11 décembre : Flore, un double cursus sinon rien (lire ici)
Le 18 décembre : Delphine, dans le quotidien des familles (lire ici)
Prochain portrait :
Le 8 janvier 2016, Ludovic en formation CESF à l'IRTS Parmentier