Présents hier dans la manifestation parisienne contre le projet de loi Travail, Thierry Nuttin, secrétaire du CCE de la partie logistique d'Intermarché, et Tugdual de Gouvello, secrétaire adjoint d'un CHSCT de Thalès, s'opposent à l'idée d'accords collectifs dérogeant à la loi dans un sens défavorable aux salariés. Le premier doit se confronter à plusieurs PSE tandis que le second a vu exploser les risques psychosociaux sur son site.
Les organisations syndicales opposées au projet de loi Travail (CGT, FO, FSU, Solidaires, etc.) tentent de maintenir la pression sur le gouvernement pour obtenir le retrait du texte, adopté la semaine dernière en première lecture à l'Assemblée grâce au 49.3, et dont le Sénat commencera l'examen en séance publique le 13 juin. Elles organisent deux journées d'action et de manifestation cette semaine, dont l'une s'est déroulée hier, la prochaine ayant lieu ce jeudi 19 mai. "Ce manque de dialogue et de concertation depuis le début du mouvement contre ce projet il y a deux mois, ce n'est pas une bonne chose. Cette semaine, il y a des appels à la grève et des mouvements dans de nombreux secteurs, comme chez les cheminots ou chez les routiers. Quand on n'est pas pas entendu, il faut crier plus fort", a déclaré, en tête d'un cortège parisien très encadré par le forces de l'ordre, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
A ses côtés, Bernadette Groison a justifié la présence de la FSU, syndicat de la fonction publique : "Nous représentons de nombreux salariés du secteur de la formation. L'avenir des conditions de travail des jeunes que nous formons ne peut nous laisser indifférent. D'autre part, ce qui est décidé pour la négociation collective dans le privé préfigure ce qui se passera dans le public". Ce qu'un militant syndical Sud de la Poste nous a résumé de cette formule : "Il n'y a pas deux syndicalismes. Ce que le privé se prend dans la gueule maintenant, on va se le prendre dans le public juste après !"
Interrogés sur les raisons de leur mobilisation, les élus du personnel présents hier à Paris dans la manifestation qui a défilé des Invalides à Denfert-Rochereau citent en premier lieu "l'inversion de la hiérarchie des normes". Thierry Nuttin, secrétaire du CCE d'ITM, la partie logistique d'Intermarché, redoute l'effet d'une loi permettant aux entreprises d'aménager de nombreux points (temps de travail, heures supplémentaires) grâce à un accord collectif. "Partout où les employeurs pourront négocier des accords avantageux pour eux, ils le feront. Pour moi, un accord doit continuer à ne pouvoir apporter qu'un plus aux salariés", soutient cet élu CGT. Ce dernier veut croire "que la mayonnaise" (Ndlr : de la contestation du projet de loi) "va prendre" mais il observe en même temps que les salariés ont dû mal à s'approprier ces enjeux et à se mobiliser : "Pouvoir faire grève, c'est aussi une question de salaire", dit-il.
En queue de manifestation, Tugdual de Gouvello, secrétaire adjoint du CHSCT de Thalès à Gennevilliers (4 000 personnes, essentiellement des cadres), détone avec ses collègues, tous en chasuble CFDT, un syndicat qui n'appelle pourtant pas à manifester : "Au Symnes, l'un des syndicats de la métallurgie CFDT d'Ile-de-France (*), nous sommes opposés à ce projet, en dépit des corrections apportées. C'est l'inversion de la hiérarchie des normes qui nous inquiète le plus, notamment quant aux effets dans les petites entreprises, où 70% à 80% des salariés ne sont pas défendus par des organisations syndicales".
Très différents quant à leur approche du dénouement d'une telle crise sociale (le secrétaire CGT évoque spontanément la candidature de Jean-Luc Mélenchon quand l'élu CFDT se refuse à toute considération politique), les deux élus sont confrontés à des situations différentes dans leur entreprise, le point commun étant les incessants changements d'organisation et de process. Thierry Nuttin en est à son troisième PSE dans la logistique d'Intermarché : "Les deux premiers ont été négociés, le troisième est unilatéral". Ces plans sociaux sont provoqués par le regroupement des centres logistiques, jusqu'alors séparés, "du sec et du frais", des sites parfois distants d'une trentaine de kilomètres et qui désormais fusionnent. "Au lieu de deux fois 250 salariés, on se retrouve avec une fois 250 salariés pour faire tourner l'ensemble, avec l'automatisation et la mécanisation", décrit le secrétaire du CCE. Les prochains sites promis à la fermeture sont Magny-le-Désert (Orne), Rostrenen (Côtes-d'Armor) et Avermes (Allier).
Le secrétaire adjoint du CHSCT de Thalès à Gennevilliers se dit pour sa part impressionné par l'explosion des risques psychosociaux (RPS) dans l'entreprise : "Il y a 8 ans, les RPS occupaient 20% du temps du CHSCT. Aujourd'hui, ce doit être 80%". L'élu CFDT cite une enquête réalisée auprès de 50% des salariés il y a deux ans qui montrait des personnels mettant "la charge de travail et les changements incessants de process et d'organisation du travail" comme préoccupations principales. "La direction parle de qualité au travail car ils veulent avoir l'image d'une société responsable mais ce sont un peu des effets de manche si les accords passés sur le sujet sont mal appliqués", explique encore Tugdual de Gouvello.
(*) Le Symnes est le syndicat CFDT de la métallurgie du Nord et de l'Est de la Seine, qui fait partie de l'UPSM, l'union parisienne des syndicats CFDT de la métallurgie
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