Plan pauvreté : le compte n'y est pas

Plan pauvreté : le compte n'y est pas

18.02.2016

Action sociale

Début 2013, le gouvernement lançait un ambitieux plan quinquennal de lutte contre la pauvreté. Trois ans plus tard, les associations réunies au sein du collectif Alerte dressent un bilan sévère. L'approche interministérielle a été abandonnée, les échecs se multiplient dans le logement et l'emploi. Les mesures positives sont sous-dimensionnées par rapport aux besoins.

Si un émissaire du gouvernement était présent lors de la conférence de presse du collectif Alerte dans les locaux du Secours catholique (à quelques encablures de Matignon), ses oreilles ont dû siffler. Les critiques sur les blocages dans la mise en oeuvre du plan anti-pauvreté lancé début 2013 fusaient. La déception était à la hauteur de l'engagement qu'avait mis ce collectif de 38 organisations, d'abord pour convaincre le candidat Hollande de reprendre à son compte l'idée d'un plan ambitieux pour endiguer la montée de la pauvreté, ensuite pour le mettre en musique au moment de la grande conférence nationale fin décembre 2012 (lire ici et ).

Jean-Marc (Ayrault), reviens !

Tout en tentant de mettre en avant les points positifs (comme la revalorisation des minima sociaux), le président d'Alerte François Soulage a le sentiment d'un recul par rapport aux objectifs initiaux. "On est reparti sur une logique de silo où chacun mène dans son coin des actions. La dimension interministérielle qui était au coeur du plan a énormément reculé." Et de s'étonner que, depuis la définition de sa feuille de route voici un an, Manuel Valls n'ait pas trouvé le temps pour recevoir le collectif Alerte. En off, les militants associatifs disent regretter l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui portait une vraie attention aux questions sociales.

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Toujours la gestion hivernale de l'hébergement

La plus grande déception concerne sans doute le secteur du logement et de l'hébergement. Très incisif, Christophe Robert, le directeur de la Fondation Abbé Pierre, dresse un véritable réquisitoire. "C'est un échec par rapport aux objectifs du plan, explique-t-il. Il n'y a pas d'arrêt de la gestion hivernale de l'hébergement. Dans quelques semaines, des places vont fermer avec l'arrivée du printemps. Pour la construction de logements sociaux, on est très loin de l'objectif de 150 000 par an. Et sur les 110 000 construits, seule une petite fraction est constituée de logements très sociaux. Et je ne parle même pas des 60 000 ménages reconnus par le Dalo à qui on n'a toujours pas fait de propositions."

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Raccrocher au droit commun

Sur les reculs du gouvernement, Christophe Robert est intarissable. Il dénonce les demandes de plus en plus fréquentes adressées aux responsables des structures de contrôler les papiers des personnes hébergées. "Il n'en est pas question, assène-t-il. Le principe, c'est l'inconditionnalité de l'accueil". De même, il se déclare inquiet par la concurrence entre les publics, notamment les sans-abris et les réfugiés (lire ici et ). "La solution pour éviter cela, c'est de raccrocher le plus souvent possible au droit commun", explique le porte-parole de la Fondation. 

Inquiétudes sur la domiciliation et les CCAS

Sur le volet accès au droit, Véronique Fayet, présidente du Secours catholique, se félicite des bons débuts de la prime d'activité, tout en s'interrogeant sur le financement du dispositif (le gouvernement ayant tablé sur un taux de recours de 50 %). En matière de domiciliation des personnes, le collectif Alerte est particulièrement inquiet : "De nombreux CCAS traînent les pieds pour le faire. Et seuls sept départements ont mis en place un schéma de domiciliation alors que c'est une obligation assignée aux préfets." Elle juge, par ailleurs, que la fin de l'obligation d'avoir un CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants constitue "un mauvais signal" d'autant que les structures intercommunales ne prennent pas vraiment le relais.

Où sont les 275 000 solutions nouvelles pour la petite enfance ?

Sur le volet enfance-famille, le compte n'y est pas non plus. Administrateur de l'Unaf, Alain Feretti rappelle l'engagement du pouvoir de créer 275 000 solutions nouvelles pour la petite enfance, dont 75 000 en maternelle. Eh bien, cela ne décolle pas vraiment en maternelle et "7 000 assistantes maternelles ont été perdues", explique-t-il. Le collectif Alerte trouve assez paradoxal que ce soit le secteur lucratif qui crée le plus de places pour la petite enfance et que les associations, du fait des restrictions budgétaires, ferment 4 000 places par an. 

Justement, cette question de la petite enfance renvoie à celle du retour à l'emploi des personnes qui en sont éloignées. Dans le plan "Nouvelles solutions face au chômage de longue durée" présenté par François Rebsamen, l'accent avait été mis sur la mise en place de modes de garde adaptés. Depuis, le dossier est resté en suspens.

Amplifier la garantie jeune et le suivi dans l'emploi

Le collectif Alerte est plutôt satisfait de l'annonce du plan de formation de 500 000 chômeurs, mais souhaite être éclairé sur les modalités pratiques, en termes de contenu et de durée. De même, les dispositifs de garantie jeunes et de suivi dans l'emploi assuré (pendant trois mois) par Pôle emploi ou par les associations d'insertion par l'économique vont-ils dans le bon sens, mais ils sont calibrés sur des volumes beaucoup trop réduits. "500 000 jeunes pourraient être concernés par la garantie jeunes, mais 40 000 mesures simplement sont budgétées", déplore Florent Gueguen, DG de la Fnars. Et le même de prévenir : "Si les personnes en chômage de longue durée ne sont pas accompagnées, elles ne pourront pas bénéficier de l'éventuelle reprise économique." 

Désaccord sur le dossier calaisien

Sur le volet migrant (qui ne fait pas partie du plan pauvreté), Jean-Claude Mas, le secrétaire général de la Cimade, se fait très alarmiste. Aussi bien la prise en charge des mineurs isolés étrangers, jugée globalement défectueuse par les services de l'ASE, que sur la politique en direction des Roms sans oublier l'absence de revalorisation des crédits pour l'allocation aux demandeurs d'asile, la situation serait préoccupante. Quant au démembrement de la "jungle" de Calais, qui pourrait se faire très rapidement, Alerte, par la voix de la présidente du Secours catholique, exprime son désaccord avec l'idée d'expulser les migrants qui ne trouveraient pas place dans les deux centres d'hébergement. Un courrier de l'ensemble des organisations devrait être adressé dans les prochains jours au Premier ministre pour lui demander de changer de méthode. Vu le peu d'écho que le réseau associatif a auprès de Matignon, il n'est pas sûr que cela le fasse reculer.

Il faut piloter le chantier !

En conclusion, Alerte appelle le gouvernement à garder le cap initial, mais en lui allouant plus de moyens et en changeant de méthode. Ce n'est pas dit aussi directement, mais le message est clairement destiné au Premier ministre : pilotez le plan anti-pauvreté !     

Noël Bouttier
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