Comment le nouveau président de la commission des affaires sociales, Paul Christophe, voit-il son rôle et son travail parlementaire compte tenu de l'absence de majorité à l'Assemblée ? Quels dossiers le député Horizons veut-il mettre en avant ? Que pense-t-il des projets avancés par la gauche (Smic, abrogation de la réforme des retraites, retour du CHSCT) et par le centre et la droite (prime de partage plus élevée, exonération de cotisations...) ? Nous l'avons rencontré mercredi 24 juillet à l'Assemblée. Interview.
Il a déjà fallu que nous dotions la commission des affaires sociales d'un bureau, c'est-à-dire d'un président, d'un rapporteur général, de quatre vice-présidents et de quatre secrétaires. Or nous sommes dans une configuration politique inédite. J'ai donc été très attaché à ce que bureau de la commission soit représentatif des différents courants politiques présents dans l'Hémicycle. Et c'est le cas : je suis Horizons (Ndlr : le parti d'Édouard Philippe, qui était dans l'ex-majorité présidentielle Ensemble), le rapporteur du budget de la sécurité sociale est LR (Droite Républicaine), les quatre vice-présidents appartiennent respectivement à Ensemble pour la République, au Modem (Démocrates), à la France insoumise (LFI, Nouveau Front populaire), au RN (Rassemblement national), et vous avez parmi les secrétaires un Liot (Indépendant), une LR, un Horizons, et une écologiste (voir notre encadré).

J'ai pu tester, lors d'une première réunion samedi dernier, le fonctionnement de ce bureau. Nous avions huit postes de rapporteurs à pourvoir correspondant à des avis que la commission devra rendre sur le projet de loi de finances (PLF) et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Nous avons trouvé un compromis en raisonnant par blocs politiques, avec comme clé de répartition 45% pour le bloc centre-droite (3 postes), 35% pour le bloc de gauche (3 postes), et 25% pour le bloc d'extrême droite (2 postes). Il n'y a donc pas de majorité (*). Il me semble que cela préfigure ce que nous allons devoir faire demain, c'est-à-dire raisonner par consensus. Nous ne sommes plus dans une logique gauche-droite, majorité-opposition, nous devons faire un travail de recomposition à partir de ces trois blocs politiques. Je ne sais combien de temps ces blocs vont garder leur unité.
Il y aura bien sûr les budgets. Dès que le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) seront connus, nous démarrerons nos travaux. Mais cela n'interviendra pas avant la rentrée et la nomination d'un nouveau Gouvernement. En attendant, nous devrons examiner en septembre la loi d'évaluation des comptes de la sécurité sociale.

Dans la précédente mandature, nous avions enclenché de nombreux travaux sur des missions d'évaluation et de contrôle, et comme nous avons la chance que les différents protagonistes de ces travaux aient été réélus et qu'ils siègent dans notre commission, nous allons pouvoir poursuivre ces travaux. Par exemple, nous avons une mission d'information sur les hôpitaux psychiatriques (Ndlr : conduite par Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau), une mission sur le revenu universel d'existence (Annie Vidal et Sébastien Peytavie).

Moi-même je mène une mission avec Stéphane Viry sur la semaine de quatre jours et son application dans les entreprises, en traitant tous les aspects, y compris celui de l'intensification du travail. Et il y a aussi tout le travail d'évaluation des lois publiés : nous vérifions, par exemple, si les décrets sont sortis (**). Nous pouvons nous atteler à tout cela rapidement. Maintenant, j'ignore si la session extraordinaire, qui permettrait de commencer le travail budgétaire, démarrera la dernière semaine d'août ou en septembre, cela dépendra du Gouvernement qui sera nommé.
Certainement ! Je suis député depuis sept ans, et j'ai toujours connu des sessions extraordinaires, soit en juillet, soit en août, soit en septembre.
La question du pouvoir d'achat a été très présente dans les échanges que nous avons eus lors de la campagne, donc il faut la traiter. Comment ? Le risque d'augmenter le Smic, c'est de smicardiser de plus en plus de salariés, de casser l'ascenseur social et de susciter chez ceux qui sont au-dessus du Smic et qui ont de l'ancienneté dans l'entreprise le sentiment d'être en quelque sorte pénalisés par rapport à leur investissement et leurs compétences.

Je pense qu'il faut plutôt récompenser la valeur travail, et c'est une constante depuis De Gaulle qui voulait davantage de redistribution vers les salariés. La prime de partage de la valeur (PPV) pourrait être mensualisée, en effet, et le montant de 10 000€ maximum est une piste. Mais cette prime ne touche qu'une catégorie de salariés, plutôt dans les grandes entreprises. Un mécanisme d'exonération de cotisations, pour favoriser la hausse du salaire net, toucherait davantage de personnes.
Cela rejoint la logique que nous avons : le travail doit mieux payer. Il nous faut donc trouver un mélange de solutions. Mais sans obérer la productivité de nos entreprises qui affrontent un monde compétitif : si vous augmentez le coût du travail en France, il ne faudra pas s'étonner que les entreprises ne s'installent plus chez nous. Dans le Nord, nous avons un territoire très dynamique avec un renouveau industriel très fort avec des gigafactory (Verkor, ProLogium, XTC-Orano, etc.) qui représentent 10 à 20 000 emplois. Faisons attention à ne pas fragiliser ce renouveau.
Ce seront immanquablement des pistes de travail. Si ce n'est pas le Gouvernement qui introduit des projets de loi sur ces sujets, ils feront l'objet de propositions de lois de la part des partis du bloc de gauche lors des niches parlementaires, ces journées dont l'ordre du jour comprend des textes que proposent les groupes. Le débat s'imposera donc à nous. Autant l'aborder d'une manière sereine, technique, compétente.

