Plan d'accompagnement des CSE : les actions envisagées, les critiques syndicales

Plan d'accompagnement des CSE : les actions envisagées, les critiques syndicales

10.01.2022

Représentants du personnel

Le ministère a présenté hier soir par visio aux partenaires sociaux un plan d'accompagnement visant les élus des CSE et les employeurs, plan qui passe par une meilleure communication sur les offres de formation et de possibilité de valorisation des mandats. Pas à la hauteur des problèmes rencontrés sur le terrain, estiment les syndicats. Un groupe de travail va se mettre en place.

Pour le ministère du Travail, "au regard de l'ampleur des réformes engagées" par les ordonnances Macron il y a 4 ans, ordonnances qui ont créé l'instance unique de représentation du personnel et réformé la négociation collective, un "délai d'appropriation" était inévitable.

Mais il est aujourd'hui nécessaire "de mobiliser les acteurs". Aussi le ministère propose-t-il aux partenaires sociaux de constituer un groupe de travail associant administrations et organismes concernés (direction générale du travail, Anact, Intefp, etc) autour de propositions en vue d'un accompagnement des CSE et d'une relance du dialogue social. Pour le gouvernement, les outils existent, il faut aider les acteurs sociaux à s'en saisir. Lors d'une visioconférence hier soir, le ministère du Travail a échangé avec les partenaires sociaux sur le contenu de ce plan, qui fait suite au dernier rapport du comité d'évaluation des ordonnances de 2017 (lire notre article).

Le contenu du plan envisagé

Le plan envisagé comporte trois points ne nécessitant a priori aucune modification législative ou réglementaire des ordonnances de 2017.

  • 1/ Le renforcement de la formation des élus et la valorisation des parcours syndicaux.

Formation des élus : Il s'agit de donner plus de "visibilité" aux offres de formation régionales en les recensant. Mais aussi de développer de nouvelles offres de formation sur le dialogue social avec le ministère de l'Enseignement supérieur afin de développer le diplôme universitaire "dialogue social" (voir un témoignage ici) et en produisant un MOOC sur le dialogue social (Ndlr: un MOOC est une formation en ligne). Enfin, il est aussi question de "valoriser les formations communes", toujours peu développées, entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés : une campagne de communication serait lancée pour mettre en avant "les démarches ayant rencontré le succès".

Valorisation des parcours syndicaux : comment renforcer l'attractivité des mandats ? Le ministère propose de mettre en valeur les dispositions conventionnelles innovantes sur ce thème "grâce à l'analyse d'une série d'accords par une université" et en construisant sur cette base "un module pédagogique" d'aide à la négociation de ces dispositions. Le plan comporte aussi un renforcement de la communication sur la certification relative aux compétences acquises dans l'exercice d'un mandat (électif ou syndical), certification gérée par l'Afpa, ou encore d'élargir les concours de la fonction publique auxquels les anciens représentants du personnel peuvent accéder via le troisième concours.

On se souvient que ce thème n'avait guère été anticipé par le ministère, alors même que la réduction du nombre des mandats et la limitation de leur nombre rendaient ce problème incontournable à terme (lire notre article et notre article sur les débuts timides de ce chantier).

  •  2/ ​L'accompagnement à la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) et l'appropriation des outils de réorganisation des systèmes de représentation dans l'entreprise ..

Pour accompagner les petites entreprises dans la mise en place du CSE, le document évoque le développement de réseaux d'employeurs et d'élus CSE (comme le réseau des incubateurs CSE d'Occitanie), l'action ciblée des services de l'administration du travail vers les entreprises qui ont le plus besoin de conseils, et la mise en place d'ateliers pour "sensibiliser les petites entreprises à l'utilité des CSE", sur le modèle des ateliers de l'Anact.

Concernant la santé, la sécurité et les conditions de travail, le plan évoque "un référentiel de compétences à destination des membres du CSE" sur ces thèmes, mais aussi des ateliers de "sensibilisation" sur ces sujets pour les sociétés de moins de 50 salariés, et "la mise en lumière" des accords innovants sur la santé au travail. 

  • 3/ La montée en puissance de la négociation collective, notamment dans les très petites entreprises (TPE),

Le gouvernement constate que la faculté offerte par la loi aux partenaires sociaux d'aménager le calendrier, le contenu et le rythme des négociations n'a guère été utilisée, la négociation se concentrant dans les TPE sur certains thèmes comme l'épargne salariale. Pour y remédier, le ministère souhaite une "montée en puissance" des Observatoires départementaux du dialogue social (ODDS), afin de "favoriser le partage des bonnes pratiques". Cela passe par une meilleure formation des membres de ces observatoires ("élaboration des diagnostics, aide à la conduite de projets", etc.).

