Etudiant à l'IRTS Parmentier à Paris, Ludovic Ricco présente une double originalité. Il suit une formation de conseiller en économie sociale et familiale (CESF), très largement féminine. Et il effectue son stage long dans le cadre d'une entreprise alors que les CESF officient souvent dans des structures publiques ou associatives. Portrait d'un étudiant atypique.
Ce qui frappe lorsqu'on le rencontre dans sa résidence étudiante de Bagnolet, c'est le côté "cash" de Ludovic Ricco. Il raconte les choses simplement, va directement au but, ne se noie pas dans les explications. Quand on lui demande pourquoi, ado, il voulait travailler dans les services hospitaliers, il parle de l'influence des séries américaines comme Grey's Anatomy. Et si on l'interroge sur le secteur dans lequel il aimerait travailler après sa formation, il parle de l'entreprise, plus rémunératrice.
Répondre aux questions des salariés
L'entreprise, parlons-en justement. C'est dans ce cadre que Ludovic effectue son stage dans le cadre de sa 3e année pour devenir conseiller en économie sociale et familiale (CESF). La boîte, il n'a pas le droit de donner son identité (pour une raison obscure). On peut tout de même dire que celle-ci intervient dans le domaine de la vente par internet et qu'elle regroupe pas moins de deux mille salariés. Il y travaille aux côtés d'une CESF en poste qui répond à toutes les questions que se posent les salariés en matière de logement, d'endettement ou de reconnaissance de handicap.
Entrer en confiance
Mais est-il si facile dans un cadre professionnel de confier ses difficultés ? Ludovic insiste sur l'obligation de confidentialité inhérente à tout travail social. Et comment se faire connaître auprès des salariés ? "Ils peuvent nous contacter directement via l'intranet de l'entreprise", explique Ludovic. Et pour être bien identifié des salariés, le CESF part régulièrement à leur rencontre sur leur poste de travail afin d'engager la discussion et entrer en confiance. "Par rapport aux personnes qui travaillent dans les bureaux, celles qui sont dans les entrepôts rencontrent le plus de difficultés dans leur vie quotidienne. Elles sont vite dépassées face à un problème. Notre rôle, c'est aussi de les écouter et les rassurer", assure l'étudiant.
Compétences en biologie, économie
Avant d'atterrir dans cette grosse entreprise, le Biterrois a connu un parcours en plusieurs étapes. Bachelier ST2S, il s'oriente vers l'université qu'il quitte rapidement. Il se dirige alors vers un BTS en économie sociale et familiale. "L'originalité de cette formation, par rapport à celle des travailleurs sociaux, c'est que nous acquérons des compétences en biologie, en économie à côté de celles sur les politiques sociales", insiste-t-il, en regrettant la méconnaissance qui entoure les formations en économie sociale et familiale.
"Dans 5 ou 10 ans, j'aurai plus de vécu"
De ses stages pendant les deux années de BTS, Ludovic se souvient surtout de celui qu'il fit dans un service social auprès des personnes âgées dépendant du conseil départemental de l'Hérault. Dans le cadre d'un dossier pour son école, il réalise un travail sur la prévention des chûtes. "J'ai été ému deux à trois fois par des rencontres avec ces personnes. Cela me renvoyait à la situation de mes parents dans 20 à 30 ans, à la mort. Je crois que je suis un peu trop jeune pour travailler avec ce public. Dans 5 ou 10 ans, j'aurais suffisamment de vécu pour avoir cette distance nécessaire", explique l'étudiant de 22 ans.
Quelques jours après Charlie...
Avec son BTS, il aurait pu s'arrêter là, mais il a souhaité approfondir ses compétences en travail social. D'où cette 3e et dernière année dans le cadre de l'IRTS Parmentier. Pour l'occasion, il "monte" à Paris. Pour entrer à l'Institut, il se rappelle avoir dû répondre, lors d'une épreuve de groupe, à la question : "La liberté naît-elle de la suppression des contraintes ?" C'était quelques jours après l'attentat contre Charlie en janvier 2015...
Quatre domaines de compétence
Pendant cette année très intensive, il doit acquérir quatre domaines de compétence : rédiger un mémoire de recherche qu'il compte consacrer aux demandeurs d'asile ; mettre en place un accompagnement personnalisé ou une action collective au cours de son stage ; maîtriser la communication professionnelle, orale et écrite ; approfondir la connaissance des politiques sociales déjà introduite lors des deux années de BTS.
La bienveillance, qualité première
Quand on lui demande ce qui a changé chez lui depuis le début de sa formation, il répond : "Au départ, j'étais brut de décoffrage, assez naïf. J'ai appris à être attentif à chaque personne, à sa singularité. J'ai aussi travaillé sur mon vocabulaire que j'ai enrichi." Et puis, il ajoute : "La qualité première d'un travailleur social, c'est la bienveillance." Comme quoi, on peut être "cash" et bienveillant...
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