Aujourd'hui, que signifie abroger la réforme des retraites ? Je n'ai pour l'instant pas lu la proposition de loi du Nouveau Front populaire mais cela pose la question du coût de cette abrogation et de son financement. Est-ce aux générations futures de payer ? Notre responsabilité consiste à mes yeux soit à pérenniser notre système de répartition, soit en inventer un autre, et le système universel de retraites à points reste une piste de réflexion.
Je vois des CSE qui s'organisent très bien. Ce changement a fait monter en compétence de nombreux représentants du personnel, et il faut donner le temps pour que cela continue.

Ce n'est pas en multipliant les instances qu'on va être plus performant : avant, il était parfois très compliqué pour une entreprise de caser dans l'agenda les réunions de toutes les instances, aujourd'hui, c'est quand même plus pratique de geler une journée pour caler une réunion CSE. C'est plutôt en renforçant les compétences des personnes qui siègent dans les CSE qu'on va gagner en efficacité. D'ailleurs, quand j'ai vu, à côté de chez moi pour une entreprise en difficulté, le niveau d'expertise des syndicats pour analyser les offres de reprise, franchement, je leur tire mon chapeau.
Il y a des mécanismes à inventer. Regardez les carrières : ce n'est pas à 60 ans qu'il faut s'intéresser aux pathologies professionnelles, il faut anticiper dès 50 ans ces questions et envisager des reconversions.

Tout un pan qui pouvait accompagner la réforme des retraites n'a pas été mis en place : le contrat senior, la transmission des compétences, la lutte contre les accidents du travail. Notre défi, c'est de faire en sorte que le salarié soit mieux rétribué et mieux accompagné dans sa carrière, et il faut trouver une majorité pour porter ces sujets. Il faut être dans le dépassement des intérêts politiques pour privilégier l'intérêt général et non pas tout raisonner sur l'objectif de 2027 (Ndlr : l'élection présidentielle). Sinon, nous savons qui arrivera au pouvoir : c'est l'extrême droite.
C'est quand même curieux de voir des politiques s'en remettre à un haut-fonctionnaire ! Plus sérieusement, vous pouvez nommer n'importe quel chef de Gouvernement, s'il n'a pas de majorité pour voter le budget, il y aura un 49.3, une motion de censure et le Gouvernement sera renversé.

Donner un nom, c'est prendre le problème à l'envers. Mieux vaut définir les bornes d'un programme et d'un budget et laisser la discussion s'engager dans ce cadre. Et là nous pourrions nous rejoindre avec les démocrates-sociaux : nous ne serions pas d'accord sur tout mais sur la base d'un tel cadre, nous pourrions voter ensemble un budget.
Le président de la République n'a pas forcément tort d'enjamber les Jeux olympiques, d'autant que l'activité de la France va ralentir au mois d'août. Mais un Gouvernement qui expédie les affaires courantes a forcément une durée de vie limitée.
(*) Pour le PLFSS 2025, les rapporteurs de la commission des affaires sociales sont Yannick Neuder (équilibre général), Guillaume Florquin (autonomie), Louis Boyard (famille), Sandrine Rousseau (assurance vieillesse), Jean-Charles Grelier (accidents du travail et maladie professionnelle). Pour le PLF 2025, les rapporteurs sont Sandrine Runel (régimes sociaux et de retraite), Anchya Bamana (santé), Christine Le Nabour (solidarité, insertion, égalité des chances), Didier Le Gac (travail et emploi).
(**) Charlotte Parmentier-Lecocq est rapporteure d'application sur la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, Marie-Pierre Rixain et Marie-Charlotte Garin étant rapporteures d'application de la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle
La composition et le rôle de la commission des affaires sociales
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Député du Nord, jusqu'alors vice-président de cette instance, Paul Christophe, qui appartient au parti d'Édouard Philippe "Horizons" et donc à l'ancienne majorité présidentielle, succède à Charlotte Parmentier-Lecocq (Ensemble) à la présidence d’une commission des affaires sociales très renouvelée après les législatives. C’est une commission importante pour le travail parlementaire : son champ couvre l'emploi et les relations du travail, la formation professionnelle, la santé et la solidarité, les personnes âgées, les personnes handicapées, la famille, la protection sociale, les lois de financement de la sécurité sociale et le contrôle de leur application, mais aussi l'insertion et l'égalité des chances. Dans cette commission composée de 73 députés (*),
Aux postes clés, le rapporteur du budget de la sécurité sociale est Yannick Neuder (Droite républicaine). Les vice-présidents sont :
Les secrétaires sont :
(*) Parmi lesquels des personnalités comme Jérôme Guedj, Arthur Laporte, Louis Boyard, Olivier Falorni, Marc Ferracci, Stéphanie Rist, Laurent Marcangeli, etc. ► Sur le sort électoral des personnalités politiques investies dans les sujets du travail et du social, lire notre article. |
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
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