L'idée est là aussi de mobiliser l'administration et "d'outiller davantage les négociateurs" grâce à l'Anact ("kits d'appui à la négociation" par ex), et de faire la publicité des accords innovants.

Sur le plan des branches, le ministère envisage un groupe de travail réunissant plusieurs secteurs "afin d'identifier les blocages structurels ou ponctuels rendant difficile pour les branches l'élaboration de stipulations spécifiques pour les TPE".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Les critiques syndicales

Il semble que les organisations patronales ont accueilli plutôt favorablement le plan présenté dès lors qu'il ne s'agit pas de modifier la loi. Mais du côté des organisations syndicales (OS), comme l'avait déjà exprimé vendredi la CFDT (lire notre article), le désaccord était manifeste. "Il y a eu une sorte de front commun des OS pour dire que le problème principal ne réside pas tant dans un défaut d'accompagnement que dans la réponse aux défauts évidents des ordonnances : charge de travail des élus trop importante, absence de proximité entre élus et salariés, mauvaise prise en compte des questions santé, sécurité et conditions de travail", résume Philippe Portier, pour la CFDT. 

"Ne proposer qu'un accompagnement à droit constant, c'est passer à côté des sujets soulevés par le rapport du comité d'évaluation des ordonnances. A la CFTC, nous avons formé nos élus et délégués aux ordonnances et à la négociation et pour autant, de nombreuses entreprises savaient qu'elles pouvaient ne pas négocier et se contenter du minimum applicable ", renchérit Pierre Jardon, pour la CFTC. 

 Ce plan est un habillage à la marge

 

Pour Fabrice Angéi, de la CGT, ce plan est "un habillage à la marge" : "Il y a un très gros décalage entre le plan présenté, qui n'apporte rien de très nouveau, et le constat sur le terrain. Mais le ministère veut agir à droit constant, donc on ne change rien". Selon le responsable CGT, ce n'est pas le type d'accompagnement envisagé qui fera que les entreprises négocieront davantage la mise en place du CSE (discuté dans 20% des cas seulement) ou qui donnera de nouvelles attributions au commissions santé, sécurité et conditions de travail, la CGT réclamant le retour des CHSCT. Quant à l'affaiblissement de l'action des branches sur les TPE, il ne faut pas selon lui en chercher loin les raisons : "Les employeurs ont intérêt à opter pour le référendum entreprise par entreprise", dit Fabrice Angéi.

 Il ne s'agit pas de répondre aux problèmes, mais d'accompagner les ordonnances

 

"L'objet de ce groupe de travail ne semble pas être de mettre l’accent sur les lacunes de la loi en vue de les corriger mais bien d’accompagner la mise en oeuvre des ordonnances", commente pour sa part FO qui entend "combattre" certaines propositions d'accompagnement telles que "la « négociation » dans les TPE ("le référendum d'entreprise dans les moins de 21 salariés n'est en aucun cas de la négociation, mais un texte unilatéral de l'employeur soumis au vote des salariés"), les formations communes, le recours à la dérogation en matière de NAO (négociation annuelle obligatoire) avec la possibilité de modifier le calendrier et les thèmes de négociation obligatoire…"

FO demande le rétablissement des CHSCT, un droit à la formation pour les élus CSE suppléants, le renforcement du nombre des délégués de proximité (dont la création, facultative, passe actuellement par un accord), des moyens et jours de formation supplémentaires pour les élus liés aux nouvelles prérogatives environnementales, ou encore la fin de la limitation à deux des mandats des élus du personnel. Enfin, Force ouvrière estime qu'il ne s'agit pas de convaincre de l'utilité d'un CSE les employeurs récalcitrants mais d'imposer le respect de la loi.

Un groupe de travail piloté par la DGT

Le ministère du Travail a indiqué hier soir en fin de réunion aux partenaires sociaux qu'il allait compléter ses propositions à la lumière des remarques syndicales, mais toujours à droit constant. Un groupe de travail réunissant les partenaires sociaux va donc se mettre en place d'ici trois semaines, piloté par la Direction générale du travail (DGT) avec sans doute une nouvelle réunion en janvier. "Il y a des points intéressants dans ce plan, et nous y travaillerons, mais c'est dommage", lâche Pierre Jardon (CFTC). Gilles Lecuelle (CFE-CGC) abonde : "Revaloriser les parcours syndicaux ? Très bien, mais n'avons-nous pas déjà travaillé sur les certifications ? A la CFE-CGC, nous avons fait le boulot pour informer nos élus sur le diplôme universitaire de dialogue social et sur la valorisation des compétences". Ambiance...

 

Bernard Domergue
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