Paroles d'étudiants (2) : Aurélien, un homme dans un "monde de femmes"

Paroles d'étudiants (2) : Aurélien, un homme dans un "monde de femmes"

16.10.2015

Action sociale

Pour cette seconde étape de notre série sur les étudiants en travail social, nous sommes allés à la rencontre d'un futur éducateur de jeunes enfants (EJE). Educateur et pas éducatrice... Aurélien Le Bescond fait figure d'exception dans ce métier qui semble l'apanage des femmes. Une situation particulière que ce jeune homme de 26 ans aborde avec beaucoup de recul.



"Le travail social serait-il une affaire de femmes?" A l'été 2011, notre magazine tsa mettait les pieds dans le plat en proposant ce grand angle. Dans son éditorial, Marion Léotoing résumait la situation en quelques phrases : "Plus de 80 % des salariés du secteur social seraient des femmes. Pourquoi une telle féminisation ? Sans doute parce que dans l'imaginaire collectif, les métiers du social appellent des qualités généralement associées au genre féminin, telles la douceur, l'écoute, l'attention à l'autre, voire le sens du devoir."

Des espèces curieuses

"Où sont les hommes ?", se demandait notre éditorial. Alors quand l'école pratique de service social (EPSS), nous propose de "portraiter" un homme étudiant en formation d'éducateur de jeunes enfants (EJE), on n'hésite pas longtemps. Dans ce travail auprès des tout jeunes enfants qu'a si bien décrit Coralie Aubert lors du premier volet de notre série de portraits, le taux de féminisation est encore plus élevé que les 80 % cités plus haut. Les hommes constituent des exceptions qu'on scrute comme des espèces curieuses. Avec les questions suivantes : comment se faire accepter dans un monde professionnel quasi exclusivement féminin ? ; dans l'éducation des jeunes enfants, qu'apporte en plus un homme à des bambins dont une proportion non négligeable est élevée par la seule maman ?, etc.

Action sociale

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Bac S en poche

Toutes ces questions brûlent les lèvres quand on rencontre un lundi matin Aurélien Le Bescond, étudiant en troisième année d'EJE, dans une salle impersonnelle de l'EPSS à Cergy. Le jeune homme, à l'abord un tantinet réservé, répond avec flegme aux curiosités du journaliste. Mais d'abord comment en vient-on à épouser ce métier, alors que les portes des écoles d'ingénieur pouvaient s'ouvrir à lui (Aurélien a le bac S) ? Pourquoi renoncer à une rémunération deux ou trois fois plus élevée ? Tout simplement, parce que depuis longtemps, il ressent la vocation d'un travail auprès des jeunes enfants.

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Cauchemar en maternelle

Muni de son bac, Aurélien se dirige vers l'enseignement en visant les maternelles. Après avoir obtenu une licence de biologie, il suit deux années de formation dans le cadre d'un master qui a remplacé l'IUFM. Il s'ennuie un peu en formation ("pendant une année, on a révisé les connaissances à acquérir du niveau collège", explique-t-il ironiquement), mais réalise des stages intéressants dans une petite école en milieu rural qui bénéficie de bonnes conditions de travail. Les choses changent radicalement quand Aurélien prend entièrement en charge une classe à Argenteuil (Val d'Oise) dans le cadre de son année de stage. L'affaire tourne vite au cauchemar : des conditions de travail difficiles, des inspecteurs qui lui reprochent de ne pas faire "ce qu'on attend" et une classe difficile à tenir. En cours de premier trimestre, Aurélien jette l'éponge, tirant ainsi un trait sur les 1700 euros de traitement mensuel.

"Développer l'enfant"

Après le bac, il avait hésité entre instit (ou professeur des écoles) et éducateur de jeune enfant. Il n'hésite plus. Aurélien sera EJE car son objectif est de participer au développement de l'enfant. Le fait d'être un homme dans ce milieu quasi exclusivement féminin interroge forcément. D'ailleurs ça ne rate pas : lors de l'oral d'entrée à l'EPSS, on lui demande si "cela ne va pas [le] gêner" d'être aussi isolé.  Apparemment non. Il n'a jamais remarqué une hostilité à sa présence dans la crèche d'entreprise où il travaille en alternance.

"S'autoriser à faire ce métier"

Aurélien a, en effet, choisi d'être apprenti pour ne pas dépendre financièrement de ses parents. Dans sa promotion de 24 élèves, c'est le seul homme. Sur son lieu de travail, une crèche de 72 berceaux, il a été le premier homme éducateur, mais en cette rentrée de septembre, deux autres hommes ont été embauchés. "Il faut s'autoriser à faire ce métier", en racontant tous les bénéfices que les enfants peuvent engranger de la fréquentation d'éducateurs (voir la vidéo).

Alors bon, ce métier, même s'il ne sera, selon lui, jamais totalement paritaire, devrait être plus accueillant pour les hommes. Et peut-être que, dans dix ans, tsa fera un dossier sur ces métiers du social qui ont été "conquis" par la gente masculine...

 



Prochain portrait : Julien Huet, étudiant en 2e année d'éducateur spécialisé de l'IDS de Canteleu, près de Rouen.

 

Déjà publié : Coralie, passion EJE (cliquer ici)

 

Noël Bouttier
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